Plaignant
Pierre William Oliver
Mis en cause
Maryse Robinet et Jocelyne Cazin journalistes, et Le Groupe TVA, («
J.E. » – Nadia Jawhar, rédactrice en chef déléguée)
Résumé de la plainte
M. Pierre William Oliver porte plainte contre un reportage de l’émission
» J.E. » diffusée sur les ondes de TVA le 21 avril
2000, qui tendrait, par » des doutes et des malentendus « , à le
discréditer injustement.
Griefs du plaignant
Le plaignant accuse l’émission » J.E. » et la journaliste
Maryse Robinet d’avoir » fait du sensationnalisme avec une histoire banale
» et d’avoir utilisé certains moyens allant à l’encontre de l’éthique
journalistique. Selon le plaignant, » « J.E » a cherché à
faire du sensationnalisme au détriment des faits réels (…) « .
Le plaignant récuse le soi-disant intérêt public du reportage de «
J.E. « , et trouve à ce titre que « »J.E. » a
accordé à cet événement un caractère démesuré par rapport à son degré d’intérêt
public ». » J.E. » et la journaliste Maryse Robinet auraient
en outre manqué à l’éthique journalistique en ne resituant pas les événements
dans leur contexte et en présentant implicitement M. Oliver comme un «
p’tit vite « .
De la même façon, la journaliste aurait dépassé les limites
déontologiques en enregistrant une conversation à l’insu de M. Oliver et en en
diffusant certains extraits durant le reportage de « J.E. »
Le plaignant réprouve également l’orientation générale du reportage de
» J.E. « , qu’il considère comme une atteinte directe à sa vie privée
et à sa réputation. À cet effet, M. Oliver fustige la conclusion du reportage
de » J.E. » qui laisserait » planer inutilement des
doutes sur [son] intégrité (…) « .
Enfin, le plaignant souligne que la diffusion de certains rushs
de l’émission » C’est Noël tous les jours » dans le reportage de
» J.E. » n’a fait l’objet d’aucune autorisation préalable auprès du
producteur – soit M. Oliver lui-même – et du diffuseur (TQS).
Commentaires du mis en cause
Après avoir indiqué les principes journalistiques d’exactitude, d’honnêteté
et d’intégrité qui ont prévalu lors de la réalisation du reportage de «
J.E. « , Nadia Jawhar rappelle l’orientation du reportage, qui «
traitait des critères d’admissibilité et des pouvoirs de différents syndicats
ou organismes représentant divers artistes de la télévision ». Madame
Jawhar précise que l’évocation de la situation de M. Oliver dans l’émission
» J.E. » obéissait au souci d’illustrer par un cas réel la
problématique du reportage et se défend de toute accusation de sensationnalisme.
En ce qui à trait au fond même du reportage, Mme Jawhar soutient, preuve
à l’appui, que les éléments avancés par la journaliste Maryse Robinet dans
l’émission » J.E. » sont corroborés par les témoignages des artistes
concernés. De ce fait, l’information livrée par » J.E. » serait bien
conforme aux événements.
Concernant l’accusation d’abus de confiance faite par M. Oliver, Mme
Jawhar en réfère à la jurisprudence du Conseil de presse qui reconnaît que
» les enregistrements clandestins peuvent constituer une pratique légitime
dans le cadre du journalisme de consommation (…) « . Elle se rapporte
également à l’article 36 (5) du nouveau Code civil du Québec, qui mentionne que
l’on peut enregistrer la voix de quelqu’un pour les fins de l’information
légitime du public.
Mme Jawhar souligne par ailleurs qu’en aucun cas la vie privée de M.
Oliver n’a été révélée dans le reportage mis en cause, ni aucune atteinte
directe portée à sa réputation.
Et de conclure, tout en se référant à la loi sur le droit d’auteur, que
la diffusion de certains extraits de l’émission » C’est Noël tous les
jours » a bénéficié de la collaboration d’une source anonyme qui possédait
des droits sur le matériel, les producteurs délégués contrôlant la production
des émissions depuis l’absence de M. Oliver des plateaux de tournage.
Réplique du plaignant
Le plaignant réitère ses accusations contre l’émission » J.E.
» et la journaliste Maryse Robinet.
M. Oliver désapprouve le fait d’avoir été » pointé du doigt «
par le reportage de » J.E. » dans « une période difficile
et même fragile à bien des niveaux pour [sa] société et [lui] « .
L’émission aurait non seulement atteint sa réputation et sa vie privée au nom
d’un intérêt public très discutable, mais le sensationnalisme du reportage
était de nature à aggraver la situation financière dans laquelle il se trouvait
alors.
Selon M. Oliver, l’émission » J.E. » n’avait en outre aucune
raison d’être puisqu’elle intervenait dans une période où il tentait de
corriger la situation financière de son entreprise et de rembourser ses
créanciers. Pour M. Oliver, la » campagne de dénigrement «
accompagnant l’émission « J.E. » était le fait d’une «
minorité de créanciers revanchards » intéressés par » le coté
spectaculaire que se donne cette émission lorsqu’elle pointe du doigt un individu
(…) « . Au contraire, la majorité des créanciers de M. Oliver – dont
l’APVQ et l’UDA – » trouvaient inutile et exagérée l’intervention de
« J.E. » « .
Le plaignant dénonce une fois encore l’enregistrement téléphonique
clandestin dont il a été victime et rappelle que l’émission » J.E. «
a porté une atteinte directe à sa vie privée en révélant certains détails
» comme le coût de [sa] maison par exemple et toute [sa ]situation en
général « .
De poursuivre, enfin, que la diffusion des rushs de l’émission
» C’est Noël tous les jours « , était illicite, le producteur et sa
société ayant des droits exclusifs quant à l’utilisation des séquences
produites.
Analyse
L’attention que les médias et les professionnels de l’information décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter leur appartient en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
À ce titre, la journaliste Maryse Robinet pouvait utiliser l’émission » C’est Noël tous les jours » pour illustrer le reportage de « J.E. « , lui-même orienté vers un thème librement choisi en vertu du principe de la liberté de jugement rédactionnel.
Dans le cas précité, le plaignant déplorait que le reportage de l’émission « J.E. » attaque sa vie privée et sa réputation en montrant du doigt une situation dont il récuse par ailleurs l’intérêt public. Après avoir examiné le reportage incriminé, le Conseil de presse considère l’information diffusée d’intérêt public. Le Conseil souligne que l’analyse de » J.E. » était essentiellement centrée sur la situation professionnelle de M. Oliver, lui-même producteur d’une émission à caractère public.
Le Conseil n’a vu aucune entorse à la déontologie concernant l’utilisation d’un procédé » clandestin » par » J.E. « . Le Conseil constate que la diffusion sur TVA de certaines bribes de conversations entre le plaignant et la journaliste Maryse Robinet se limitait à des propos qui ne pouvaient en aucun cas porter atteinte à la vie privée et la réputation de M. Oliver.
En ce qui a trait à la conclusion présumée tendancieuse du reportage de « J.E. », le Conseil rappelle que les hypothèses soulevées par la journaliste Maryse Robinet ne réfèrent pas à un cas de fraude ou de malversation. Tout au plus la journaliste évoque-t-elle la possibilité d’une » faillite », d’un » manque de financement » ou d’une « mauvaise gestion « .
Tant du point de vue de la recherche d’informations que de celui de l’exposition des faits l’émission » J.E. » et la journaliste Maryse Robinet se sont conformées aux exigences de rigueur et d’impartialité, de mise dans tous les genres journalistiques, y compris dans le journalisme d’enquête.
Au regard des considérations précédentes, le Conseil de presse rejette la plainte contre l’émission » J.E. » et la journaliste Maryse Robinet.
Analyse de la décision
- C12D Manque de contexte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15H Insinuations
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C23E Enregistrement clandestin
- C23I Violation de la propriété privée