Plaignant
L’Institut des fonds
d’investissement du Canada (Joanne Vézina, présidente du CFIQ)
Mis en cause
Yan Barcelo, journaliste, et Décision
(Marie-Christine DuPont, rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
Mme Joanne Vézina porte plainte
pour un article paru dans le magazine Décision, édition hiver 2001 sous
le titre » Fonds mutuels – Le risque en vaut-il la peine? « . Elle
considère que les propos tenus par Yan Barcelo sont ambigus et qu’ils «
peignent une image des plus fausses du produit des fonds
d’investissement ». La plaignante a également adressé sa plainte au
quotidien La Presse qui a publié cet article du magazine Décision
le 16 janvier 2001.
Griefs du plaignant
La plaignante indique que l’article
a été analysé par les administrateurs du Conseil des fonds d’investissement du
Québec (CFIQ) qui l’ont trouvé inexact au point de le qualifier de
désinformation publique. Mme Vézina considère que l’article contient des
informations non fondées et présentées de façon biaisée. Il rend une fausse
image du produit financier que sont les fonds de placement, en plus de donner
au public une information incorrecte et incomplète.
Pour Mme Vézina, le contenu de
l’article semble être un hybride entre une critique du livre de M. Daniel
Stoffman intitulé: » The Money Machine » et du journalisme
d’enquête, ce qui ne permettrait pas au lecteur de voir où l’opinion de M.
Barcelo s’arrête et où celle de M. Stoffman commence. Cet article donne
l’impression que MM. Barcelo et Stoffman ont découvert quelque chose que des
millions de Canadiens détenant des fonds communs de placement n’ont pas su voir
jusqu’à présent.
La plaignante conteste l’élément de
l’article portant sur les quelque 3 200 fonds présentement vendus au Canada,
dont l’apparition est dictée par les impératifs du marché et qui ne seraient à
chaque fois qu’une nouvelle façon d’inventer la roue. Pour elle, une saine
compétition est gage d’une meilleure protection du consommateur et le
journaliste néglige de mentionner que le chiffre de 3 200 fonds présentement
vendus au Canada inclut les fonds investis à l’extérieur du Canada. La
diversité des fonds de placement et des opportunités d’investissement auxquels
ont accès les investisseurs canadiens, justifie l’utilisation des gestionnaires
de placement professionnels.
Mme Vézina répond ensuite à
l’affirmation de M. Barcelo, selon laquelle les actionnaires de fonds de
placement font passer leurs intérêts avant celui des consommateurs.
La plaignante aborde ensuite la
question des frais et commissions que le journaliste décrit comme » cachés
derrière des manœuvres astucieuses publicitaires « . Elle répond que de par
la loi cela est inscrit en langage simple dans les deux premières pages du
prospectus de fonds, le document remis à tous les acheteurs. Elle conteste les
» différences de frais administratifs » et indique que la compétition
est si vive qu’il n’y a virtuellement pas de différence entre les commissions
et les frais d’administration payés par les fonds vendus par les courtiers et
les planificateurs financiers.
De nombreuses autres inexactitudes
pourraient également être relevées dans le texte, selon la plaignante, mais
elle estime que le lecteur comprendra rapidement ce qu’il en est. Elle indique
cependant que le manque le plus flagrant envers le lecteur vient du fait que M.
Barcelo essaie de donner l’impression qu’un investisseur peut obtenir le même
rendement avec les obligations qu’avec les fonds d’actions et ce, à un moindre
risque. Mme Vézina affirme que des données provenant de » Bellcharts
« , tableau à l’appui, montrent la preuve irréfutable du contraire.
La plaignante reconnaît ensuite que
le Fonds d’actions canadiennes a accusé un manque de performance
comparativement à l’indice repère TSE 300 mais elle répond que les
professionnels de l’investissement recherchent un véhicule leur permettant
d’obtenir un rendement supérieur à un investissement garanti, sans avoir à
expérimenter la volatilité des marchés d’actions. Se référant au tableau de M.
Barcelo, la plaignante affirme que c’est la preuve que la plupart de ces fonds
ont atteint cet objectif. Elle ajoute que c’est la capacité du gestionnaire de
fonds de diminuer la volatilité qui permet aux détenteurs de parts de demeurer
dans le marcher boursier, pour éventuellement profiter des résultats d’un
programme d’investissement à long terme. Pour la plaignante, l’article porte
donc atteinte à l’intégrité d’un des quelques véhicules qui peuvent permettre
aux individus à revenus modestes de prendre activement leur responsabilité
financière personnelle.
Elle joint à sa plainte copie de
l’article et des communications acheminées aux diverses parties en cause afin
que le Conseil puisse juger des efforts entrepris dans ce dossier.
Commentaires du mis en cause
La rédactrice en chef, mme Marie-Christine
DuPont indique qu’après consultation avec le journaliste Yan Barcelo, son
magazine serait prêt à accorder dans sa prochaine parution un droit de réplique
à la partie plaignante sous forme de débat écrit: une page argumentaire
de la part de l’Institut des fonds d’investissement du Canada et une page de
réplique du journaliste. Pour Mme DuPont, il serait sans doute intéressant de
comparer les deux points de vue.
Réplique du plaignant
Mme Vézina indique que le CFIQ
n’agira pas dans le sens suggéré par Mme DuPont et qu’il s’en remettra plutôt
aux compétences du Conseil de presse pour étude et décision.
Analyse
Un des premiers principes relatifs à la liberté de presse s’énonce comme suit: » Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. »
Sur la base de cet énoncé, le journaliste jouissait d’une liberté rédactionnelle certaine pour relater les faits et commenter librement le sujet qu’il avait choisi de traiter. Cette latitude lui est plus spécifiquement reconnue à l’intérieur du genre journalistique que représente l’article de magazine, qui s’apparentant à la chronique, se situe entre la nouvelle et le commentaire. Il permettait notamment au journaliste de commenter à la fois la question des risques assortis aux fonds d’investissement et les propos de l’auteur Daniel Stoffman.
La plainte soumise à l’attention du Conseil renfermait plusieurs griefs pour déformation des faits et information incomplète, information non fondée et biaisée mais surtout pour information inexacte. Le Conseil a noté que la représentante des plaignants argumente en plusieurs endroits pour expliquer son point de vue ou le justifier sur certains aspects, mais qu’elle n’indique pas spécifiquement les éléments erronés dans l’article visé et en quoi ils le sont.
De même en est-il du grief de l’atteinte à l’image. Les griefs précédents ne pouvant être retenus, nul ne peut conclure que l’article a porté atteinte à l’intégrité de l’Institut des fonds d’investissements du Canada.
Par ailleurs, le Conseil aimerait faire observer que la direction du magazine Décision a démontré un comportement déontologique responsable en offrant un droit de réplique aux plaignants et en les invitant même à un débat de fond sur la controverse.
Le Conseil est d’avis que les plaignants ont raté ainsi une belle occasion de faire entendre leur point de vue et éventuellement de se rendre justice.
Ces explications ayant été exposées, le Conseil de presse ne peut que rejeter la plainte contre le journaliste Yan Barcelo et le magazine Décision.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12B Information incomplète
- C17G Atteinte à l’image
- C20A Identification/confusion des genres