Plaignant
M. Jean-FrédÉric Martin
Mis en cause
M. Pierre Limoges, président, éditeur et journaliste et le bimensuel Le Bruchésien
Résumé de la plainte
M. Jean-FrédÉric Martin porte plainte à l’encontre du journaliste et éditeur du bimensuel Le Bruchésien, pour avoir publié un article dans l’édition du 24 octobre 2005, sous le titre «le RESPECT des ENFANTS!». Il reproche au journaliste, le manque de rigueur et l’inexactitude de l’information ainsi que le manque de respect de sa réputation et de sa vie privée.
Griefs du plaignant
M. Jean-FrédÉric Martin juge que les propos publiés dans l’édition du 24 octobre 2005 portaient atteinte publiquement et injustement à sa vie privée. M. Martin est titulaire d’une classe de 5e année depuis plusieurs années à l’école Harmonie-Jeunesse à Sainte-Anne-des-Plaines, et selon ses dires et plusieurs témoignages reçues à travers les années, il a toujours été populaire auprès de ses élèves et apprécié de leurs parents. En août 2005, la mère d’une élève à laquelle il avait enseigné au cours de l’année 2004-2005 s’est présentée à la direction de l’école, prétextant qu’il avait humilié sa fille, en lui faisant commettre en classe des gestes d’une bassesse inadmissible. Contacté par la directrice de l’école, M. Martin a formellement réfuté ces accusations. Il a été blanchi par la suite, tant par la Commission scolaire que par son employeur, à la suite d’une enquête menée auprès d’élèves et de parents qui ont confirmé ses dires et plaidé son innocence. Parallèlement à sa démarche auprès de la direction, la dame déposait une plainte au ministère de l’éducation du Québec et contactait Le Bruchésien. Après vérification, le ministère n’a pas donné suite à la plainte. Selon le plaignant, le 31 août, le commissaire d’école avait informé les autorités de la commission scolaire que M. Pierre Limoges, du Bruchésien, lui aurait téléphoné pour le mettre au courant de ces accusations. M. Limoges n’a jamais tenté d’entrer en contact avec le plaignant, la direction d’école ou la direction de la commission scolaire afin d’obtenir leurs commentaires sur l’histoire. Ce n’est que lors de la parution de l’édition d’octobre 2005 du Bruchésien que le plaignant a constaté que le journaliste publiait uniquement la version de la mère. En s’en prenant injustement à lui, M. Martin ajoute que le journaliste a également atteint sa famille et entaché sa réputation en lien avec son implication dans divers organismes de son milieu. Selon le plaignant, une des raisons pour lesquelles Le Bruchésien s’en serait pris à lui découlerait en fait d’une question politique. D’aucuns considèrent que ce journal est une publication partisane, dont la teneur des propos est régulièrement pamphlétaire, ajoute-t-il. Lors de la dernière campagne électorale municipale, la partialité du Bruchésien était telle que le directeur général des élections du Québec aurait été saisi du dossier et mènerait présentement une enquête. Selon M. Martin, le journaliste a maintes fois cherché à nuire aux candidats de l’un des deux partis en présence, soit celui pour lequel il militait. Il admet qu’il a été surpris que M. Limoges publie son article à la fin du mois d’octobre, soit à quelques jours du vote, alors qu’il était en possession de l’histoire depuis le mois d’août. M. Martin fait remarquer que M. Limoges a déjà fait face à des plaintes au Conseil de presse du Québec et qu’il a reçu des blâmes de sa part. Selon le plaignant, à la suite de la parution de l’article en octobre, plusieurs personnes ont signifié à M. Limoges qu’il avait commis une erreur en publiant cette histoire. Pourtant, dans les parutions qui ont suivi, il n’a pas rectifié les faits, ni même cherché à le faire, manquant ainsi à sa responsabilité de rectification de l’information, conclut-il.
Commentaires du mis en cause
M. Pierre Limoges mentionne que c’est à la suite d’un appel téléphonique d’une citoyenne, Mme Coralie Vignaud et de la rencontre de cette dernière accompagnée de sa fille et d’un copain de classe qu’il a pris connaissance des faits reprochés à M. Martin. Avant de publier, M. Limoges affirme avoir rencontré d’autres enfants et parents qui ont confirmé la plainte de Mme Vignaud, à l’effet que M. Martin faisait imiter certains animaux par des élèves de sa classe. Le mis-en-cause dit avoir rencontré M. Jocelyn Gardner, commissaire à la CSSMI et ce dernier lui aurait mentionné qu’il avait entendu parler de la plainte et attendrait la décision du ministère de l’éducation pour commenter. à la suite de la publication de l’article, M. Limoges mentionne qu’une dame lui a téléphoné pour lui signaler qu’une pétition circulait à l’école Harmonie-Jeunesse pour contredire la plainte de Mme Vignaud. Il dit avoir informé la dame qu’il publierait une copie de ladite pétition, mais la dame n’aurait jamais fait suite à l’offre de publication. M. Limoges se demande s’il y avait vraiment une pétition légitime ou si ce n’était que chantage et harcèlement haineux comme plusieurs citoyens de Sainte-Anne-des-Plaines prennent plaisir à faire pour tenter de cacher lâchement la vérité ou protéger un petit ami. Selon le mis-en-cause, c’est la «guéguerre des clochers» à Sainte-Anne-des Plaines et plusieurs personnes cherchent par tous les moyens possibles, à abattre celui qui cherche la vérité et désire informer honnêtement la population qui est en droit de savoir. D’ailleurs, avance-t-il, «le résultat de la récente élection municipale témoigne clairement de la popularité du journal, Le Bruchésien, ce qui a créé la rogne chez les perdants, dont M. Martin était l’un des organisateurs». M. Limoges tient à préciser qu’il n’a jamais accusé M. Jean-FrédÉric Martin, mais simplement rapporté les faits mentionnés par Mme Vignaud et certains témoins, comme tout bon journaliste honnête aurait fait. Au point avancé par le plaignant à l’effet que le directeur général des élections du Québec mènerait une enquête sur la partialité du Bruchésien, lors des élections municipales. M. Limoges répond qu’il est tout probable que des poursuites judiciaires soient intentées contre le parti Vision Action pour libelle et propos mensongers. Le mis-en-cause souligne qu’il a commencé sa carrière en journalisme en 1975 et qu’il en est à sa 31e année et qu’il a eu à subir des injures, menaces de mort, poursuites et plaintes au Conseil de presse du Québec. Il ajoute qu’il s’est impliqué et s’implique toujours dans différents organismes de sa région. M. Limoges termine en précisant qu’il a toujours dénoncé les injustices, commandites, patronage, manigances et que ce ne sont pas des plaintes farfelues comme celle de M. Martin et autres qui vont l’influencer.
Réplique du plaignant
M. Martin joint à sa réplique la lettre d’appui, erronément qualifiée de pétition, dont M. Limoges remettrait l’existence en doute. Une initiative spontanée d’une dame Paquin avec l’aide de deux de ses anciennes élèves. Cette lettre circulait déjà depuis quelques jours lorsque que M. Martin dit avoir été mis au courant de son existence. Il a demandé personnellement à Mme Paquin de ne pas la faire publier, étant donné qu’elle contenait des signatures de mineurs. Le plaignant affirme que son lien avec cette dame est strictement d’ordre professionnel, ayant enseigné à trois de ses quatre enfants. Les insinuations de M. Limoges, lorsqu’il soupçonne Mme Paquin de «cacher lâchement la vérité ou protégé (sic) un petit ami!» sont donc, selon lui, gratuites, sans fondement et irrespectueuses. Lorsque le mis-en-cause avance qu’il ne l’a jamais accusé, qu’il n’a rapporté que l’information «comme tout bon journaliste honnête aurait fait» le plaignant répond que le contenu de l’article ne rapporte que les propos de Mme Vignaud. M. Martin soutient qu’un souci d’exactitude et d’impartialité aurait voulu que le journaliste communique avec lui ou son employeur avant de publier, afin d’obtenir leur version des faits ou commentaires. L’information contenue dans l’article ne reflétait aucunement l’ensemble de la situation. Le plaignant se dit surpris de voir apparaître plusieurs témoins anonymes, lorsque M. Limoges doit se défendre devant le Conseil de presse, alors que dans son article, il n’est question que du témoignage «d’une mère bouleversée». Il se demande comment le journaliste peut prétendre avoir agi honnêtement, quand pour des raisons purement politiques et stratégiques, il a attendu plus de deux mois avant de publier cet article. M. Martin ajoute que si M. Limoges avait été vraiment convaincu qu’il était vil, il aurait agi en «bon et honnête journaliste» en publiant immédiatement l’information. Selon le plaignant, les commentaires de M. Limoges ne laissent planer aucun doute, il a bel et bien payé de sa réputation, son implication aux élections municipales. M. Martin dit avoir déposé cette plainte auprès du Conseil, car Pierre Limoges et Le Bruchésien se sont rendus complices d’une diffamation à son endroit, ce qui a causé, à sa famille et à lui, de lourds dommages. De plus, il trouve odieux que M. Limoges ose qualifier sa plainte de «farfelue». Le plaignant joint à sa réplique des textes manuscrits de plusieurs finissants de sa classe de l’an dernier. Il souligne qu’à la lecture de ces mots, on peut y constater que le souvenir qu’il a laissé n’est pas celui d’un enseignant qui humiliait ses élèves.
Analyse
Les principes déontologiques du Conseil de presse stipulent que, quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. Le premier grief du plaignant est à l’effet que le journaliste n’aurait publié qu’une version des faits, en omettant de présenter l’ensemble de la situation. De son côté, le journaliste mentionne avoir contacté le commissaire d’école qui l’aurait avisé qu’il ne commenterait pas l’événement avant d’avoir la décision du ministère de l’éducation. Le journaliste aurait tout de même écrit que le commissaire jugeait l’événement comme «un fait anodin». Dans le présent cas, les propos rapportés et le manque d’une vérification rigoureuse auprès de M. Martin ou de responsables de l’école n’ont pas assuré un traitement journalistique équilibré. Le grief est donc retenu. Au second grief, M. Martin dénonce le manque de rectification du journaliste. Les faits reprochés remontent au mois d’août et l’article fût publié au mois d’octobre, alors que les décisions des paliers administratifs de l’école exonéraient M.Martin. Le Conseil constate que le journaliste n’a pas effectué les vérifications d’usage et s’étonne que le Bruchésien n’ait toujours pas rectifié son erreur dans ses pages, comme il aurait dû le faire. Dans ces cas, le Conseil ne saurait trop répéter que des rétractations devraient être rédigées de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé. Le grief est par conséquent retenu. Le plaignant accuse le journaliste de l’avoir publiquement attaqué vu son implication aux élections municipales dans un parti qui s’opposait à celui auquel M. Limoges a été associé. Il lui reproche d’avoir voulu lui nuire en publiant la nouvelle deux mois après les événements et à quelques jours du vote aux élections municipales. Compte tenu des faits portés à sa connaissance, le Conseil constate que le Bruchésien se retrouve en apparence de conflit d’intérêts. Le grief est conséquemment retenu. M. Martin déplore l’atteinte à sa réputation et à sa vie privée causée par la publication de l’article. Le rôle du Conseil n’est pas de déterminer le degré d’atteinte à la réputation du plaignant, cela relève des tribunaux. Le Conseil a étudié le dossier sous l’angle de l’éthique professionnelle. Au vu de ce qui précède, le journaliste n’ayant pas accordé un traitement équilibré aux éléments et aux parties en opposition, il est apparu vraisemblable que le plaignant pouvait considérer qu’il y avait atteinte à sa réputation.
En conséquence, le Conseil de presse retient la plainte de M. Martin et blâme M. Pierre Limoges président, éditeur, journaliste et le bimensuel LeBruchésien , pour manque de rigueur et d’équilibre, refus de rectification et apparence de conflit d’intérêts. Le Conseil estime également impérative la publication d’un rectificatif concernant M. Martin. Compte tenu du nombre de blâmes émis à l’endroit du mis-en-cause au cours des années, le Conseil invite Le Bruchésien à clarifier sa structure organisationnelle, puisqu’elle laisse actuellement supposer que M. Limoges en plus d’être président, éditeur et journaliste assume les fonctions de directeur des ventes pour la publicité, ce qui le placerait en conflit d’intérêts. à cet effet, la jurisprudence du Conseil indique (dossiers D2001-05-079 et D2001-05-080) qu’une seule et même personne ne peut à la fois Œuvrer à la confection d’articles et à la vente de publicités au sein d’un même média car il s’agit là de fonctions tout à fait incompatibles, mettant en péril l’indépendance nécessaire à l’exercice du journalisme.
Analyse de la décision
- C02C Accorder un suivi à une affaire
- C12A Manque d’équilibre
- C12C Absence d’une version des faits
- C15A Manque de rigueur
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C17A Diffamation
- C17F Rapprochement tendancieux
- C19A Absence/refus de rectification
- C22B Engagement politique
- C22H Détourner la presse de ses fins