Plaignant
Claire et Guylaine Boutin
Mis en cause
Éric Lévesque,
journaliste, et Télévision Quatre Saisons
(Pierre Martineau, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Claire et Guylaine Boutin portent plainte contre le
journaliste Éric Lévesque pour la diffusion d’un reportage le 28 février 2002 à
l’antenne de Télévision Quatre Saisons.
Transmis au « Grand Journal » de 17 h 00, l’émission traite des suicides par
accidents de voitures et également de la mort du frère des plaignantes, Bruno
Boutin, qui se serait suicidé par ce même
recours.
Griefs du plaignant
Le journaliste diffuse dans son reportage la photo ainsi que
le nom du frère des deux plaignantes.
Claire et Guylaine Boutin estiment qu’il y aurait atteinte
au respect de leur vie privée. L’identification de leur frère dans le reportage
ferait recours au sensationnalisme et ne serait pas d’intérêt public.
Elles se seraient senties très choquées, agressées et non
respectées lors du visionnement du « Grand Journal ».
Elles ajoutent que le rédacteur en chef de
TQS-Québec, M. Pierre Martineau, leur a
présenté des excuses publiques et écrites. Il a précisé qu’aucun supérieur
n’aurait vérifié le contenu des reportages effectués par ses journalistes.
Elles émettent des réserves sur cette affirmation.
Commentaires du mis en cause
Selon Pierre Martineau, le cas de M. Boutin était bel et
bien une nouvelle d’intérêt public. L’information de son probable suicide, au
volant de son véhicule, illustre un phénomène qui semble prendre de l’ampleur
et qui a donc sa place dans l’information fournie au public.
Pierre Martineau reconnaît cependant que la diffusion de
l’identité de la victime n’était pas nécessaire à la compréhension du
reportage: c’était une erreur «bête». Il a par ailleurs
adressé des excuses publiques et personnelles à la famille Boutin.
Il explique que de telles erreurs peuvent survenir lorsque
le chef de pupitre n’a pas le temps de vérifier le contenu de chaque reportage,
lors de journées particulièrement riches en actualités.
Il ajoute que cette erreur a servi de leçon car
TQS-Québec a orchestré une séance de
formation sur le respect de la vie privée, aux journalistes, cameraman et chefs
de pupitre.
Réplique du plaignant
Aucune réplique des plaignantes.
Analyse
Le Conseil de presse rappelle que les médias, tout en assurant le droit à l’information, doivent respecter les droits de la personne dont le droit à la vie privée, à l’intimité, à la dignité et à la réputation.
Les médias doivent se soucier d’informer réellement le public plutôt que de recourir au sensationnalisme.
Dans ce contexte, la publication de photos ou de films permettant l’identification des victimes et/ou de leurs proches doit être l’objet d’une décision basée sur le caractère d’intérêt public de telles images.
Dans le cas présent, le principe du droit à la vie privée n’a pas été respecté. La photo, le nom ainsi que des informations sur la vie privée de M. Boutin, mort dans un accident de voiture qui semblait volontaire, ont été divulgués au « Grand Journal » de 17 h 00 de TQS. Ces données n’étaient pas nécessaires à la compréhension du sujet du reportage, elles semblent chercher à attiser la curiosité des téléspectateurs par le recours à un certain sensationnalisme.
Par ailleurs, chaque reportage diffusé n’est pas toujours vérifié préalablement par le chef de pupitre, comme nous l’explique le rédacteur en chef de la chaîne. Une telle situation correspond à un manque de rigueur de la part de Télévision Quatre Saisons dans le contrôle de l’information délivrée au public.
Il faut noter que Pierre Martineau, rédacteur en chef de TQS-Québec, a adressé des excuses publiques et personnelles à la famille Boutin et qu’il a orchestré une séance de formation sur le respect de la vie privée destinée aux journalistes, cameraman et chefs de pupitre. C’est là un comportement responsable, constate le Conseil.
Néanmoins, sur les bases du manque de rigueur, du recours au sensationnalisme et du manquement au respect de la vie privée, le Conseil de presse ne peut que retenir la plainte portée contre Télévision Quatre Saisons.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C16D Publication d’informations privées