Plaignant
Yan
Letarte
Mis en cause
Richard
Martineau, journaliste et Voir
(Pierre Paquet, éditeur, Communications Voir
inc.)
Résumé de la plainte
Yan Letarte porte plainte contre Richard
Martineau et l’hebdomadaire Voir pour
la publication d’un article paru le 26 décembre 2002 intitulé «Trash
radio». L’article traite de la situation dans laquelle s’est retrouvé un
animateur d’une radio de la ville de Québec et, par extension, critique les
radios de cette ville.
Selon le plaignant, cet article présente
des inexactitudes et véhicule des préjugés à propos des habitants de la ville
de Québec. De plus, le plaignant note que cet article concernant Québec n’a pas
été publié à Québec mais à Montréal.
Griefs du plaignant
Le plaignant met
en relief trois points dans sa plainte.
Il commence par
une énumération d’inexactitudes énoncées par le journaliste. D’une part, il
affirme comme étant fausse l’assertion selon laquelle l’animateur radio, André
Arthur, ait fait jouer une chanson particulière à un moment précis. D’autre
part, le plaignant énonce que l’animateur radio Jeff Fillion n’a pas traité le
chanteur Martin Deschamps de «Monsieur Patate» comme l’écrit le
journaliste. Enfin, Richard Martineau cite le nom de trois animateurs radio et
considère qu’ils ont le même style radiophonique, ce que dément le plaignant.
Pour lui, les trois animateurs ont un style distinct. Il affirme que Robert
Gillet, contrairement à ce qu’affirme le journaliste, n’a jamais fait du
trash radio.
Yan Letarte
considère que le journaliste a mal informé les lecteurs du
Voir et que son travail journalistique manque de rigueur du fait
qu’il ne s’est fié «uniquement qu’à ce qu’il avait entendu dire des
émissions» dites trash.
Le plaignant dénonce ensuite les
préjugés «négatifs et gratuits» que véhicule le journaliste à
propos des habitants de Québec. Il contredit le journaliste en affirmant qu’il
est impossible que tous les habitants de Québec se connaissent. Selon lui,
«mentionner que tous ces gens se connaissent et qu’il y a une loi du
silence généralisée relève de la fabulation pure». En outre, il considère
que la phrase « (…)ses habitants [de Québec] sont conformistes et
petits-bourgeois, avec leur petit pull marin de chez Simons et leurs cheveux
séparés sur le côté (…)», bien qu’ironique, ne donne pas moins aux
lecteurs «la perception que Québec semble vivre dans une Omertà
institutionnalisée». Il déplore que les propos de l’auteur propagent des
préjugés négatifs à l’égard de la ville de Québec et de ses habitants.
En dernier point, Yan Letarte fait
remarquer que l’édition du Voir
Québec publie des articles venant de
l’édition montréalaise du Voir. Il
déplore que l’article en cause n’ait pas été publié dans l’édition de Québec et
indique que le droit de réplique du public de la ville a été «tué dans
l’œuf». Il y voit une désapprobation du rédacteur en chef du
Voir Québec.
Commentaires du mis en cause
Le mis-en-cause
amorce ses commentaires en faisant une remarque sur l’objet de la plainte.
Selon Pierre Paquet, le plaignant ne devrait pas demander au Conseil de presse
de «mettre de l’ordre dans les propos de M. Martineau [mais] qu’il
devrait commencer par demander de mettre de l’ordre dans le style incendiaire
et cavalier de commentaires que font sur les ondes des radios de Québec les
animateurs qu’il vient ici défendre».
Pierre Paquet
juge ensuite que le fait que l’animateur radio André Arthur ait joué une
chanson avant ou après son dernier commentaire sur un sujet ne change rien,
selon lui, au style de cet animateur.
Pour finir ses commentaires, il met en
garde le plaignant sur le fait que les animateurs radio ne peuvent se prévaloir
de «dire n’importe quoisous prétexte qu’ils n’écrivent pas»
leur reportage.
Réplique du plaignant
Tout d’abord, le
plaignant exprime sa surprise et sa déception à la lecture des commentaires de M.
Paquet. Il dit ne pas être le défenseur des animateurs radio Arthur, Fillion et
Gillet et affirme qu’écrire cela c’est lui prêter des intentions qu’il n’a pas
exprimées dans sa plainte.
Il énonce
ensuite que sa plainte «n’a pas été produite contre ou pour ces
animateurs radio» mais qu’elle vise le journal
Voir Montréal et son journaliste Richard Martineau.
Il développe à
nouveau les trois points de sa plainte: les inexactitudes et le manque de
rigueur, les propos haineux et l’absence de droit de parole. Concernant le
premier point, il dit avoir une attitude critique envers la pratique du
journalisme étant diplômé en communication publique. Le deuxième point résulte
de sa réaction «comme citoyen de Québec s’étant senti injustement attaqué
par les propos du journaliste». Le troisième point est la constatation
que le fait de ne pas publier ce texte négatif envers la capitale dans
l’édition du Voir
Québec soit un désaveu du rédacteur en
chef de Québec. De plus, cette décision n’a pas permis une réponse adéquate des
lecteurs québécois et donc un débat public.
Selon lui, le
journaliste déforme la réalité en déclarant dans son article que l’animateur
radio a fait jouer la chanson durant le démantèlement du réseau de pédophiles.
Le moment du passage de cette chanson est pour lui déterminant. Le manque de
rigueur du journaliste a entraîné une mauvaise information
du public sur la situation à Québec.
En conclusion à
sa réplique, Yan Letarte appuie son argumentation sur le manque de
professionnalisme de Richard Martineau en citant un article signé par ce
dernier et dans lequel il explique l’origine des textes très critiques publiés
dans les colonnes du Voir. En effet,
alors qu’il était rédacteur en chef du Voir
Montréal, M. Martineau demandait aux journalistes en région de produire de
tels textes. Le plaignant invite le Conseil de presse à observer le
renouvellement de cette pratique sensationnaliste dans l’article «Trash
radio».
Le plaignant joint en annexe l’article pris
en exemple dans sa réplique.
Dans un courrier électronique adressé au
Conseil, Yan Letarte exprime l’incapacité dans laquelle il se trouve à fournir
un enregistrement d’une émission d’André Arthur. En outre, il affirme ne pas
avoir entendu la chanson et ajoute que l’animateur radio a spécifié qu’il
n’avait pas fait jouer la dite chanson en commentant en ondes l’article publié
dans le Voir.
Analyse
La chronique et la critique sont des genres qui tiennent autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information. Ces genres d’information laissent à leurs auteurs une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue et de leurs jugements. Ils permettent aux journalistes qui les pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, ce qu’ils peuvent faire dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire.
Cependant, le chroniqueur et le critique ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes.
D’une part, la présente décision vise à établir si la rédaction du journal Voir aurait dû publier l’article concernant la Ville de Québec dans l’édition Voir de Québec. En vertu de la liberté rédactionnelle reconnue aux médias sur cet aspect, le Conseil ne retient pas ce grief. L’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information. Il relevait de la prérogative du journal Voir de faire un tel choix et de disposer librement de ses pages.
D’autre part, concernant les manquements en regard de l’ exactitude et de la rigueur de l’information, le Conseil, ne considérant pas les propos du plaignant comme vérifiés et démontrés, ne juge pas ce grief fondé. Quant à savoir si l’ex-animateur Robert Gillet doit être associé au genre radiophonique du « trash radio », le Conseil ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour se prononcer sur cette question.
Considérant le traitement de la chronique de Richard Martineau dans l’ensemble, le Conseil de presse ne retient pas la plainte contre le journaliste et le journal Voir, compte tenu qu’il n’y voit aucune violation des grands principes qui régissent l’éthique journalistique.
Analyse de la décision
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C11B Information inexacte
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
Date de l’appel
8 October 2003
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. Yan Letarte