Plaignant
M.
David Rovins
Mis en cause
Le
Journal des Pays d’en Haut (M. Michel Gareau,
directeur général régional et Mme Kim Nymark, directrice générale)
Résumé de la plainte
M. David Rovins porte
plainte contre le
Le Journal des Pays d’en Haut et ses
dirigeants parce que ceux-ci ont refusé de publier ses lettres et même de le
rencontrer. Sa plainte est datée du
6mars 2003.
Griefs du plaignant
M. David Rovins de Sainte-Adèle
raconte qu’il existe dans sa rue un sérieux problème de circulation de
motoneiges, qui a failli coûter la vie à trois jeunes filles. Il a donc rédigé
un article à ce sujet, qu’il a adressé à Mme Kim Nymark, directrice générale du
Journal des Pays d’en Haut. Lorsqu’il
a voulu rencontrer le directeur général régional pour parler de ce problème, ce
dernier n’a pas voulu en discuter, lui refusant même un rendez-vous de cinq
minutes. M. Gareau aurait même été jusqu’à lui dire de ne pas envoyer de lettre
au journal et de ne plus revenir au bureau.
Le plaignant estime qu’il
a le droit d’écrire des lettres et d’aller au bureau du journal. C’est, selon
lui, son droit constitutionnel, les journaux étant les composantes les plus
importantes de la démocratie. Alors qu’il veut éviter une tragédie,
explique-t-il, les dirigeants du journal refusent de publier sa lettre.
À sa plainte du 6 mars,
M. Rovins ajoute un document daté du 19 mars où il précise que, comme citoyen amÉricain,
il adhère à la déclaration de Thomas Jefferson à l’effet que la presse est le
plus important aspect de la démocratie. Il y indique que depuis plusieurs
années, les citoyens de la région parleraient du journal en des termes peu
flatteurs et il en donne deux témoignages. M.Rovins se dit honteux de
vivre dans une communauté visée par des allégations de corruption, allégations
sur lesquelles le journal reste muet.
Le
plaignant termine en ajoutant : « I realize you will do nothing as I am told
journalism in Canada generally is a disgrace but I thought you should know. »
Quelques jours plus tard
suit un complément de plainte daté du 21 mars. Le plaignant y indique qu’il a
fait part à la directrice générale du Journal
des Pays d’en Haut de certains faits ayant cours à Sainte-Adèle, parce que
plusieurs personnes lui ont dit qu’il était temps que la presse en soit
informée.
Il fait observer qu’on
rapporte rarement dans le journal les plaintes des citoyens exprimées durant la
période de questions [du Conseil municipal] et qu’on lui a expliqué que c’est
parce que Mme Nymark siège à la Chambre de commerce de Sainte-Adèle. Elle est
en conflit d’intérêts. Pourtant, selon les codes d’éthique, un journal doit
présenter les deux points de vue.
M. Rovins conclut en
mentionnant qu’il existe de terribles allégations de corruption et de méfaits à
l’endroit de l’actuel Conseil municipal mais que rien de cela ne paraît dans le
journal. Il en a informé Mme Nymark mais elle n’était pas intéressée à la
question. Il lui a alors dit qu’elle était en contravention des codes d’éthique
et en conflit d’intérêts et qu’il ferait quelque chose à ce sujet, c’est-à-dire
écrire au Conseil de presse.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la firme Saint-Arnaud,
Pageau, avocats, pour Le Journal des Pays d’en Haut:
Au sujet de la
première plainte, les mis-en-cause répondent que le plaignant semble vouloir
mettre en doute les choix éditoriaux du journal. Or, pour eux, les choix du
journal quant à la publication de tel ou tel reportage sont sa prérogative.
Dans le cas des
« allégations vagues et tendancieuses » faites dans la lettre du 19 mars, les
mis-en-cause estiment qu’ils n’ont pas
à répondre à de telles allégations sans fondement.
Dans le cas du
complément de plainte, le porte-parole des mis-en-cause réitère le droit du
journal à choisir la publication et les informations de son choix. Les
allégations d’un manque d’intégrité de
Mme Nymark et d’un potentiel conflit d’intérêts sont
aussi, selon les mis-en-cause, tout à fait mal fondées puisque
Mme Nymark n’est aucunement
reliée à la Ville de Sainte-Adèle
.
Le représentant des mis-en-cause termine en
soulignant que le plaignant a communiqué à plusieurs reprises avec le personnel
du journal, Mme Nymark et M. Gareau,
et ils incluent copie de deux lettres du plaignant qui peuvent ajouter un peu
de lumière sur ses intentions. Les deux missives de M. Rovins sont adressées à
Mme Nymark : la première est une lettre de remerciements empreinte d’une
politesse enjolivée de superlatifs admiratifs à son endroit et la seconde,
écrite sur le même ton, est une
invitation à le rencontrer à l’occasion de la fête de la St-Valentin.
Réplique du plaignant
Le plaignant amorce sa réplique en
demandant des informations sur le Conseil de presse du Québec. Il demande si le
Conseil a de réels pouvoirs pour corriger la situation et si oui, lesquels.
Il rappelle ensuite les raisons pour
lesquelles il s’est adressé au Conseil : Le
Journal des Pays d’en Haut a refusé
de rédiger une nouvelle ou de publier sa lettre concernant la situation
extrêmement dangereuse causée par les motoneiges dans Sainte-Adèle.
Pour seule réponse, il a reçu la menace de
M. Gareau de faire intervenir la police s’il apportait à nouveau des lettres
sur le sujet ou sur tout autre sujet. Le directeur général régional a également
mis Mme Nymark
en congé pour deux semaines, parcqu’elle aurait pu être tentée
d’écrire un article à ce sujet (because
she
might
have
had a conscience to do an
article on
the situation
).
Le lendemain de sa réplique, le plaignant
renvoie au Conseil de presse un complément de deux pages où il s’explique sur
les deux lettres envoyées à Mme Nymark. Il répond que l’avocat tente de
suggérer qu’il a rapporté la journaliste au Conseil de presse parce qu’elle ne
l’a pas rencontré le jour de la Saint-Valentin. Or, selon le plaignant, quand
Mme Nymark
lui a dit qu’elle voyait quelqu’un d’autre, il a respecté sa volonté (I
wished her will and did
not socially interact again with her).
Le plaignant explique que sa première lettre
personnelle avait été écrite après l’avoir rencontrée une première fois. Mme
Nymark l’avait beaucoup
impressionné parce qu’elle lui avait dit qu’elle le laisserait consulter
certaines parutions antérieures du journal. Mais Michel Gareau lui a refusé cet
accès. Comme son père, Bernard, lui avait toujours permis de voir les éditions
passées – une consultation d’un éminent journaliste et d’autres amis lui ont
confirmé qu’il avait ce droit – il a pris rendez-vous avec Mme
Nymark et il a été très
impressionné lors de cette première rencontre. C’est cette impression qui est à
l’origine de son désir de la rencontrer à nouveau, ce qui expliquait la seconde
lettre.
S’il a rapporté au Conseil de presse
qu’elle était en conflit d’intérêts, c’est que selon ses concitoyens, elle
travaille pour la Chambre de commerce et que selon eux, elle aurait également
dû publier sa lettre au sujet du problème causé par les motoneiges. La Chambre
de commerce et l’Hôtel de ville ne forment qu’un, selon lui, quand il s’agit d’accepter
la présence de ces motoneiges dangereuses dans les rues de Sainte-Adèle, et ce,
pour des motifs économiques.
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
En vertu de ces principes maintes fois répétés par le Conseil de presse, le plaignant ne pouvait s’attendre à ce que Le Journal des Pays d’En Haut lui permette de publier tout ce qu’il désirait dans les pages de l’hebdomadaire régional. Si la liberté d’expression appartient au citoyen, la liberté de presse – et partant la liberté journalistique – appartient aux médias et non aux citoyens. En conséquence, il revenait au journal et non à M. Rovins de déterminer l’importance de traiter du danger des motoneiges dans les rues de Sainte-Adèle.
Le plaignant reprochait ensuite aux mis-en-cause d’avoir refusé de le rencontrer, lui demandant même de ne pas envoyer de lettre au journal et de ne plus revenir au bureau. En annexant à leur défense deux lettres personnelles de M.Rovins à Mme Nymark, les mis-en-cause suggèrent, sans le préciser explicitement, que la conduite du plaignant justifiait la fermeture de son accès au journal.
À ce sujet la déontologie indique que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal ou aux ondes des stations de radio et de télévision.
Le plaignant déplorait enfin que Mme Nymark soit en conflit d’intérêts, ce qui expliquait qu’elle ne traite pas de toutes les informations municipales. Après examen, le Conseil de presse a pu constater que le nom de Mme Nymark apparaît effectivement sur le site Internet 2002-2003 de la Chambre de commerce de Sainte-Adèle et qu’elle y occuperait le poste de trésorière.
Toutefois, M. Rovins n’a aucunement démontré les intérêts réels en conflit dans les activités professionnelles de Mme Nymark ni comment cette situation avait affecté le produit ou le travail journalistique. Le Conseil ne peut donc retenir le grief sur cet aspect fondé davantage sur des présomptions que sur des faits.
Décision
Au terme de cet examen, donc, le Conseil de presse rejette la plainte qu’il juge non fondée contre Le Journal des Pays d’en Haut et ses dirigeants Mme Kim Nymark et M. Michel Gareau .
Analyse de la décision
- C01B Objection à la prise de position
- C08A Choix des textes
- C13B Manipulation de l’information
- C22C Intérêts financiers
- C22D Engagement social
- C23L Altercation/manque de courtoisie
Date de l’appel
5 March 2004
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. David Rovins