Plaignant
M. Michel Chayer
Mis en cause
Mme Lucie Masse, directrice générale et
l’hebdomadaire Le Courrier du Sud
Résumé de la plainte
M. Michel Chayer porte plainte contre le
journal hebdomadaire Le Courrier du Sud pour un article publié le samedi
10 mai 2003. L’article faisait suite à une décision du Conseil de presse du
Québec dans un dossier ayant opposé le directeur des communications de la Ville
de Longueuil au journal hebdomadaire régional Point Sud et à son
rédacteur en chef.
Griefs du plaignant
La plainte de M. Chayer contre le journal
hebdomadaire Le Courrier du Sud a pour objet un article publié le samedi
10 mai 2003. Cet article faisait suite à une décision du Conseil de presse du
Québec ayant opposé le directeur des communications de la Ville de Longueuil,
François Laramée, au journal hebdomadaire régional Point Sud et à son
rédacteur en chef, Maurice Giroux.
Avant de formuler ses griefs, le plaignant
fait une mise en situation dans laquelle il affirme notamment : « M. Laramée
fut rédacteur en chef au Courrier du Sud et il y tint la chronique
DEHORS pendant plus de vingt ans, jusqu’à sa nomination à la Ville de
Longueuil; aujourd’hui, les services de M. Laramée allouent des contrats de
publicité à hauteur de plus de trois cent mille dollars annuellement à
l’hebdomadaire Le Courrier du Sud; qui plus est, sa femme, Mme Diane
Lapointe travaille dans ce journal et la chronique DEHORS y est encore publiée…
» Par ailleurs, le plaignant demande, au passage, pourquoi le journal Point
Sud ne bénéficierait pas lui aussi des contrats de publicité de la Ville.
En ce qui concerne plus spécifiquement
l’article publié par Le Courrier du Sud, les propos qu’on y trouve
seraient biaisés si on les compare à la récente décision du Conseil de presse
du Québec auxquels ils réfèrent et, en plus, ils ne seraient pas signés. Ayant
observé la présence d’un code alphanumérique au bas du cadre entourant
l’article, le plaignant conclut qu’il s’agit de toute évidence d’un espace
acheté à l’hebdomadaire pour faire valoir un communiqué dans lequel l’auteur «
a tripoté » la décision du Conseil de presse.
Pour le plaignant, il est inquiétant que M.
Laramée soit directeur des communications à la Ville de Longueuil et qu’à ce
titre il puisse attribuer des contrats au journal où il fut rédacteur en chef
et où son épouse travaille, et où est encore publiée sa chronique DEHORS. Il
est également inquiétant que l’hebdomadaire publie cet encadré mais n’ait pas
repris ce qu’en dit, dans les faits, le Conseil de presse du Québec.
Sur sa lancée, M. Chayer met en doute
l’honnêteté du directeur des communications de la Ville et celle du journal Le
Courrier du Sud. En terminant, il précise, qu’il n’est ni l’ami, ni le
collaborateur de M. Giroux du journal Point Sud et qu’il n’est même pas
abonné à ce journal.
COMPLÉMENT
À LA PLAINTE
Quarante jours
après le dépôt de sa plainte, M. Chayer expédie au Conseil un complément de
plainte par lequel il veut faire une mise au point concernant certains éléments
de sa plainte ce qui, précise-t-il, ne constitue pas une réplique.
Pour le plaignant, Le Courrier du Sud
avait l’obligation, en termes d’éthique, d’indiquer la source de l’encadré qui
fut publié pour le compte de M. Laramée; et s’il s’agissait « d’une publicité
rédactionnelle », le journal avait l’obligation morale d’en informer son
lectorat. De plus, seul le Conseil de presse est habilité à émettre ses
décisions par voie de communiqué; or, « c’est une décision complaisamment
élaguée, favorable à François Laramée » qu’a publiée Le Courrier du Sud.
Le plaignant réitère qu’il est tout à fait légitime qu’il s’interroge sur « les
liens équivoques » qui unissent l’ex-rédacteur en chef et l’hebdomadaire des
mis-en-cause. Il rappelle, en outre, qu’aucun des articles des journalistes du Courrier
du Sud ni aucune photo accompagnant un article n’est bordé d’un code
alphanumérique; il n’y a que les espaces vendus qui le soient.
Commentaires du mis en cause
C’est avec stupéfaction et indignation que
la directrice du Courrier du Sud accueille la lettre de M. Chayer. Elle
divise ses commentaires en deux parties, l’une sur la forme et l’autre sur le
mérite de la plainte.
Outre l’expression exagérée et diffamatoire
des propos tenus, M. Chayer n’a, selon elle, rien de nouveau à ajouter à ce
qu’il disait dans une plainte antérieure déposée au Conseil de presse (dossier
2003-01-039). Mme Masse rappelle que dans cette affaire, le plaignant avait
disséqué son journal pour observer que la chronique de la Ville était bordée
d’une série alphanumérique.
La directrice rappelle que son journal
avait alors abondamment expliqué sa façon de faire et que le Conseil de presse
avait rejeté cette plainte.
Pour Mme Masse, le plaignant utilise des
mots et des expressions pour colorer son texte de façon haineuse, diffamatoire
et exagérée. Selon elle, cet individu, qu’il utilise le nom de Michel Chayer ou
de Michel Vallée, cherche à ternir l’image et la crédibilité de son journal
auprès du Conseil de presse du Québec. Quant à la question : « Pourquoi le
journal Point Sud ne bénéficierait pas aussi des contrats de publicité
de la Ville de Longueuil? », elle répond que le Conseil de presse n’est pas le
forum approprié pour traiter de cette question. Si on prétend à quelque conflit
d’intérêts impliquant son journal, que le plaignant s’adresse aux tribunaux de
droit commun et qu’il cesse ses démarches auprès du Conseil de presse.
En ce qui concerne le mérite de la plainte,
il apparaît à la directrice que la question réside encore dans la présence
d’une série alphanumérique présente dans un article du journal. Mme Masse
réaffirme donc que, tel que mentionné dans une plainte antérieure devant le
Conseil de presse, il s’agit simplement de codes internes de référence pour
retracer le matériel du journal, les annonces, photo-montages ou textes, par
dates et par numéros. Les annonces publicitaires en sont également coiffées.
Par ailleurs, la directrice dit comprendre
que le Conseil ne lui a demandé aucune explication relativement au texte paru
le 10 mai 2003 puisqu’il est indiqué dans sa lettre que les commentaires
attendus portent sur une présumée confusion des genres « entre l’information et
la publicité au sujet d’un encadré paru le 10 mai 2003 ».
La directrice du journal Le Courrier du
Sud termine ses commentaires en espérant que « cette rafale de plaintes de
Michel Chayer, alias Michel Vallée, soit la dernière ».
COMPLÉMENT AUX
COMMENTAIRES
En réponse aux derniers arguments du
plaignant, Mme Masse présente ses derniers commentaires.
La directrice affirme que ce qui a été
publié par son journal est un communiqué officiel de la Ville de Longueuil,
dûment identifié. Elle ajoute que Le Courrier du Sud publie des dizaines
de communiqués de la Ville chaque semaine, sans en identifier la source.
Celui-ci a eu droit au même traitement. Mme Masse explique : « Le communiqué
portait un code alphanumérique pour que nous puissions le repérer rapidement et
le positionner selon notre évaluation. Une procédure de régie interne qui ne
regarde que notre journal. Jusqu’à nouvel ordre, nous avons encore le contrôle
sur le positionnement de notre matériel, dans notre publication, et nous
n’avons pas à nous en justifier à personne. » Mme Masse ajoute qu’il ne
s’agissait nullement de publicité et qu’en ce sens, son journal n’a trompé
personne. Par conséquent, le Conseil de presse devrait rejeter immédiatement la
plainte.
Enfin, en ce qui a trait aux allégations de
conflits, de complaisance ou de lien avec des tiers, Mme Masse demande au
Conseil de faire cesser immédiatement ces accusations et ces allégations.
Réplique du plaignant
Sur un
ton ironique, le plaignant indique que les mis-en-cause ne répondent pas à sa
plainte sur le fond; par ailleurs, à l’avenir il ne déposera plus de plainte
contre cet hebdomadaire.
Dans un
complément, acheminé par courriel quelques jours plus tard au Conseil, M.
Chayer ajoute quelques remarques à sa réplique :
–
le
communiqué de la Ville de Longueuil publié par Le Courrier du Sud n’a
été repris par aucun autre journal;
–
aucun
article, signé ou non, par des journalistes du Courrier du Sud n’est
identifié par un code alphanumérique, comme c’est le cas du communiqué dénoncé;
–
il
n’y a que les publicités et les espaces vendus pour fin de chronique qui sont
bordés de la sorte;
–
le
communiqué en question n’est pas signé et sa forme ne permet pas au lecteur
d’en connaître l’origine;
–
on a
même l’impression qu’il s’agit d’une manchette publiée par l’hebdo;
–
les
décisions publiées par le Conseil de presse doivent « originer » de cette
instance et M.François Laramée et Le Courrier du Sud devraient le
savoir.
Le
plaignant s’explique enfin sur la raison de ses nombreux pseudonymes.
Analyse
L’attention que les médias et les professionnels de l’information décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut donc dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
C’est sur la base de ces principes que le Conseil de presse considère que le journal Le Courrier du Sud pouvait, à sa discrétion, publier un communiqué de presse provenant de la Ville de Longueuil. En vertu de cette liberté, le journal pouvait même choisir de ne pas traiter autrement la question et ne pas tenir compte d’autres communiqués ou décisions portant sur le même sujet et provenant de toute autre source.
Incidemment, au Québec, tout organisme peut librement, dans le respect des lois, émettre un communiqué pour faire connaître ses prises de position en regard d’une situation donnée. Et corollairement, tout organe de presse peut publier cette information dans la mesure où elle est conforme aux règles légales et déontologiques.
La directrice du Courrier du Sud indiquait dans sa défense que son journal publiait des dizaines de communiqués de la Ville chaque semaine, sans en identifier la source et que celui-ci avait eu droit au même traitement.
À cet égard, une règle déontologique importante apparaît toutefois avoir été ignorée dans le présent cas par les mis-en-cause, celle qui veut que les médias et les journalistes doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques, lesquels doivent être facilement identifiables afin que le public ne soit pas induit en erreur sur l’information qu’il croit recevoir.
Dans le présent cas, le Conseil a constaté que l’article visé par la plainte pouvait réellement prêter à confusion. Il ne s’agissait pas d’un texte de service à la communauté comme ceux annonçant les heures d’ouverture de la piscine municipale. Il s’agissait plutôt d’une prise de position politique de la part de la Ville de Longueuil, qui émanait de son service des communications et qui impliquait, d’une part, personnellement le directeur des communications de la Ville et d’autre part, un média et un journaliste de Longueuil.
Or, ce texte que le journal considère comme un communiqué de presse pouvait aisément passer, aux yeux d’un lecteur non informé, pour une nouvelle provenant de la rédaction du journal et y être assimilé. Rien ne permettait de distinguer ce communiqué d’une nouvelle ayant subi un traitement journalistique, puisqu’il en empruntait la forme et qu’il n’était pas autrement identifié comme tel. Par conséquent, le Conseil a retenu un grief en regard de la confusion des genres journalistiques.
Par ailleurs, tout en constatant, comme le plaignant, la présence de codes alphanumériques accolés au matériel publicitaire du journal Le Courrier du Sud, et malgré « l’évidence » invoquée par M.Chayer, le Conseil de presse a estimé que le plaignant n’a jamais démontré que le communiqué visé par la plainte avait, en réalité, été payé par la Ville de Longueuil. Pour ces raisons, le Conseil n’a pas retenu ce grief.
Par conséquent, le Conseil de presse du Québec retient partiellement la plainte contre le Courrier du Sud et sa direction, et pour le seul motif spécifié.
Au terme de sa décision, le Conseil de presse aimerait enfin préciser que la présente décision ne portait que sur des matières relevant de l’éthique journalistique et qui concernent spécifiquement les mis-en-cause, soit l’hebdomadaire Le Courrier du Sud et sa direction. Après considération, les griefs formulés par le plaignant à l’égard de tiers mentionnés dans la présente plainte n’ont pas été retenus pour fins d’examen par le Conseil de presse du Québec.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C03C Sélection des faits rapportés
- C13A Partialité
- C20A Identification/confusion des genres
- C21A Publicité déguisée en information
- C22F Liens personnels