Plaignant
Mme Danie Blais, Mouvement ProChrysotile québécois, M. Raynald Paré, président et la Ville de Thetford Mines, M. Réjean Martin, greffier
Mis en cause
M. Jean-François Lépine, animateur et journaliste; M. Guy Gendron, journaliste; Mme Christine Gautrin, réalisatrice et l’émission« Zone Libre » et M. Jean Pelletier, Premier directeur, Contenus, Affaires publiques, reportages et documentaires, M. Simon Durivage, animateur et journaliste de « simondurivage.com », M. Mychel St-Louis, rédacteur en chef de « simondurivage.com » et la Société Radio-Canada
Résumé de la plainte
Mme Danie Blais reproche au journaliste et à la réalisatrice de « Zone Libre » d’avoir transmis au sujet de l’amiante une information partiale et exagérée dans leur reportage intitulé: « L’amiante au banc des accusés» diffusé le 18 février 2005 sur Radio-Canada.
M. Raynald Paré est également d’avis que le reportage a traité le sujet de l’amiante de manière biaisée. Enfin, la ville de Thetford Mines déplore que le reportage ait causé des
répercussions négatives sur la région de L’Amiante et qu’il ait été rediffusé en partie à l’émission « simondurivage.com ».
Griefs du plaignant
Selon Mme Blais, le journaliste Guy Gendron et la réalisatrice Christine Gautrin auraient dû définir la différence entre les amiantes de type amphibole et celles de type serpentine,
soit le chrysotile. Elle affirme d’ailleurs que le mot « amiante » est entendu près de 115 fois pendant l’émission contre seulement 18 fois pour « chrysotile ».
Il fallait, à son avis, préciser que le seul type d’amiante produit au Québec et au Canada est le chrysotile. Le journaliste et la réalisatrice induisent, selon elle, le public en erreur car le téléspectateur serait amené à déduire du reportage que l’amiante produit au pays et exporté est le même qu’il y a plusieurs décennies. Il fallait aussi noter que les conditions de travail au Canada et à l’étranger sont beaucoup plus respectueuses de la santé aujourd’hui et que les produits manufacturés dans le monde n’ont rien à voir avec les flocages qui ont été discutés lors de l’émission.
De l’avis de la plaignante, le journaliste et la réalisatrice auraient pu expliquer le sujet de leur reportage. Selon elle, ce dernier traitait des méfaits des amphiboles et du chrysotile avant le changement des normes de travail dans les entreprises minières du Québec, ainsi que dans celles de la transformation et de la construction, soit avant les années 70. Elle regrette aussi que M. Gendron et Mme Gautrin n’aient pas souligné que les maladies imputables aux amiantes prennent entre 20 et 40 ans avant de se manifester, et que les
taux observés aujourd’hui sont le résultat des négligences et de l’ignorance du passé.
Mme Blais soutient que les mis-en-cause n’ont pas respecté le principe d’équilibre puisqu’ils n’ont pas tenu compte du poids relatif des opinions, de leur importance réelle ou de leur signification éventuelle. Elle regrette que, sur les 200 interventions du reportage, seules 23 offrent la parole aux partisans de l’utilisation sécuritaire du chrysotile. Ces derniers ont, selon la plaignante, été insérés entre des interventions visant à les faire paraître pour des imbéciles et des irresponsables. Elle aurait aimé que « Zone Libre » interroge des gens vivant dans les régions minières, autre que la famille Rousseau et leurs acolytes, qui sont affiliés à Ban Asbestos et à l’Association des victimes de l’amiante du Québec, ne comptant que deux membres.
Les points précis soulevés pas Mme Blais sont les suivants:
M. Jean-François Lépine: «L’amiante est un produit qu’on n’utilise plus dans la construction.»
La plaignante regrette que le journaliste n’ait pas précisé de quel type d’amiante il
parlait. En effet, le chrysotile, enfermé dans une matrice comme le ciment ou l’asphalte, est encore utilisé pour du revêtement de toiture ou des tuyaux de drainage.
M. Lépine: «Depuis des décennies, on sait que c’est est un produit extrêmement dangereux»
Mme Blais renvoie à une étude menée par le toxicologiste David Bernstein. Celle-ci précise que le chrysotile a une demi-vie de 11,4 jours et ne représente pas la toxicité des amphiboles, dont la demi-vie est supérieure à 450 jours. La plaignante traite ensuite du consensus scientifique international sur le fait que le mésothéliome est lié, de façon
proéminente, à l’exposition aux amphiboles et non pas au chrysotile.
M. Lépine ajoute: «Non seulement nous en vendons, mais nous nous battons pour en camoufler les dangers.»
Mme Blais confirme que le Canada vend du chrysotile (et non pas des amphiboles) mais nie que le pays se batte pour en camoufler les effets. Au contraire, il suffit de demander au gouvernement ou à l’Institut du chrysotile pour avoir accès à de nombreuses études
démontrant notamment la faible biopersistance du chrysotile amÉricain, canadien ou brésilien.
M. Gendron affirme que «le Bureau international du travail lui [l’amiante] attribue 100000 morts par année».
La plaignante revoie à l’étude de Julian Peto qui prévoit, en 1995, une forte augmentation des mésothéliomes pour les années suivantes au Canada, et un pic de 2700 à 3300 décès annuels en 2020. Selon Mme Blais, les 100000 morts évoqués par M. Gendron sont une extrapolation des données de Peto, basées sur l’exposition aux fibres amphiboles. Ces 100000 morts ne sont pas non plus une donnée du Bureau international du travail mais du Bureau des activités des travailleurs (ACTRAV), un organe syndical européen de l’Organisation internationale du travail (OIT). Et la position officielle de l’OIT concernant
l’amiante est notamment d’appliquer les principes de la Convention 162.
La plaignante juge sensationnaliste la précision du journaliste sur la violence de la première grève.
M. Guy Gendron note: «En 1975, les mineurs de l’amiante du Québec déclenchent une autre grève avec encore la santé comme enjeu principal.»
Mme Blais explique que le journaliste amène ensuite le sujet de la nationalisation des mines d’amiante (sans préciser qu’il s’agit de chrysotile) et l’idée que le gouvernement a pris à son compte un cancer environnemental et commercial. En revanche, M. Gendron ne décrit pas les avancées permises par cette grève en matière d’hygiène industrielle dans les mines de chrysotile. En effet, suite à la grève et aux recommandations du rapport Beaudry, l’environnement de travail et la protection de la santé ont beaucoup changé dans cette industrie. Depuis, l’environnement des mines ne contient que 0,3 fibre par
centimètre cube d’air (la norme québécoise étant de 1 f / cc d’air).
Le journaliste dit: «On se fait rassurant. L’amiante est un produit naturel, pas un poison… Paroles d’experts bienveillants qui doivent tout de même faire un suivi médical des travailleurs et réduire autant que possible leur exposition.»
Selon la plaignante, le journaliste exprime ici son opinion personnelle et sème la
confusion. En effet, quelques secondes auparavant, on parlait de mineurs de chrysotile (par déduction) en grève et l’on retourne aux travailleurs souffrant de maladies reliées à l’exposition aux amphiboles, après la guerre. Or, Mme Blais insiste sur la différence entre ces deux types d’amiante. Les amphiboles causant le mésothéliome, ont été utilisés de manière inadéquate et sont aujourd’hui interdits alors que le chrysotile ne cause pas le mésothéliome, est autorisé et est utilisé de façon sécuritaire depuis plusieurs décennies.
Par ailleurs, Mme Blais avance que la réduction de l’exposition et le suivi médical
ne sont pas propre au chrysotile, mais aux travailleurs de nombreuses industries au Québec qui sont exposés à des matières partiellement dangereuses.
M. Gendron mentionne: «C’est alors que débute l’ère de l’utilisation sécuritaire de
l’amiante. On ne vend plus un produit, mais un concept, une méthode. Le client, lui, achète une tranquillité d’esprit, du moins pendant quelques années.»
La plaignante avance qu’un produit où les fibres de chrysotile sont encapsulées dans une matrice dure environ 50 ans. Elle ajoute que le client ne perdra pas sa tranquillité d’esprit après quelques années, puisque, si son produit contenant du chrysotile s’effrite, les fibres qui seront libérées n’adhéreront pas sur ses poumons, contrairement aux amphiboles (voir l’étude de David Bernstein sur la biopersistance).
D’autre part, si le client a acheté un produit avec des amphiboles, ce que le journaliste n’a
pas précisé, alors évidemment, sa tranquillité d’esprit ne dure que quelques années. Toutefois, le client a dû acheter son produit contenant de l’amiante il y a longtemps, car les amphiboles ont été bannies dans les années 70. Si aujourd’hui, il s’effrite, le client n’aura, selon la plaignante, qu’à contacter des spécialistes reconnus, qui se chargeront de l’enlever convenablement.
M. Lépine annonce: «Après la pause, le Canada devient le champion de la promotion de l’amiante alors qu’au Québec, le nombre de maladies liées à l’amiante atteint des niveaux record.»
Mme Blais cite le rapport de l’Institut national de la santé publique intitulé «Épidémiologie des maladies reliées à l’exposition à l’amiante au Québec». Celui-ci mentionne que: «Si les tendances sont réelles et se maintiennent, le taux d’incidence du mésothéliome de la plèvre des québécois pourrait amorcer un déclin d’ici environ dix ans,
soit vers 2010.» Le rapport stipule également que: «Chez les hommes, la majorité des comtés du Royaume-Uni, des états de l’Australie et des régions des Pays-Bas montrent des excès statistiquement significatifs du mésothéliome par rapport au Québec. Chez les femmes, aucun pays ne montre d’excès significatifs.»
La plaignante renvoie également au rapport «Changing trends in US mesothelioma
incidence» de Weill, Hugues et Churg (2003). Elle cite: «The high mesothelioma
risk was prominently influenced by exposure to amphibole asbestos […], which reached its peak usage in the 1960s and thereafter declined. A differing pattern in some other countries (continuing rise in incidence) may be related to their greater and later amphibole use […]. The known latency period for the development of this tumour provides biological plausibility for the recent decline in mesothelioma incidence in the USA. This favourable finding is contrary to a widespread fear that asbestos related health effects will show an inevitable increase in coming years, or even decades.»
M. Gendron mentionne que: «L’interdiction de l’amiante en France, c’est la porte ouverte à un bannissement à travers l’Europe et au-delà. Le Canada contre-attaque devant l’OMC,
l’Organisation mondiale du commerce, accusant la France d’entrave à laliberté de circulation des marchandises.»
Selon Mme Blais, il aurait fallu mentionner que le but de l’OMC n’était pas de faire le procès du chrysotile, mais plutôt de déterminer si la mesure française d’interdiction contrevenait ou non aux accords internationaux régissant le commerce international.
Le journaliste explique : «Ce n’est qu’à l’automne 2003 que l’Institut national de la santé publique du Québec compile toutes les études sur la question. Les résultats sont accablants. Si le Québec était un pays, il détiendrait le record mondial du mésothéliome
[…]. Depuis 20 ans, ce cancer causé par l’amiante est en constante progression au Québec au point où, chez les hommes, il est dix fois plus fréquent que dans le reste du Canada. Les femmes détiennent le record mondial du mésothéliome.»
La plaignante indique que les résultats de l’étude en question ont été enregistrés entre 1988 et 1997. Si l’on se réfère aux propos de M. Jack Siemiatycki de l’Institut Armand-Frappier, les dossiers évalués remontent aux années 1970 à 1989. Sachant que la latence des amphiboles est entre 20 et 40 ans, les femmes touchées par le mésothéliome ont, soit été en contact avec des amphiboles, interdites depuis les années 70, soit œuvré dans un endroit qui n’appliquait pas encore la réglementation des années 70.
M. Gendron affirme: « […] le chrysotile est un cancérigène prouvé.»
Mme Blais précise que le chrysotile est aussi cancérigène que le vernis, la peinture ou les boissons alcoolisées. Toutefois, la Commission européenne juge qu’une fibre ayant une demi-vie de moins de dix jours ne devrait pas être considérée comme étant cancérigène, et la demi-vie du chrysotile est d’environ 11,4 jours.
Le journaliste dit : « On parle de sérieux problèmes de pollution dans les usines de transformation vietnamiennes. En Inde, premier client du Canada, l’industrie de l’amiante
fait travailler des enfants. »
La plaignante considère cette phrase comme purement sensationnaliste, dans le but de rallier le public au point de vue du journaliste. Elle émet des doutes quant au travail
d’enfants dans les entreprises de transformation du chrysotile canadien et invite M. Gendron à lui fournir une liste de ces entreprises qui emploient des enfants.
M. Gendron : « Pourquoi ce coup de main à un concurrent? La réponse pourrait bien avoir à faire avec cette femme, Fernanda Giannasi, inspectrice du travail au Brésil. »
Le journaliste se demande ici pourquoi l’Institut du chrysotile épaule les entreprises brésiliennes dans leur lutte. Mais, il ne se demande pas pourquoi Mme Giannasi travaille pour le bannissement du chrysotile. La plaignante suggère que l’inspectrice du travail serait reliée à l’entreprise Saint-Gobain, qui a décidé de laisser le chrysotile pour manufacturer des produits substituts.
M. Gendron : « Aujourd’hui, des autobus de touristes parcourent les mines désertées par les travailleurs. Une demi-douzaine ont fermé. Ne restent que celles d’Asbestos et une autre à Thetford Mines. »
Mme Blais juge non pertinent le choix du journaliste d’introduire le sujet des mines fermées avec le tourisme dans la région de Thetford Mines. Selon elle, il suffisait de dire que six mines sont maintenant fermées et que trois seulement sont ouvertes. Ces trois mines sont effectivement en opération, même si elles ne fonctionnent pas toutes en même temps.
La plaignante regrette que le journaliste n’ait pas informé les téléspectateurs qu’il était
possible de visiter une mine souterraine et une mine à ciel ouvert à Thetford Mines et à Saint-Joseph-de-Coleraine. Ces mines ne sont pas désertées et respectent des normes environnementales élevées, c’est pourquoi il n’est pas dangereux de s’y aventurer avec les
guides.
M. Hervé Rousseau : « Le matin, on se levait et il fallait ramasser ça au balai. »
M. Gendron : « C’était à quelle mine, ça?»
Mme Blais reproche au journaliste de n’avoir pas situé le contexte de cette intervention,
soit les jeunes années de M. Rousseau. Elle explique qu’aujourd’hui, aucun dynamitage ni aucun moulin ne laisse s’échapper de la poussière sur la ville. Les haldes (montagnes de résidu) sont actuellement à l’étude car il est possible qu’elles aient la propriété d’emprisonner le gaz carbonique.
M. John Van Raalte raconte que les gens des régions minières d’amiante (sous-entendu
chrysotile) vivent dans un environnement contaminé.
Or une étude de la Santé publique intitulée « Fibre d’amiante dans l’air intérieur et
extérieur. État de la situation au Québec » mentionneque de 1982 à 1995, les concentrations mesurées dans l’air extérieur en l’absence de sources ponctuelles sont très faibles au Québec. Ces concentrations moyennes ont fluctué davantage en 1995 dans les villes minières, dépassant fréquemment la norme de 0,01f / cc.En 1996 et 1997, les
concentrations des villes minières étaient beaucoup plus faibles, variant de 0,003 à 0,005 f / cc. Les résultats des mesures effectuées à Black Lake sont systématiquement plus
élevées qu’à Asbestos et Thetford Mines.
La plaignante invoque également les conclusions de la Commission royale sur l’amiante de
l’Ontario (1984), de la Société royale d’Angleterre (1989), de l’OMS (1989) et de l’Académie de médecine de France (1996) selon lesquelles une exposition au
chrysotile inférieure à 0,1 f / cc n’est nullement dommageable pour la santé.
M. Gendron : « Les mines abandonnées sont devenues des lacs où l’on va se baigner en famille. Les résidus miniers servent au terrassement autour des maisons, comme ici, où
le propriétaire souffre d’un cancer du poumon. »
Mme Blais reproche au journaliste d’avoir fait preuve de sensationnalisme en parlant de
famille et en touchant la corde sensible des Québécois, alors que personne ne meurt de s’être baigné dans cette eau.
Selon elle, le journaliste cherche à induire la population en erreur lorsqu’il évoque le
cancer de cet habitant, sans expliquer les causes du cancer: le tabac ou le travail dans les mines, et si oui en quelles années?
M. Gendron : « Pas facile de s’afficher contre l’amiante dans la région. Comme la plupart des citoyens qui ont participé à l’étude sur la présence d’amiante dans les maisons l’an dernier, cette femme n’a pas voulu être identifiée. »
La plaignante soutient qu’à peu près tous les citoyens vivant dans une région minière de
chrysotile savent qu’ils ne sont pas en danger. Selon elle, cette femme est dans son droit de demander l’anonymat, alors que le journaliste laisse planer l’idée qu’il existe une mafia du chrysotile. Mme Blais mentionne que si les habitants de Thetford Mines se sentaient en danger, ils chercheraient à vendre leur maison.
D’autre part, elle informe que l’étude dont il est question sur l’air environnant des maisons
n’a pas été acceptée par la communauté scientifique. Lors de la conférence de presse du 14 septembre 2004 de l’Association des victimes de l’amiante du Québec, on a constaté que l’étude aurait été faite selon des méthodes peu orthodoxes (méthode d’analyse non appropriée, vérification douteuse et financée, de surcroît, par Ban Asbestos).
Richard Rousseau : « Ils nous ont dit qu’ils avaient perdu les poumons […]. »
Selon la plaignante cette déclaration est vide et n’apporte rien au dossier. Elle aurait dû être remplacée par les réponses des gens de l’Institut du chrysotile.
M. Gendron : « Mais si notre amiante est si bon, comment expliquer que le Canada n’en utilise lui-même presque pas et l’exporte à plus de 95 %? »
Mme Blais déclare que c’est principalement la Santé publique et la CSST qui bloquent le dossier du chrysotile. Les deux organismes ne tiennent pas compte des études récentes démontrant que le chrysotile peut être utilisé de façon sécuritaire et que les fibres de ce même chrysotile n’empoisonnent pas l’air au Québec. Ainsi, un rapport préliminaire des
résultats de tests de scarification sur de l’asphalte contenant du chrysotile faits à Thetford Mines montre que l’émission de fibres de chrysotile est dix fois inférieur à la norme québécoise.
La plaignante précise que le Québec utilise tout de même environ 4000 tonnes de chrysotile par année. Elle ajoute que la diminution de la consommation est aussi imputable au fait que le Canada et le Québec ne sont plus à l’apogée de la construction
de leurs infrastructures.
Enfin, Mme Blais indique que les Etats-Unis ne sont pas en train de bannir progressivement le chrysotile. Après avoir renversé l’interdiction d’utilisation du chrysotile (1991), le gouvernement américain a publié une liste de 26 produits autorisés.
M. Gendron : « Au bureau thaïlandais des maladies environnementales et industrielles, on déplore l’hypocrisie canadienne. »
Selon la plaignante, l’Institut du chrysotile a commandé en 2003 une étude dans les usines de transformation du chrysotile en Thaïlande. De toutes les usines visitées, une seule ne respectait pas les normes de travail. L’Institut du chrysotile aurait donc demandé au
gouvernement thaïlandais de la fermer.
Une deuxième plainte a été portée contre «Zone Libre» par M. Raynald Paré, président du Mouvement ProChrysotile québécois. Le plaignant se dit outré par la contenu du reportage
de « Zone Libre » et de ce qu’il considère comme une approche biaisée dans le traitement de l’amiante. Selon lui, les responsables de l’émission ont traité de façon outrageante et méprisante le chrysotile et la population qui l’exploite. Ils auraient livré le point de vue des
bannisseurs de l’amiante, au détriment de celui du Mouvement ProChrysotile qui fait la promotion de l’utilisation sécuritaire du chrysotile dans le respect de la santé et de l’environnement.
Selon le plaignant, l’équipe de «Zone Libre» a fait preuve de partialité et d’inéquité dans ce dossier. Il avance que les gens victimes des deux communautés perdent confiance dans les médias, en particulier avec la séquence des témoignages des gens de la région de Thetford Mines entendus dans le reportage.
Enfin, la troisième plainte est une résolution du Conseil de la ville de Thetford Mines pour dénoncer l’orientation du reportage de « Zone Libre » en faveur du bannissement de l’amiante. M. Réjean Martin, greffier de la ville de Thetford Mines, porte également plainte contre l’émission « simondurivage.com », pour avoir diffusé de nouveau des extraits de ce reportage, dont les omissions essentielles auraient causé des répercussions négatives sur la région.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Jean Pelletier, premier directeur, Contenus, Affaires publiques, reportages et documentaires :
En premier lieu, M. Jean Pelletier répond à la plainte de Mme Blais. Il précise que le reportage portait sur la politique publique des gouvernements en relation avec la production et l’exportation d’une matière jugée dangereuse dans une partie grandissante de la communauté internationale et bannie ou fortement restreinte dans le reste du monde occidental. Le but n’était pas de faire un traité général sur les différents types d’amiante.
Toutefois, selon M. Pelletier, le reportage a clairement indiqué que les amphiboles étaient bannis à travers le monde et qu’ils sont plus dangereux que le chrysotile. M. Gendron a signalé que ce dernier était encore produit au Canada et qu’il y avait eu un changement dans les conditions d’utilisation. Le journaliste a exposé dans le reportage la nouvelle phase de l’utilisation sécuritaire de l’amiante chrysotile, depuis la fin des années 70
début 80, et il a amplement fait état de la position de l’Institut du chrysotile et du gouvernement à ce sujet.
La plaignante reprochait également au journaliste de ne pas avoir mentionné que les maladies imputables à l’amiante prennent entre 20 et 40 ans avant de se déclarer. M. Jean Pelletier précise que l’utilisation sécuritaire de l’amiante a commencé après la grève de 1975 et le rapport Beaudry. C’est pourquoi, selon lui, les maladies reliées à l’amiante, qui prennent entre 20 et 40 ans à se manifester, peuvent très bien toucher les personnes qui ont travaillé postérieurement à 1975, puisque nous sommes aujourd’hui 30 ans plus tard. Par ailleurs, dans la première partie du reportage, un travailleur français raconte: «Mon cas personnel, ça s’est révélé 30-40 ans après. Donc, dans les débuts, vous sentez rien.»
M. Pelletier se défend ensuite de ne pas avoir expliqué que l’amiante produit au Québec est le chrysotile, de n’avoir pas différencié les types d’amiante et d’avoir généralisé en employant le mot « amiante » plus volontiers que « chrysotile ». Il rappelle qu’en début de reportage, il est mentionné: «L’amiante […] ne connaît son véritable essor qu’après la découverte, dans le sud du Québec au 19ème siècle, de gisements de type chrysotile.» Puis,
en milieu de reportage, on dit que les amphiboles sont aujourd’hui interdits à travers le monde à cause de leurs effets cancérigènes plus élevés que le chrysotile.
Par ailleurs, on apprend au fil du reportage que les producteurs québécois bannissent
progressivement le mot « amiante » au profit de « chrysotile ». Ainsi, l’Institut du chrysotile et le Mouvement ProChrysotile québécois se sont longtemps appelés l’Institut de l’amiante et le Mouvement proamiante, sans préciser qu’il s’agissait du type chrysotile.
Par conséquent, l’utilisation fréquente du mot « amiante » dans le reportage correspondait à l’abrégé d’«amiante chrysotile», sans préciser chaque fois, puisque le téléspectateur aura compris que le type amphibole est banni depuis plusieurs décennies.
M. Pelletier répond ensuite au reproche de ne pas avoir montré que les conditions de travail étaient très respectueuses des normes sur le travail, au Canada comme à l’étranger. Le mis-en-cause convient que les conditions dans les normes canadiennes et québécoises se sont améliorées et rappelle qu’il a été question dans le reportage du tournant de l’utilisation sécuritaire effectué sous l’impulsion de l’Institut de l’amiante. En revanche,
M. Pelletier n’est pas convaincu du respect absolu des mesures d’hygiène industrielles à l’étranger, d’après la correspondance entre l’Institut de l’amiante et le gouvernement fédéral ainsi que les entrevues avec des personnes à l’étranger.
Sur la question de l’équilibre M. Pelletier recense une vingtaine d’interventions proamiante et huit interventions des anti-amiante (treize si l’on compte celles de Mme Louise DeGuire). Pour le reste, il s’agit selon lui de témoignages neutres ou historique, ou de références à la situation au Brésil et en Thaïlande. Le mis-en-cause ne comprend pas que la plaignante soit arrivée à un total de 200 interventions pour un reportage de 40 minutes. Même si la plaignante avait raison, elle compte 23 interventions proamiante dans le reportage. Sur 40 minutes, cela représente en moyenne une intervention toutes les 1 minute 50 secondes. Ainsi, selon M. Pelletier, les défenseurs du chrysotile ont eu l’opportunité d’expliquer et d’établir leur position.
La plaignante reprochait à «Zone Libre» de ne pas avoir suffisamment interrogé
des habitants des régions minières. Concernant la famille Rousseau, les journalistes n’ont pas senti qu’ils avaient des «acolytes» parce que leur opinion divergeait de celle de la majorité de la région de l’amiante, et parce qu’ils s’interrogeaient sur les risques potentiels de l’amiante sur la santé. M.Pelletier convient que le reportage n’est pas un traité exhaustif et évoque les thèmes qui auraient pu être abordés, tels que le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante aux Etats-Unis, les centaines de milliers d’amÉricains en attente d’un jugement relativement aux dommages causés par l’amiante. Ces chiffres attestent selon M. Pelletier de l’ampleur de la crise au Etats-Unis, qui ont longtemps été le principal client du chrysotile québécois. M. Pelletier renvoie également au jugement de la Cour Suprême du Canada (1990) et cite notamment: «tous ces documents publiés sur les risques pour la santé de l’exposition aux fibres d’amiante [chrysotile] rendaient ces risques suffisamment publics et notoires pour qu’un souscripteur d’assurance doive en connaître l’existence et la gravité». De l’avis de M. Pelletier, tout ceci atteste que le processus de sélection des informations n’a pas été à sens unique : certains points de vue défavorables au chrysotile ont également été écartés.
La plaignante reprochait également à « Zone Libre » de ne pas avoir fait état des
études sur la biopersistance qui montrent que le chrysotile est moins toxique que les amphiboles. M. Pelletier répond que l’objectif du reportage, comme il l’a exprimé plus haut, n’était pas de comparer l’amiante chrysotile avec les amphiboles ou les produits de remplacements, ni de savoir si l’un était plus ou moins cancérigène que l’autre.
M. Pelletier affirme être au courant que l’Institut du chrysotile finance les études sur la biopersistance qui servent à semer le doute sur les fibres de substitution. Selon les informations de Radio-Canada, ces études remontent à très longtemps,au-delà de 40 ans. Et, même si la fibre de chrysotile s’élimine des poumons plus rapidement que d’autres types d’amiante ou que certaines fibres synthétiques, cela ne fait pas pour autant oublier qu’il s’agit d’un cancérigène prouvé. De plus, cela ne signifie pas que les fibres de substitution soient, au final, plus nocives pour la santé des travailleurs exposés. D’ailleurs, dans un communiqué du 27 février 2005, le mouvement ProChrysotile québécois
mentionnait que la plus longue biopersistance des fibres de remplacement les rend « potentiellement » plus dangereuses: il ne s’agit que d’une hypothèse et non d’un constat
scientifique. Et, le seraient-elles – plus dangereuses – que cela ne changerait rien au danger réel et démontré de l’amiante chrysotile.
M. Pelletier croit avoir bien mis en perspective ce danger, en précisant par exemple que,
sur une centaine de cas annuels de décès par mésothéliome au Québec, à peine une quinzaine en cinq ans proviennent du secteur minier. On est loin de l’hécatombe, mais le Québec détient le record mondial de cette maladie liée à l’amiante, et l’amiante est la principale cause de décès professionnels au Québec.
D’autre part, la plaignante soulignait le « consensus international à l’effet que le mésothéliome est lié, de façon proéminente, à l’exposition aux amphiboles, et non pas au
chrysotile ». Le mis-en-cause renvoie, quant à lui, à l’étude sur l’amiante chrysotile
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), conjointement avec le Programme des Nations Unies sur l’Environnement et l’Organisation internationale du travail: « Commercial grades of chrysotile have been associated with an increased risk of
pneumoconiosis, lung cancer and mesothelioma in numerous epidemiological
studies of exposed workers. […] The largest number of mesotheliomas has occured in the chrysotile mining and milling sector. […] Exposure to chrysotile asbestos poses increased risks for asbestosis, lung cancer and mesothelioma. »
De l’avis de M. Pelletier, ces données sont suffisantes pour affirmer que le chrysotile, comme les amphiboles, peut causer le mésothéliome.
La plaignante nie que le Canada se batte pour camoufler les dangers de l’amiante et soutient, au contraire, que l’Institut du chrysotile travaille depuis 20 ans à expliquer au monde entierla façon de travailler avec cette fibre. Le mis-en-cause rétorque que le reportage a largement rapporté la position de l’Institut du chrysotile. Le journaliste a même mentionné que l’Institut avait fait la promotion de l’utilisation sécuritaire du chrysotile dans une centaine de pays, principalement des pays en développement.
Mme Blais discute aussi l’affirmation du journaliste, qui traite dans son reportage de
100000 morts par année, en citant le Bureau international du travail (BIT). Le mis-en-cause cite, en réponse, un extrait du communiqué du BIT du 24 mai 2002: «L’amiante à elle seule cause 100 000 décès chaque année.»
En outre, selon M. Pelletier, traiter de la violence de la grève de 1975 n’est pas
sensationnaliste. Il s’agit d’un fait historique reconnu et notoire. De même, le journaliste n’a pas suggéré que les mines de chrysotile actuelles étaient insalubres. D’ailleurs, il s’est promené dans la mine avec son cameraman sans masque protecteur. Et le reportage expose de surcroît les nouvelles conditions d’hygiène ainsi que le travail de l’Institut de l’amiante, vidéo de l’Institut à l’appui.
La plaignante accuse le journaliste d’exprimer son opinion et de semer la confusion entre les différents types d’amiante. M. Pelletier la contredit en maintenant que M. Gendron n’a pas fait de sous-entendus. Le mis-en-cause répète que le but du reportage n’était pas de
comparer les différentes matières «partiellement dangereuses», mais plutôt de s’intéresser à l’amiante chrysotile dans le contexte déjà exposé et d’après un constat de faits effectué par les autorités de l’Institut de santé publique.
Mme Blais reprochait au journaliste un commentaire qu’il juge sournois et mesquin: « le
Canada devient le champion de la promotion de l’amiante. » Le mis-en-cause soutient que le reportage n’avait pas l’intention de discréditer le travail des gouvernements canadien et québécois, ni celui de l’Institut de l’amiante. L’objectif était plutôt de comprendre la promotion de l’amiante dans un contexte où les autorités publiques de la santé sonnent l’alarme et où le Canada fait cavalier seul dans le monde occidental. Il s’agissait, d’après M. Pelletier, d’un constat des faits.
Selon lui, dire qu’au Québec, le nombre de maladies liées à l’amiante atteint des niveaux
record n’est pas une information mensongère. Aujourd’hui, ce nombre est à son apogée, ou presque, même si un déclin du taux d’incidence du mésothéliome de la plèvre des Québécois pourrait amorcer un déclin en 2010.
La plaignante reprochait également au journaliste de s’être appuyé sur des études de 1988 à 1997 pour dire que le Québec détiendrait le record mondial du mésothéliome. Selon M. Pelletier, ce reproche est incohérent. D’une part, la plaignante nie que le chrysotile
puisse causer le mésothéliome, contrairement à ce qu’affirme l’OMS et de nombreuses études indépendantes. D’autre part, elle dément les niveaux record de mésothéliome au Québec (qui n’a jamais produit que du chrysotile) sous prétexte que les chiffres remontent à quelques années. Pourtant, en reconnaissant que les taux de mésothéliome commenceront à décliner en 2010, elle admet par là qu’entre temps, avant leur phase de déclin éventuelle, ces taux demeurent à un niveau record.
Concernant l’intervention du Canada devant l’OMC, le reportage indique clairement que l’Organisation mondiale du commerce n’a pas eu à statuer sur les risques associés à l’amiante chrysotile. M. Pelletier renvoie au texte de Guy Gendron: «L’organisation mondiale du commerce n’a pas répondu à cette question [sur les risques associés au chrysotile], mais après trois ans de procédures, elle a donné raison à la France contre le Canada» et à l’intervention de Maud Valat-Taddéï, du ministère français du
travail :« En fait, c’était la première fois que l’OMC reconnaissait que des intérêts de santé publique justifiaient une entrave à la liberté du commerce. » Le mis-en-cause explique que l’OMC, sans trancher sur les risques associés au chrysotile, a donné droit à la France d’invoquer le risque pour la santé publique de cette ressource afin d’empêcher son importation.
Mme Blais regrettait que le journaliste ait insisté sur l’effet cancérigène du chrysotile alors que d’autres produits de la vie quotidienne sont tout aussi dangereux. M. Pelletier lui répond que le reportage ne visait pas à comparer les différentes matières cancérigènes. De plus, M. Gendron a interrogé M.Denis Hamel, ancien directeur de l’Institut de l’amiante, à ce sujet et a diffusé sa mise au point.
Le mis-en-cause relève ensuite les incohérences de la plainte. Mme Blais affirme que le journaliste « aurait peut-être été moins sûr de lui » en déclarant que le chrysotile est un
cancérigène prouvé s’il avait vérifié les donnes de la Commission européenne. Selon la plaignante, il aurait fallu s’abstenir de dire que le chrysotile est un cancérigène prouvé alors que les données qu’elle avance elle-même tendent à corroborer le fait qu’il s’agit d’un
cancérigène. En effet, elle soutient que le chrysotile a une demi-vie d’environ 11,4 jours alors que seules les fibres ayant une de demi-vie de 10 jours «ne devrai[en]t pas être
considérées comme cancérigène[s]». Elle affirme aussi dans sa plainte que
le chrysotile est un cancérigène prouvé. Cette position de la plaignante renforce le point de vue des mis-en-cause qui pensent que le Canada se bat pour camoufler les effets de l’amiante.
M. Pelletier répond ensuite à l’accusation de sensationnalisme pour la phrase : «En Inde, premier client du Canada, l’industrie de l’amiante fait travailler des enfants.» Le mis-en-cause rappelle que le reportage portait sur l’amiante chrysotile et que l’Inde est le principal client du Canada. À ses yeux, les faits démontrant que des enfants travaillent dans ce secteur, il était d’intérêt public de le soulever.
Mme Blais jugeait aussi sensationnaliste l’évocation des mines abandonnées devenues des
lacs où l’on va se baigner en famille. Selon M. Pelletier, le reportage n’a pas suggéré que le fait de se baigner dans une ancienne mine d’amiante pouvait être dangereux pour la santé. Le but était plutôt de décrire l’atmosphère d’une région qui a organisé sa vie autour d’une ressource et des conséquences environnementales de son exploitation: les trous et les montagnes de résidus.
La plaignante insinue que Mme Fernanda Giannasi, présentée dans le reportage comme une « inspectrice du travail au Brésil » était reliée à l’entreprise Saint-Gobain. Le mis-en-cause rétorque que, dans le cadre de l’enquête journalistique pour ce reportage, l’équipe de « Zone Libre » n’a trouvé aucune raison de croire que Mme Gianassi travaillait pour qui que ce soit d’autre que pour le gouvernement brésilien.
M. Pelletier conteste l’argumentation de la plaignante, qui juge non pertinent l’allusion aux visites de touristes dans les mines, alors que, plus loin dans la plainte, elle reproche au journaliste de ne pas avoir énoncé qu’il aurait été possible de visiter les mines!
Elle reprochait aussi au journaliste d’avoir fait état de seulement deux mines en opération. Le journaliste rectifie: au sens strict, il n’y a qu’une mine en opération au moment de la rédaction des commentaires: la mine souterraine de Lab Chrysotile, à
Thetford Mines. Celle d’Asbestos était fermée d’automne 2004 à avril 2005. La deuxième mine de Lab Chrysotile, la mine à ciel ouvert de Black Lake, a fermé ses portes en automne 2004 pour une période indéterminée, contrairement à la pratique des dernières années, voulant qu’elle ferme l’hiver mais avec une date annoncée de reprise de ses activités. Pour
éviter ces explications longues et nuancées, le journaliste a opté pour la formule suivante : « Il ne reste que celle d’Asbestos et une autre à Thetford Mines. » L’intention n’a jamais été de nuire au tourisme de la région, selon M. Pelletier. Il juge d’intérêt public de rapporter que cette région, qui a été le berceau de la production de l’amiante, a vu la majorité de ses mines fermer l’une après l’autre, à l’exception de deux (ou trois, selon la définition que l’on donne d’une fermeture).
Mme Blais est outrée de voir les « tactiques » du journaliste qui interroge M. Rousseau sans préciser le contexte de son intervention. Le mis-en-cause rejette toute tactique de la part du journaliste. Selon lui, il est clair que M. Rousseau était interrogé sur son passé, car les verbes sont à l’imparfait dans la question. En outre, M. Gendron mentionne, juste après l’intervention de M.Rousseau, qu’il habite depuis 50 ans devant la mine et qu’elle est
maintenant fermée. Aux yeux de M. Pelletier, le reportage ne laisse jamais sous-entendre qu’« aujourd’hui », il y aurait encore du « dynamitage [qui laisserait] s’échapper de la poussière sur la ville ».
La plaignante reprochait au journaliste de ne pas avoir souligné les conclusions de l’OMS (1989), selon lesquelles une exposition au chrysotile inférieure à 0,1 f/ cc d’air n’est nullement dommageable pour la santé. M. Pelletier rappelle que le reportage ne s’étend pas longuement sur la qualité de l’air dans les maisons (et encore moins à l’extérieur) pour une raison évoquée dans le reportage : l’absence de normes au Canada sur la présence d’amiante dans l’air des maisons.
Mme Blais regrette que M. Gendron n’ait pas indiqué la cause du cancer du poumon d’un
intervenant, sous-entendant qu’il s’agissait de l’amiante. M. Pelletier, au contraire, juge pertinent de s’interroger sur la maladie de cet homme, qui habite à côté de montagnes de résidus d’amiante et dont le terrassement de la maison a été fait avec des résidus miniers. Il rappelle que les autorités de santé publique québécoise et internationales reconnaissent que l’amiante peut causer, entre autres, le cancer du poumon. Il lui semble naïf de croire qu’il soit possible, comme pour n’importe quel cancer, de la déterminer LA cause hors de tout doute raisonnable. Seule l’épidémiologie permet d’identifier, sur l’ensemble d’une population, les facteurs qui contribuent à l’éclosion du cancer ou d’autres maladies « environnementales »; cette science ne permet pas de jugerles cas individuels.
Contrairement à ce qu’avance la plaignante, le reportage n’a jamais cherché à insinuer qu’il existe une « mafia du chrysotile », aux yeux du mis-en-cause. Le fait de mentionner qu’il n’est « pas facile de s’afficher contre l’amiante dans la région » ne veut pas dire que ces gens se sentent « en danger ». D’ailleurs, Mme Micheline Marrier, de l’AVAQ, explique dans le reportage: « c’est des menaces mais il existe une sorte de pression diffuse qui fait que les gens sont inquiets de s’afficher avec une entreprise qui pourrait nuire à l’économie de la région ». Selon M. Pelletier, la position exposée dans la plainte semble démontrer à quel point les anti-amiantes ne sont pas les bienvenus.
La plaignante aurait préféré entendre les entrevues faites avec les membres de l’Institut du
chrysotile plutôt que l’homme qui s’interroge sur la cause du décès de sa mère et les circonstances de son autopsie. Or, le dirigeant actuel de l’Institut, Clément Godbout, et son prédécesseur Denis Hamel, interviennent une douzaine de fois dans le reportage et M. Hamel est le personnage qui intervient le plus souvent dansle reportage. M. Pelletier s’est demandé comment la plaignante savait que l’entrevue avec les membres de l’Institut avait duré « plus d’une heure » et il a découvert qu’elle serait la conjointe de M. Hamel, chose qu’elle aurait pu préciser dans sa plainte, selon lui.
Alors que Mme Blais prétend que la Santé publique et la CSST bloquent le dossier de
l’amiante, le mis-en-cause rappelle le caractère professionnel et respectable de ces organismes reconnus comme des références sérieuses en matière de protection de la santé des Québécois. Selon M. Pelletier, les arguments de la plaignante manquent d’objectivité.
La plaignante aurait voulu que le journaliste précise la cause de la diminution de la consommation d’amiante, soit que le Canada n’est plus à l’apogée de ses infrastructures. M. Pelletier rappelle que M. Gendron a raconté l’histoire de deux générations d’architectes, la première ayant construit avec de l’amiante en pleine période de construction du centre-ville de Montréal («c’était aussi en plein âge d’or de l’amiante», précise le journaliste) et la deuxième procédant au désamiantage. D’autre part, M. Godbout explique dans le reportage: «Où on utilise le chrysotile, c’est dans les pays où on est en train de bâtir les infrastructures. Comme on a fait en France, comme on a fait au Canada et aux États-unis. »
M. Pelletier prend bonne note de l’étude menée par l’Institut du chrysotile
dans les usines de transformation du chrysotile en Thaïlande. Cette information n’avait pas été mentionnée lors des entrevues avec les membres de l’Institut du chrysotile. Toutefois, cette démarche ne semble pas avoir influencé positivement le porte-parole du ministère thaïlandais de la Santé publique.
De plus, à la suite du reportage, « Zone Libre » a présenté une entrevue avec le ministre fédéral Jacques Saada, qui a pris la défense de la position prochrysotile du gouvernement canadien. Le dirigeant de l’Institut du chrysotile avait par ailleurs décliné cette invitation, prétextant que le sujet était trop complexe. Il avait également refusé de participer à l’émission « simondurivage.com », pour discuter en direct du reportage de « Zone Libre ». Par ailleurs, le 19 février 2005, au lendemain de la première diffusion du reportage, le réseau RDI a présenté une entrevue en direct avec la mairesse d’Asbestos, pour lui permettre de réagir au sujet « L’amiante au banc des accusés ». Le même jour, sur la chaîne RDI et sur le réseau principal de la SRC, les bulletins d’informations ont diffusé un reportage sur les réactions au reportage de «Zone Libre» dans la région de L’Amiante.
Le mis-en-cause a joint à ses commentaires le communiqué de presse du Bureau international du travail, une étude sur l’amiante chrysotile produite par le programme pour l’environnement des Nations Unies, de l’Organisation internationale du travail et de
l’Organisation mondiale de la santé, ainsi que le jugement de la Cour suprême du Canada dans la cause Canadian Indemnity Company vs Canadian Johns-Manville Company.
Commentaires de MM. Jean Pelletier et Mychel St-Louis, rédacteur en chef de « simondurivage.com »:
En second lieu, MM. Pelletier et St-Louis répondent conjointement aux plaintes de M. Raynald Paré, président du Mouvement ProChrysotile québécois et de la Ville de Thetford Mines. Il s’agit d’une réponse commune adressée le 11 avril 2005 à 17 plaintes similaires, provenant de municipalités et d’organismes de la région de L’Amiante.
Une réponse du service juridique de Radio-Canadaa été adressée au Mouvement ProChrysotile québécois, qui lui avait envoyé une «mise en demeure» semblable à la plainte portée au Conseil de presse. La réponse au Mouvement ProChrysotile concluait que le reportage avait respecté les normes et pratique journalistiques de la Société Radio-Canada et que l’équipe n’avait pas manqué à ses devoirs d’éthique, d’équité, d’objectivité et de transparence.
M. Pelletier comprend que les membres du Mouvement ProChrysotile québécois, qui représente différents organismes tributaires de l’industrie de chrysotile et de ses ventes à travers le monde, soient mécontents de l’émission car l’image du chrysotile n’est pas toujours positive. Toutefois, il estime qu’un reportage ne doit pas être jugé en fonction de ses répercussions régionales potentielles. Parfois, l’intérêt général, que servent les médias, peut entrer en collision avec l’intérêt particulier d’une région.
Du point de vue du Mouvement ProChrysotile, il aurait fallu parler des avantages de la fibre, plutôt que de ses risques pour la santé. Mais le reportage ne se voulait pas un traité sur l’amiante chrysotile et M. Pelletier répète une fois de plus l’objectif du reportage. Alors que les plaintes reprochaient à « Zone Libre » de ne pas avoir souligné les usages modernes et sécuritaires de l’amiante, le mis-en-cause mentionne les différentes évocations de ces évolutions.
Le mis-en-cause estime que ce n’est pas le reportage de la Société Radio-Canada
qui apporte une image négative à l’amiante chrysotile. C’est le constat des faits, déjà prouvé: que le chrysotile est cancérigène, qu’il est la cause de plusieurs décès, que tous les pays occidentaux sauf le Canada ont banni l’amiante chrysotile ou en ont sérieusement limité l’utilisation; qu’on ne l’utilise presque plus au Canada et qu’on en exporte plus de 95 % de la production, principalement dans les pays en voie de développement.
Enfin, MM. Pelletier et St-Louis répondent aux griefs concernant l’émission « simondurivage.com ». Selon eux, le reproche d’avoir diffusé des extraits du reportage de « Zone Libre » est non fondé. En effet, le mandat même de l’émission de M. Durivage est de rediffuser un ou des extraits du reportage d’affaires publiques qui fera l’objet de la discussion avec des invités qui répondent aux courriels et aux coups de téléphone des téléspectateurs.
Réplique du plaignant
Mme Blais réaffirme que le reportage comporte un biais évident en faveur de l’interdiction de l’amiante chrysotile. Selon elle, « les deux côtés de la médaille » n’ont pas été présentés objectivement dans l’émission.
La plaignante précise n’avoir jamais affirmé que les recherches de l’OMS n’étaient pas, ou étaient mal documentées. Elle n’aurait pas non plus nié que le chrysotile, dans certains de
ses usages, pose un risque pour la santé humaine. Mme Blais rappelle qu’une dizaine d’études scientifiques récentes ainsi que des organismes internationaux supportent le principe de l’utilisation sécuritaire de la fibre d’amiante chrysotile. Toutefois, elle ne demande pas au Conseil de presse de trancher un débat vieux de 25 ans. La plaignante attire plutôt l’attention sur le fait que, comme tout débat, il existe des appuis aux deux positions exprimées, et que, dans son reportage, l’émission « Zone Libre » avait un net penchant en faveur des partisans de l’interdiction du chrysotile.
Selon Mme Blais, les éléments scientifiques qui supportent la position défendue par l’industrie, les syndicats et les gouvernements ont été volontairement escamotés ou diminués pour ne faire place qu’aux arguments politiques et sensationnalistes portés par le mouvement anti-amiante. D’où le ton de l’émission, qu’elle juge polémique.
D’après la plaignante, l’équipe de « Zone Libre » avait comme stratégie d’aller d’abord chercher l’information auprès des défenseurs du chrysotile, pour ensuite aller trouver l’opinion contraire, sans que les premiers aient eu la possibilité de rectifier les faits. Il est facile de vérifier que la très grande majorité des personnes opposées au chrysotile et interrogées par M. Gendron ont participé ou font partie d’organisations ayant participé aux réunions internationales de Ban Asbestos.
Mme Blais admet que l’émission souligne la distinction entre chrysotile et amphiboles, mais le journaliste n’explique pas les impacts des différentes fibres sur la santé. Ainsi, quand le reportage fait référence aux problèmes de santé survenus à Jussieu, aux aéroports montréalais ou aux travailleurs de la construction, jamais il n’a été mentionné que ces gens avaient été exposés principalement aux amphiboles.
Pour juger de l’équilibre du reportage, il ne s’agit pas, selon la plaignante, de compter le nombre d’interventions, mais d’en analyser l’ordre. Dans le reportage, le «pro» était toujours suivi de l’« anti ». Par exemple, selon Mme Blais, le journaliste aurait dû, après avoir obtenu la déclaration du Dr Siriruttanapruk, vérifier la nature du travail fait par
l’Institut du chrysotile dans ce pays. Aux yeux de la plaignante, M. Gendron a commis deux omissions: celle de ne pas avoir expliqué le travail effectué par le Canada pour améliorer les conditions de travail en Thaïlande et celle de ne pas avoir vérifié la crédibilité du porte-parole. Mme Blais s’interroge en effet au nom de qui cette personne parlait: le
gouvernement thaïlandais ou Ban Asbestos.
La plaignante réitère ses accusations contre le reportage qui, selon elle, se voulait un appui du lobby Ban Asbestos, dont plusieurs portes-parole et sympathisants ont été interviewés. L’émission n’a pas mentionné que le courant d’interdiction se limitait à une vingtaine de pays, où se trouvent les principaux fabricants de fibres de remplacement du chrysotile.
Mme Blais revient ensuite sur les 600 000 personnes dont la cause pour exposition à l’amiante est pendante devant les tribunaux américains. Elle indique que le débat entourant l’adoption du Fair Act montre que 90 % de ces gens ne sont pas atteints de maladies reliées à l’amiante. Ils profitent selon elle de la panique créée par les médias pour aller chercher des compensations monétaires.
En outre, Mme Blais affirme que l’information qui associe le chrysotile et le mésothéliome remonte à 1998. Elle aurait été maintes fois contredite depuis, notamment par le panel d’experts de l’EPA (2003), par Hodgson et Danton (2002) et par Hoskins (2004), qui affirment que le ratio de risque de développer le mésothéliome à partir d’exposition aux amphiboles par rapport au chrysotile est d’environ 650/1.
Selon la plaignante, le reportage n’a pas mis en perspective le prétendu record du nombre de mésothéliomes au Québec. À ses yeux, le mis-en-cause se trompe lorsqu’il affirme que le nombre de mésothéliomes est élevé « alors que le Québec n’a jamais produit que du chrysotile ». Mme Blais rétorque que les cas de mésothéliome au Québec se retrouvent essentiellement dans le secteur de la construction, où l’on a massivement utilisé des amphiboles. Et les cas enregistrés parmi les travailleurs des mines sont attribuables à des périodes de travail dans des usines où l’on a importé des amphiboles, comme l’usine de masques à gaz de Johns-Manville à Asbestos ou chez Jos T. Beaudoin à Thetford Mines.
La plaignante admet que certains porte-parole du Bureau international du travail ont utilisé le chiffre des 100 000 morts pour alerter les gouvernements sur la nécessité de se doter de lois encadrant la sécurité du travail. Par contre, l’émission n’a pas mentionné que la position officielle de l’OIT était contenue dans la Convention 162 (adoptée à l’unanimité par 147 pays) et la Recommandation 172, lesquelles prônent l’usage contrôlé du chrysotile, et non son interdiction. D’autre part, le communiqué de l’OIT ne distingue pas le chrysotile des amphiboles.
Mme Blais répond aussi à la Société Radio-Canada, qui expliquait que les études sur la biopersistance, financées par l’Institut du chrysotile, remontaient jusqu’à 40 ans. La plaignante précise que ces récentes études ont été publiées dans les revues Inhalation Toxicology de janvier 2005, octobre-novembre 2004, décembre 2003 et novembre 2003.
Enfin, la plaignante déclare que son statut de conjointe d’un ex-employé de l’Institut du chrysotile n’entache pas sa crédibilité. Elle indique d’autre part qu’elle a été, pendant quatre ans, rédactrice en chef du Courrier Frontenac, hebdomadaire de la région de L’Amiante. À cette occasion, Mme Blais a étudié ce dossier en profondeur, rencontré des intervenants (tant pour que contre), lu des études, visité des mines, assisté à des conférences, etc. Elle dit avoir acquis de cette expérience une très bonne connaissance du
dossier et, surtout, un souci de voir cette question traitée justement et équitablement de la part des médias.
Quant à MM. Paré et Martin, ils n’ont pas souhaité répliquer aux commentaires.
Analyse
Mme Blais reproche à M. Gendron et Mme Gautrin de ne pas avoir précisé le sujet du reportage, qui, selon elle, portait sur les méfaits de l’amiante avant les années 1970. Or, la façon de traiter un sujet, de même que le moment de la publication et de la diffusion des informations, relèvent de la discrétion des médias et des journalistes.
De l’avis du Conseil, la plaignante ne peut pas imposer à un journaliste l’angle qu’elle souhaiterait voir affiché dans le reportage. Ce dernier cherchait à comprendre l’isolement du Canada sur la scène internationale au sujet de l’amiante, dont le rejet fait l’unanimité parmi les pays occidentaux et cet angle avait été précisé en introduction.
D’autre part, Mme Blais, MM. Paré et Martin déplorent que le reportage soit déséquilibré et nettement en faveur des opposants à l’utilisation de l’amiante. L’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission, pas plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne. Ils doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public.
Le Conseil de presse considère, d’une part, que les partisans de l’amiante, notamment l’Institut du chrysotile, ont bénéficié d’un large traitement, et d’autre part, que l’intervention de M. Jacques Saada, ministre fédéral du développement régional au Québec, a porté le point de vue gouvernemental. Cette dernière entrevue ne figure pas dans le cadre strict de «Zone Libre», mais elle est effectuée par M.Lépine, qui invite d’ailleurs à la fin de l’émission les téléspectateurs à suivre ce débat du «Point», juste après le «Téléjournal».
Compte tenu de la couverture des réactions à l’émission dans la région de L’Amiante, consécutive à la diffusion du reportage, le Conseil estime que la Société Radio-Canada a fait preuve d’équilibre dans le dossier de l’amiante.
En outre, la plaignante reproche au journaliste d’avoir confondu chrysotile et amphiboles, induisant le public en erreur. On invoque que les deux fibres sont cancérigènes et qu’il s’agit, de toute façon, d’un produit dangereux, pour expliquer que le journaliste n’ait pas voulu insister dès le départ sur cette distinction.
Les choix effectués dans le traitement de l’information doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Une distinction nette entre les deux types d’amiante, au début du reportage diffusé dans «Zone libre», aurait certainement facilité la compréhension du téléspectateur non familier avec ce vocabulaire et partant, aurait levé la confusion sur cet aspect du reportage. Selon le Conseil, cette omission constitue une faute.
En outre, il aurait été souhaitable, aux yeux du Conseil de presse, de présenter Mme Giannasi comme membre du lobby Ban Asbestos. Cette omission apparaît toutefois mineure en regard du reportage vu dans son intégralité.
Le Conseil remarque toutefois que ces situations ne se retrouvent pas à l’émission «simondurivage.com»; par conséquent, aucune faute ne peut lui être imputée sur ces aspects.
Toute la plainte repose sur une opposition majeure entre les deux parties. Pour le journaliste et les sources sur lesquelles il s’est basé, l’amiante est un produit dangereux, alors que pour Mme Blais, les risques sont minimes, à condition d’utiliser le chrysotile de façon sécuritaire. Plaignante et mis-en-cause s’affrontent au moyen d’études scientifiques contradictoires. Or, le rôle du Conseil de presse n’est pas de trancher des questions scientifiques. Le Conseil constate que les deux points de vues ont été exprimés dans le reportage et que le journaliste a étayé ses propos à l’aide de sources fiables et variées. Pour ces raisons, aucun grief n’a été retenu sur ces aspects.
Mme Blais reproche aussi au journaliste d’avoir émis son propre point de vue dans le reportage. De l’avis du Conseil, M. Gendron a exposé une réalité sur un mode direct pour susciter l’interrogation des téléspectateurs, mais il ne donne pas pour autant son opinion.
Les plaignants déplorent la sélection des faits rapportés dans l’émission «Zone Libre» et que plusieurs éléments qu’il aurait été important de connaître aient été omis par le mis-en-cause. Le Conseil considère qu’en vertu de la liberté journalistique, M.Gendron et Mme Gautrin étaient libres de choisir les éléments de contenu qui leur apparaissaient les plus propices à illustrer leur reportage.
Décision
Pour toutes ces raisons, le Conseil de presse du Québec retient la plainte formulée par Mme Blais et MM. Paré et Martin sur la base du grief relatif à l’information incomplète et blâme Mme Christine Gautrin , MM. Gendron et Lépine de l’émission «Zone Libre» et M. Jean Pelletier, de la Société Radio-Canada.
Enfin, compte tenu du mandat même de «simondurivage.com» et du format choisi pour le traitement du sujet dans cette émission, le Conseil considère qu’il était légitime pour M. Durivage de diffuser une nouvelle fois «L’amiante au banc des accusés». Le Conseil rejette donc la plainte des mêmes plaignants à l’encontre de MM. Simon Durivage, Mychel Saint-Louis, de l’émission «simondurivage.com» et de M. Jean Pelletier de la Société Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C02A Choix et importance de la couverture
- C03A Angle de traitement
- C03B Sources d’information
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11H Terme/expression impropre
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12D Manque de contexte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15C Information non établie
- C15H Insinuations
Date de l’appel
7 February 2006
Décision en appel
Les membres de la commission d’appel, après discussion,
considèrent que le moment auquel la distinction entre les deux types de fibres
d’amiante est effectuée dans le reportage constitue un choix éditorial relevant
du média. Pour cette raison, la commission accueille l’appel de la
Société Radio-Canada.
La commission souligne toutefois qu’une distinction nette
entre les deux types d’amiante placée au début du reportage aurait permis de
mieux camper les éléments du dossier pour le bénéfice des téléspectateurs.
Griefs pour l’appel
M. Jean Pelletier, premier directeur, Contenus, Affaires
publiques, reportages et documentaires et La
Société Radio-Canada