Plaignant
Mme Sylvie Brunet
Mis en cause
M. Claude Beauregard, chef du service français et La Presse canadienne; Mme Marie Claude Massie, responsable et Canoë; M. Yann Pineau, directeur de l’information et Cyberpresse (cyberpresse.ca); M. Yann Paquet, directeur et La Société Radio-Canada
Résumé de la plainte
Mme Sylvie Brunet porte plainte contre La Presse canadienne, Cyberpresse, Canoë et La Société Radio-Canada en raison d’inexactitude, de manque de rigueur, de manque d’impartialité et de manque de pondération de l’information. La plainte vise le traitement journalistique d’un sondage TVA – Léger Marketing rapporté par La Presse canadienne le 16 mars 2005 et repris à sa suite par les trois médias visés.
Griefs du plaignant
Mme Sylvie Brunet porte plainte contre quatre entreprises médiatiques : La Presse canadienne, cyberpresse.ca (appelée Cyberpresse dans les échanges), Canoë et La Société Radio-Canada. La plaignante invoque quatre motifs : inexactitude, manque de rigueur, manque d’impartialité et manque de pondération de l’information.
Selon la plaignante, le 16 mars 2005, La Presse canadienne a émis un article dont l’information a été reprise par les trois médias électroniques mentionnés, mais l’information publiée proposait une interprétation mensongère d’un sondage TVA – Léger Marketing. La plaignante détaille les faits pour chaque mis-en-cause, en indiquant pour chacun le lien Internet et « l’extrait particulièrement pertinent ».
Cyberpresse – le 16 mars 2005
Titre : « Prêts et Bourses – Une majorité de Québécois appuient (sic) le gouvernement »
Extrait : « Les trois quarts des Québécois se disent en faveur de la nouvelle proposition de compromis du ministre de l’Éducation pour résoudre la crise étudiante, selon un sondage. Ainsi, 42 pour cent des répondants appuient le compromis alors que 22 pour cent appuient la ligne dure du gouvernement sur sa décision de transformer 103 millions $ de bourses d’études en prêts étudiants. »
Radio-Canada – le 17 mars 2005
Titre : « La bataille de l’opinion publique »
Extrait : « À défaut de convaincre les étudiants, Québec réussira peut-être à faire pencher l’opinion publique de son côté. Selon un sondage TVA – Léger Marketing, plus des trois quarts des Québécois appuient l’attitude du gouvernement. »
Canoë – le 17 mars 2005, 06 h 27
Titre : « Prêts et Bourses – Une majorité de Québécois appuient le gouvernement »
Extrait : « Les trois quarts des Québécois se disent en faveur de la nouvelle proposition de compromis du ministre de l’Éducation pour résoudre la crise étudiante, selon un sondage TVA – Léger Marketing. Ainsi, 42 pour cent des répondants appuient le compromis alors que 22 pour cent appuient la ligne dure du gouvernement sur sa décision de transformer 103 millions $ de bourses d’études en prêts étudiants. »
La plaignante fait ensuite référence au site Internet de Léger Marketing et indique la première question du sondage, ainsi que les résultats :
« Le gouvernement du Québec a décidé de retirer 103 millions de dollars du programme de bourses aux étudiants pour le transférer en prêts et offre maintenant d’en réinvestir une partie en bourses. Selon vous, le gouvernement du Québec devrait-il…?
Population totale
%… maintenir la ligne dure 22
%… céder à la pression des étudiants 24
%… réinvestir une partie du 103 millions en bourses 47
%Ne sait pas/Refus 6 »
Deux points présentés dans les médias mis en cause seraient mensongers, selon Mme Brunet :
1. « »Trois quarts » veut dire 75 %. Or, il est impossible d’affirmer à partir des résultats ci-haut que 75 % (ou plus de 75 % dans le cas de Radio-Canada) des Québécois sont en faveur de la nouvelle proposition du gouvernement. Si nous considérons que « … réinvestir une partie du 103 millions en bourses » et « … maintenir la ligne dure » veut dire être en accord avec la nouvelle proposition du gouvernement (ce qui n’est pas le cas, voir le point deux), nous pourrions arriver à 47 % + 22 % = 69 %. Même en additionnant les
4,3 % de marge d’erreur (ce qui ne serait pas non plus rigoureux scientifiquement), il est impossible d’arriver à « trois quarts »».
2. « Le troisième choix-réponse du sondage est: « Selon vous, le gouvernement du Québec devrait-il… réinvestir une partie du 103 millions en bourses ». Cela est très différent que de demander « Êtes-vous en accord avec la proposition de compromis du ministre de l’Éducation? ». Le sondage révèle que 47 % des Québécois souhaitent un réinvestissement, ou un compromis. Mais il ne dit pas que 47 % des Québécois sont en faveur de la proposition précise faite par le ministre de l’Éducation, ce qui est clairement exprimé dans le cas de la Cyberpresse et de Canoë : « Les trois quarts des Québécois
se disent en faveur de la nouvelle proposition de compromis du ministre de l’Éducation pour résoudre la crise étudiante, selon un sondage. Ainsi, 42 pour cent des répondants appuient le compromis alors que… » ».
Pour Mme Brunet, les deux informations, prises individuellement et combinées ensemble sont fausses. Comme l’opinion publique est très importante dans les conflits qui opposent une partie de la population au gouvernement, selon elle, il est déplorable de « trafiquer » les informations d’un sondage de cette façon.
Pour la plaignante, un autre point doit être soulevé : « L’emphase de l’article de la Presse
Canadienne (le titre à tout le moins) se base uniquement sur la première question du sondage, dont l’interprétation est erronée. En conséquence, c’est ce qui a été majoritairement véhiculé par les médias. Par exemple, Radio-Canada ne reprend que ce passage. Cependant, les deux autres questions du sondage montrent que 50 % des Québécois sont en faveur du moyen de pression (la grève) des étudiants pour protester contre la décision du gouvernement et que 44 % des Québécois seraient prêts à renoncer à une partie des baisses d’impôts prévues afin que le gouvernement puisse réinvestir les 103 millions de dollars. Sans même parler du résultat de la première question qui pourrait aussi être interprétée en faveur des étudiants, ces deux questions révèlent qu’environ 50 % des Québécois appuient les étudiants, mais sûrement pas que les gens appuient en majorité le gouvernement du Québec. »
Mme Brunet ajoute qu’un premier courriel a été envoyé aux mis-en-cause pour leur signifier leur erreur. Mais comme le 23 mars 2005 aucun d’eux n’avait corrigé ou enlevé leurs articles des 16 et 17 mars, elle en a fait suivre un second. Le 28mars, au moment de rédiger sa plainte, aucune correction n’apparaissait encore. Elle souhaite que ces informations soient retirées, que les médias fassent leur mea culpa et « que cette pratique frauduleuse ne se reproduise plus ».
Sont annexés à sa plainte les copies des articles parus sur Cyberpresse, sur
Canoë et sur le site de «Sans frontières » de la SRC, ainsi que trois pages du sondage TVA – Léger Marketing.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Claude Beauregard, vice-président aux services de langue française de la Presse Canadienne :
Après avoir rappelé brièvement le contexte, M. Beauregard indique : « Dans le cadre de nos activités de monitoring, un journaliste de la Presse Canadienne a repris les principaux éléments du topo de TVA, sans avoir en main la copie complète du sondage. Ce texte contenait une erreur d’interprétation des résultats de ce sondage.»
Le représentant de la Presse Canadienne explique ensuite que chaque jour, quelque 300 dépêches sont expédiées sur les fils de presse de son entreprise dont le rôle est de transmettre un résumé exhaustif, objectif, impartial, précis et équilibré de l’actualité. La rapidité de transmission de l’information est une donnée fondamentale pour la Presse canadienne.
M. Beauregard insiste sur l’importance de l’exactitude et de la précision pour son agence, indiquant que sa clientèle québécoise compte l’ensemble des quotidiens et les trois grands réseaux de télévision, les principaux sites Internet et un pourcentage important des stations de radio. Par conséquent, une erreur diffusée sur le fil de la Presse Canadienne peut potentiellement être reprise par un très grand nombre de médias.
Il termine en indiquant : « Malheureusement, cette dépêche contenant l’erreur mentionnée, a été diffusée sur notre fil de presse. À ma connaissance, elle ne nous fut rapportée qu’au moment où nous avons reçu cette plainte. Nous avons donc diffusé à ce moment un correctif sur notre fil […] et avisé les médias impliqués dans la plainte. »
M. Beauregard annexe à ses commentaires copie de la dépêche originale transmise par la Presse Canadienne le 16 mars 2005 et copie d’un « avis rectificatif » publié le 6 mai 2005 sur le sujet.
Commentaires de Me Emmanuelle Cartier du bureau des affaires juridiques de Cyberpresse :
La porte-parole de Cyberpresse rappelle d’abord les reproches formulés par Mme Brunet. Elle termine ce rappel sur une affirmation de la plaignante selon laquelle « le 23 mars 2005, elle a fait parvenir, sous forme de courriel, une lettre à tous les médias mentionnés en rubrique pour les informer de cette situation et aucun d’eux n’a corrigé ou enlevé son article. »
Me Cartier précise que Cyberpresse a fait preuve de diligence dans le traitement de cette demande de rectification en procédant aux vérifications nécessaires et aux modifications qui s’imposaient et ce, dans les délais les plus brefs.
Me Cartier explique ensuite le fonctionnement de Cyberpresse, où les articles ne sont disponibles que durant une période de 24 heures. Après ce temps, ils ne peuvent être consultés que dans la rubrique « Archives » du site « cyberpresse.ca ». L’article a donc été retiré de la page d’accueil du site le lendemain de sa publication, soit le 17 mars.
La représentante de Cyberpresse ajoute que, bien que l’article n’apparaissait plus sur Cyberpresse lors de la réception de la lettre de Mme Brunet envoyée le 23 mars 2005, le personnel de Cyberpresse a tout de même procédé à une vérification et à une modification de l’article classé aux archives. L’article se lit maintenant : «Près de la moitié des Québécois se disent en faveur de la nouvelle proposition de compromis du ministre de l’Éducation pour résoudre la crise étudiante, selon un sondage. Le sondage TVA – Léger Marketing effectué auprès de 515 répondants indique que 47 pour cent appuient le compromis alors que 22 pour cent appuient la ligne dure du gouvernement sur sa décision de transformer 103millions$ de bourses d’études en prêts étudiants.»
De cette façon, conclut Me Cartier, tous les lecteurs qui désirent consulter cet article dans les archives de Cyberpresse ont accès à une information exacte et ce, depuis le 24 mars 2005.
Est annexée à ces commentaires une copie de l’article modifié le 24 mars 2005.
Commentaires de Me Christine Maestracci, conseillère juridique principale, QuebecorMedia :
La porte-parole de Quebecor Media précise que la nouvelle publiée par Canoë provenait du service des nouvelles électroniques de la Presse Canadienne accessible sur le site Internet de cette dernière. Selon Me Maestracci, l’information contenue dans la dépêche ne permettait pas de constater une erreur de calcul ou d’interprétation.
Me Maestracci fait observer que l’article en question est demeuré en ligne moins de 24 heures et qu’il n’était ensuite plus accessible par le site de Canoë puisqu’il n’existait aucun lien actif, ni référence, ni hypertexte permettant d’accéder à cet article. « À moins d’avoir l’url exact de la page contenant l’article du 17 mars, il était impossible d’y accéder », explique-t-elle.
Elle ajoute que la Presse Canadienne a émis un correctif en date du 6 mai 2005 et
que Canoë a publié ce correctif sur son site Internet le même jour. Ainsi, elle estime que
Canoë a apporté dans les meilleurs délais possibles les correctifs qui s’imposaient afin de rectifier les faits auprès du public.
Me Maestracci termine en indiquant qu’après vérification, Canoë n’a pu trouver trace de la lettre par courriel que la plaignante aurait adressée à Canoë en date du 23
mars 2005; et que personne n’a eu connaissance de la plainte à l’égard de cet article avant la lettre de plainte du 8 avril.
Elle annexe copie du correctif publié par Canoë.
Commentaires de M. Yann Paquet, directeur, Information, Nouveaux Médias de la Société Radio-Canada :
Après avoir rappelé les reproches de la plaignante, M. Paquet amorce sa réponse : «Effectivement, il y a eu erreur d’interprétation du sondage en question, erreur qui émanait du texte de la Presse Canadienne mais qui n’aurait pas dû être reproduite sur notre site. Nous tenons à nous en excuser. »
Il ajoute que le texte a déjà été corrigé sur le site avec un mot d’excuses aux internautes, qui se lit comme suit : «Une erreur a été commise dans cet article à la suite d’une mauvaise interprétation du sondage TVA – Léger Marketing du 16 mars 2005. Dans le texte original, on pouvait lire que « plus des trois quarts des Québécois appuient l’attitude du gouvernement ». Les résultats du sondage ne permettaient pas de tirer une telle conclusion, nous avons donc retiré le paragraphe. Radio-Canada
regrette cette erreur. »
M. Paquet termine en affirmant que Radio-Canada accorde beaucoup d’importance au traitement de l’information émanant des sondages et que cette plainte rappelle aux mis-en-cause que les journalistes de la Société doivent redoubler de vigilance dans l’utilisation de telles informations.
Réplique du plaignant
Radio-Canada – Mme Sylvie Brunet précise qu’elle n’a aucune réplique à formuler à l’égard de Radio-Canada. Elle remercie M. Paquet de s’être excusé et d’avoir modifié adéquatement la page Internet dont il était question, en indiquant qu’il y avait eu erreur. Elle souligne enfin son professionnalisme pour n’avoir pas tenté de minimiser ou de justifier son erreur.
Cyberpresse – La plaignante relève l’affirmation de Me Emmanuelle Cartier à l’effet que l’article faisant l’objet de la plainte a été retiré de la page d’accueil du site Internet de Cyberpresse dès le lendemain de sa publication, soit le 17 mars 2005. Cependant, selon Mme Brunet, même si l’article ne se retrouvait effectivement plus sur la page d’accueil de Cyberpresse, il était toujours très facilement accessible. En effet, durant la grève étudiante, Cyberpresse tenait un dossier sur les articles récents en lien avec la grève étudiante, pour inciter ses lecteurs à consulter les articles précédents. L’article était donc facile à retrouver par ce dossier. De plus, à l’aide d’un moteur de recherche comme « www.google.com », il était possible de retrouver l’article en question. La plaignante dit avoir fait le test le 24 mai et l’article de Cyberpresse a été le premier à apparaître parmi les liens affichés.
Mme Brunet répond ensuite à Me Cartier qui affirmait : « Cependant, bien que l’article en question n’apparaissait plus sur Cyberpresse lors de la réception de la lettre de Mme Sylvie Brunet, envoyée le 23 mars 2005, nous avons tout de même procédé à une vérification de l’information et à une modification du contenu de l’article de façon à refléter une interprétation fidèle du sondage TVA – LégerMarketing du 16 mars
2005. » Mme Brunet dit avoir pourtant retrouvé l’article sur Cyberpresse le 23 mars et qu’il y était encore, dans sa version modifiée, le 24 mai 2005.
Tout en disant apprécier que l’article ait été corrigé, elle fait valoir en trois points que la correction n’est pas adéquate :
1. Le titre est inchangé et ne reflète toujours pas les résultats du sondage.
2. La première phrase du texte telle que libellée est mensongère car le sondage demandait aux gens s’ils étaient en faveur d’un réinvestissement (compromis) et non en faveur de « La » proposition spécifique de compromis du ministre Fournier.
3. Une partie de la phrase suivante « 515 répondants indiquent que 47 pour cent appuient le compromis », laisse à désirer puisque le terme « le compromis » est très facilement associable à la proposition spécifique du ministre.
Pour ces raisons, Mme Brunet n’est donc pas d’accord avec Me Cartier qui affirme que les internautes ont maintenant accès à l’information exacte. Elle estime, en outre, qu’il faudrait que les lecteurs soient informés de l’erreur qui s’est glissée dans le texte original.
La Presse canadienne – Dans ce cas, Mme Brunet retient que M. Claude Beauregard reconnaît l’erreur et que la Presse Canadienne a émis un rectificatif. Cependant, pour elle, ce rectificatif comporte une mauvaise interprétation et elle expose son raisonnement à ce sujet.
Pour elle, l’avis rectificatif corrige adéquatement la partie du texte concernant la question des «trois quarts » mais ne corrige pas le fait que la question ne portait pas sur la proposition spécifique du ministre de l’Éducation.
Canoë – La plaignante reprend la réponse de Me Maestracci selon laquelle l’article contesté est demeuré en ligne moins de 24 heures et qu’il n’était plus accessible sur le site de Canoë, puisqu’il n’existait aucun lien actif, ni référence, ni hypertexte permettant d’accéder à cet article; et à moins d’avoir l’« url » exact de la page, il était impossible d’y accéder.
Pour Mme Brunet, comme mentionné dans le cas de Cyberpresse, l’article était pourtant
toujours accessible via certains moteurs de recherche. En date du 24 mai 2005, l’article de Canoë, «inchangé» insiste Mme Brunet, se retrouve en troisième place de la liste de «www.google.com» lorsqu’on inscrit « Une majorité de Québécois appuient le gouvernement ». C’est d’ailleurs ainsi, explique-t-elle, qu’elle a eu accès à l’article la première fois.
Mme Sylvie Brunet conclut donc que si l’avis rectificatif de la Presse canadienne, lui-même non totalement adéquat a été publié sur Canoë le 6 mai 2005, l’article original est toujours accessible à ce jour et aucun message correctif n’apparaît sur le dit article. Ainsi, les internautes ont encore facilement accès à la fausse information, ce qui n’est pas acceptable.
Analyse
La plaignante soumet son dossier au Conseil de presse en invoquant qu’une dépêche publiée par La Presse Canadienne concernant un sondage contenait des erreurs, ce qui a d’ailleurs été reconnu par l’agence de presse. L’article erroné ayant été repris par trois médias, elle a demandé aux quatre entreprises des corrections. Certaines ont été apportées mais se sont avérées insatisfaisantes à ses yeux.
Selon le guide des principes professionnels du Conseil de presse, dans de telles situations, il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques. Les rétractations et les rectifications doivent être faites de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé.
Le Conseil considère aussi que les médias doivent apporter une attention particulière sur la publication de données tirées de sondages dans la mesure où celles-ci ont une influence importante sur l’opinion publique.
La plaignante formulait trois griefs, dont le premier pour manque de rigueur et inexactitude. Après examen, l e Conseil constate qu’il y a effectivement eu erreur dans le libellé de la dépêche originale de la Presse canadienne, erreur qui s’est répercutée dans les autres médias en cause. Considérant que l’erreur initiale n’est pas une simple et malencontreuse erreur de faits mais une erreur dans le traitement journalistique et qu’elle a été commise par la Presse Canadienne, le grief sur la rigueur et l’exactitude de l’information est retenu contre ce mis-en-cause.
En second grief, la plaignante invoquait la partialité et le manque de pondération parce que ces médias mis-en-cause ont mis l’accent sur la première question du sondage en omettant de traiter des autres aspects sur lesquels les répondants s’étaient prononcés. À ce sujet, le Conseil rappelle un autre principe : la façon de traiter un sujet relève de la discrétion des médias et des journalistes. En outre, la façon de présenter et d’illustrer l’information, relève du jugement rédactionnel et demeure une prérogative des médias et des professionnels de l’information. La presse n’a pas à se plier à un modèle idéologique unique : elle peut donc choisir ses propres sujets et décider de l’importance qu’elle entend leur accorder.
En vertu de ces principes, les mis-en-cause pouvaient décider de ne traiter qu’une partie du sondage, sans que cette décision ne représente une faute déontologique, à condition que le traitement journalistique respecte les faits. Le grief en raison de partialité et de manque de pondération n’a donc pas été retenu.
Le dernier grief de la plaignante voulait que les rectifications effectuées par les mis-en-cause, La Société Radio-Canada exceptée, n’aient pas été adéquates.
Après examen, il est apparu au Conseil que les manquements aux corrections relevés par la plaignante étaient mineurs et n’avaient pas la portée que leur imputait la plaignante. Par conséquent, les griefs à cet égard n’ont pas été retenus.
Mme Brunet dénonçait également le fait qu’une fois les corrections réalisées par les trois mis-en-cause, il était encore possible de retrouver sur Internet des traces des textes erronés, perpétuant ainsi leurs erreurs.
À ce sujet, le Conseil aimerait faire observer que des journaux contenant des informations erronées peuvent être conservés et retrouvés dans des bibliothèques publiques alors que les erreurs ont été corrigées dès l’édition suivante; de même, des textes publiés sur Internet et conservés dans de grands serveurs peuvent être retrouvés avec leurs erreurs, même si les auteurs ont procédé à leur correction. Le Conseil a estimé qu’on ne pouvait exiger des médias en question qu’ils tentent de rattraper toute l’information erronée qui est malheureusement conservée dans les bases informatiques des grands serveurs internationaux. Ce, à condition bien sûr que les médias en question aient corrigé leurs erreurs sur leur propre site Internet et qu’ils ne les propagent plus eux-mêmes.
Le Conseil constate que les médias en cause ont tous retiré les textes erronés de leur propre site avec diligence. Toutefois, seule la Société Radio-Canada et la Presse Canadienne ont pris soin d’émettre un véritable correctif en regard de l’article publié.
Décision
Le Conseil retient donc les griefs de la plaignante contre Canoë et Cyberpresse qui n’ont pas émis de correctifs lorsque la situation erronée à été portée à leur connaissance. Compte tenu des motifs précédemment exposés, la plainte à l’encontre de la Société Radio-Canada est rejetée.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C12D Manque de contexte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17A Diffamation
- C17B Diffamation (citation)
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C17H Procès par les médias
- C19A Absence/refus de rectification
- C19B Rectification insatisfaisante
- C19C Délai de rectification