Plaignant
M. Pascal Bérubé
Mis en cause
M.Réjean Breton, invité, M. Gilles Parent, animateur et l’émission de radio «Le retour de Gilles Parent»;
M. Patrice Demers, président de Genex Communications inc., Me René Dion, avocat et la station de radio CHOI-FM
Résumé de la plainte
Invité à une entrevue téléphonique pour l’émission «Le retour de Gilles Parent» sur CHOI-FM, M.Réjean Breton tient les propos suivants que lui reproche le plaignant :
– «le nom Parti Québécois est raciste, c’est le parti des Québécois
pur laine»;
– «ces gens-là sont foncièrement racistes».
Griefs du plaignant
M. Pascal Bérubé met en cause deux citationsque sont: «le nom Parti Québécois est raciste, c’est le parti des Québécois pur laine» et «ces gens-là sont foncièrement racistes».
Le plaignant affirme que ces déclarations, provenant d’un collaborateur régulier de la station de radio CHOI-FM, ne sont pas fondées et portent préjudice à la formation politique.
Commentaires du mis en cause
Me Dion précise d’abord avoir analysé le segment de l’émission «Le retour de Gilles Parent» diffusée le 25 mars 2005 entre 17 h 05 et 17 h 35 et qui comprenait les propos mis en cause par le plaignant.
Il explique que M.Pascal Bérubé est un auditeur régulier et que celui-ci a un historique politique ainsi qu’un historique à titre de plaignant et de participant à certaines émissions. Il ajoute que ce dernier était le président du comité national des jeunes du Parti Québécois, qu’il occupe actuellement des fonctions publiques et politiques et qu’il n’a pas caché son intérêt à être candidat pour le Parti Québécois aux dernières élections provinciales.
Le représentant de Genex Communications mentionne qu’à la suite d’une sortie publique incisive contre le chef du Parti de l’ADQ en 2002, M.Pascal Bérubé a accordé une entrevue sur les ondes de CHOI-FM et, n’étant pas satisfait du résultat, s’était plaint au Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Sa plainte n’ayant toutefois pas eu de suite.
Il conclut que M.Pascal Bérubé n’est pas un néophyte en matière de politique, de propos à caractère politique, d’opinion même incisive, de commentaires éditoriaux, de médias et de plaintes non fondées.
Pour préciser le contexte, le porte-parole de Genex Communications explique
que M.Gilles Parent anime l’émission «Le retour de Gilles Parent» depuis 2001 et ce, avec des coanimateurs. Il n’y a donc pas de collaborateur. Cette émission couvre des sujets aussi variés que la politique, le sport, les arts et spectacles, la culture et l’actualité. Dans le cadre de celle-ci, plusieurs personnalités sont invitées pour donner leurs opinions sur différents sujets.
Il précise que M.Réjean Breton est un invité comme un autre qui ne fait pas de chroniques régulières pour la station de radio. Il intervient en matière syndicale puisqu’il est spécialiste en tant que professeur à la faculté de droit de l’université Laval. Reconnu pour ses positions patronales, il est également régulièrement invité aux réseaux TVA et TQS.
Me Dion explique que le 25 mars 2005, il y avait des manifestations de mouvements syndicaux et étudiants dont M.Gilles Parent fait d’ailleurs entendre certains extraits avant son entrevue avec M.Réjean Breton. Lors de l’entretien, des sujets sociopolitiques sont discutés et M.Breton exprime ses opinions avec la couleur qu’on lui connaît. Selon le mis-en-cause, il est clair que les propos sont cités hors contexte par M.Pascal Bérubé. En effet, l’échange a duré une demi-heure, et le «racisme» auquel fait référence le professeur Breton s’explique clairement si on tient compte du contexte.
De l’avis du représentant de Genex Communications, le commentaire éditorial, surtout en matière sociopolitique, doit demeurer sous la protection de la liberté d’expression qui demeure un des fondements d’une société libre et démocratique. Il ajoute que: «critiquer et commenter les instances politiques et sociales constitue une liberté que notre société doit protéger comme la prunelle de ses yeux puisque aucun pays totalitaire, notamment les pays dans lesquels règne la dictature, ne donne cette liberté à ses citoyens».
Selon lui, il s’agit donc d’un commentaire éditorial et politique, qui a été exprimé, en tout respect, et de l’animateur, et de l’invité. Il dit cependant comprendre que l’opinion de l’invité ne rejoigne pas les convictions politiques du plaignant. Il ajoute que: «la liberté
d’expression ne prend son sens que lorsque les plus impopulaires ou contestataires de ces opinions politiques peuvent être exprimées librement et publiquement sans crainte de représailles d’aucune forme». D’après le mis-en-cause, la protection des principes fondamentaux assurant la démocratie permet une très large latitude aux commentateurs et aux critiques politiques. Il cite à cette fin la juge France Thibault dans l’affaire Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette ainsi que le juge McCarthy dans l’affaire Arthur c. Gravel.
Il n’exclut toutefois pas que, dans sa façon de s’exprimer, le professeur Breton ait utilisé certains mots qui pouvaient être considérés comme de mauvais goût. Cependant, pour le mis-en-cause, tout est contenu dans un cadre respectueux mais surtout éditorial, politique, social, historique et syndical.
L’émission peut ne pas rencontrer les goûts de chacun et le porte-parole de Genex Communications regrette que le plaignant ait été offensé par ces propos. Il dit comprendre que l’animateur peut faire usage de termes qui ne correspondent pas au goût de certains auditeurs. Le Code de déontologie de l’Association Canadienne des Radiodiffuseurs soutient que la «responsabilité du radiodiffuseur ne s’étend pas aux questions liées au bon goût». Il précise que le Conseil a reconnu qu’une émission «peut ne pas être « la tasse de thé » de tout le monde et il assume que quelques personnes pourraient être offensées. […] Ce n’est pas, cependant, le critère selon lequel l’émission doit être jugée».
Me Dion ajoute que certains commentaires sont l’objet de sanctions et que d’autres ne le sont pas, même s’ils sont insipides et douloureux. Selon lui, il serait déraisonnable de s’attendre à ce que le contenu diffusé soit aseptisé et impeccable puisque la société dans son ensemble ne l’est pas, pas plus que ne le sont les rapports entre individus, et ce qui peut constituer la limite de l’acceptable dans chaque cas doit ainsi être analysé dans son contexte.
Il précise que les préoccupations du plaignant ont été analysées à l’interne et qu’une série de discussions a été tenues avec le personnel en ondes à ce sujet. Il conclut que la station de radio CHOI-FM prend sérieusement ses responsabilités comme radiodiffuseur et que celle-ci travaille pour assurer que toute la programmation respecte la loi sur la radiodiffusion, les règlements de la radio et le code ainsi que les standards qui sont exigés par la profession.
Réplique du plaignant
En premier lieu, M. Pascal Bérubé précise que les propos gratuits tenus par M. Breton à l’effet que le Parti Québécois soit enclin vers le racisme sont calomnieux, blessants et non fondés. Il précise qu’il aurait souhaité obtenir la version de M.Réjean Breton et les raisons qui le motive à tenir de tels propos préjudiciables envers des milliers de Québécoises et Québécois.
Le plaignant ajoute que M. Réjean Breton a participé à de nombreuses reprises à des émissions de CHOI-FM, que ce soit dans«le monde parallèle de Jeff Fillion» ou encore dans l’émission de M.Gilles Parent. Il mentionne que sa plainte ne vise nullement ce dernier pour lequel il a le plus grand respect.
Toutefois, M.Pascal Bérubé conclut que les mis-en-cause s’éloignent, dans leur correspondance, du fond de la question, à savoir si les propos de M.Breton sont acceptables ou non.
Analyse
Les professionnels de l’information doivent respecter les opinions de leurs interlocuteurs et éviter à leur endroit tous propos, attitudes ou tons offensants. Le public est en droit de s’attendre à ce qu’ils n’abusent pas de leur fonction ni de leur latitude pour imposer leurs points de vue personnels et écarter ceux qui n’y correspondent pas.
Par ailleurs, dans le contexte des émissions d’affaires publiques où des invités expriment des opinions personnelles, le Conseil fait observer que même les opinions en désaccord avec les valeurs ou la culture de certains individus peuvent être conformes aux règles déontologiques qui encouragent la pluralité des opinions.
Invité à l’émission de Gilles Parent pour donner son opinion sur les manifestations étudiantes et syndicales, M.Réjean Breton aurait eu, selon le plaignant, des propos inacceptables concernant le Parti Québécois et ses membres. Toutefois, et contrairement aux dires du plaignant, M.Réjean Breton, simple invité et non collaborateur régulier de la station de radio CHOI-FM, pouvait, de par ce statut, exprimer son opinion personnelle sur le sujet et, a fortiori, sur le Parti Québécois et ses membres. Par conséquent, le Conseil rejette le grief portant sur l’expression d’une opinion par un invité.
De plus, M.Pascal Bérubé reprochait au mis-en-cause de porter préjudice à cette formation politique ainsi qu’aux Québécois et Québécoises par de tels propos.
Considérant que les échanges entre l’animateur Gilles Parent et l’invité Réjean Breton appartiennent au genre journalistique du journalisme d’opinion, et après avoir replacé les propos de l’invité dans un cadre d’entrevue où ce dernier était sollicité pour exprimer son point de vue personnel, le Conseil estime que les propos de M.Réjean Breton n’avait pas la portée que lui impute le plaignant et, dans ce contexte, n’a pas retenu le grief d’atteinte à la réputation.
Dans sa décision, le Conseil a enfin pris en compte que seul M.Breton était visé par la plainte et non l’animateur Gilles Parent.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Pascal Bérubé contre M.Réjean Breton et la station de radio CHOI-FM.
Analyse de la décision
- C15C Information non établie
- C17C Injure
- C17G Atteinte à l’image