Plaignant
M. Richard Smith
Mis en cause
M. Brian Kappler, éditorialiste en chef et le quotidien
The Gazette
Résumé de la plainte
M. Richard Smith se plaint des modifications apportées lors
de la publication de sa lettre d’opinion parue le 23 mai 2005 dans le quotidien
The Gazette, sous le titre «
Beware of QCGN anglo group». Ces
modifications constitueraient un manquement éthique de la part du journal et
lui auraient causé préjudice.
Griefs du plaignant
M. Richard Smith estime que
The Gazette a modifié de façon inappropriée une lettre d’opinion
soumise pour publication.
À cause d’une modification à son contenu original, le texte
mis en cause donnerait l’impression que le plaignant supporte Alliance Québec,
alors que ce n’est pas le cas. La lettre originale, envoyée au journal, ne fait
d’ailleurs aucune mention d’Alliance Québec. Le plaignant précise que cette
situation lui semble injuste et qu’elle donne faussement l’impression qu’il
supporte une organisation que The Gazette
appuie.
De plus, le plaignant précise avoir communiqué avec M. Brian
Kappler, l’éditorialiste en chef du journal, afin de lui faire part de cette
erreur. Ce dernier a refusé de la corriger.
Ainsi, la lettre originale soumise par M. Smith intitulée
«Anglophones should work to defeat
Canadian Heritage Minister Liza Frulla»(Les anglophones
devraient travailler pour défaire la ministre du Patrimoine canadien Liza
Frulla) précisait au troisième paragraphe «
Meanwhile, the federal government behaves as if it were an innocent
bystander, yet still squanders tax money on this arbitrary and illegitimate
organization» (En attendant, le gouvernement fédéral se comporte
comme s’il était un spectateur innocent, alors qu’il gaspille l’argent des
impôts avec cette organisation arbitraire et illégitime). Cet extrait
comportait 23 mots au total. Alors que la version publiée par
The Gazette sous le titre «
Beware of QCGN anglo group»
(Prenez garde au groupe anglo QCGN) présentait ces mêmes lignes de façon
altérée: «Meanwhile, the
federal government is behaving as if
it is some innocent bystander to Alliance Quebec’s decline and QCGN’s rise,
when in fact the opposite is is (sic) true, as grant-funding patterns show»
(En attendant, le gouvernement fédéral se comporte comme s’il était un
spectateur innocent du déclin d’Alliance Québec et de l’émergence de QCGN (
Quebec Community Group Network), alors
qu’en fait l’opposé est vrai, comme les octrois de subvention le démontrent).
Ce second extrait comportait 33 mots.
Les politiques éditoriales de
The Gazette précisent
«Letters may be condensed, although
care is taken to preserve the core of the writer’s arguments» (Les
lettres peuvent être condensées, tout en prenant soin de préserver l’essentiel
des arguments de l’auteur). Cependant, M. Smith soutient que les ajouts à sa
lettre originale, faits par l’éditorialiste en chef de
The Gazette, ne condensent pas son texte, mais augmentent sa phrase
de 23 à 33 mots. Selon le plaignant, ces ajouts n’étaient pas nécessaires pour
faire comprendre son opinion et ses idées initiales. M. Smith estime que la
lettre originale ne fait aucune mention d’Alliance Québec, alors que les
changements apportés dans la publication de The
Gazette laissent croire que l’auteur exprime de la sympathie pour la
situation financière d’Alliance Québec, ce qui n’est pas le cas.
À ce propos, le plaignant explique qu’il a coécrit avec M.
Giuliano d’Andrea une lettre intitulée «
AQ is not a victim» (Alliance Québec n’est pas une victime),
adressée à The
Gazette, en réponse à l’éditorial du 25 avril 2005, paru sous le
titre «Anglophones need an advocate»
(Les anglophones ont besoin d’un défenseur). De l’avis de M. Smith, cette
lettre démontre bien son manque de sympathie à l’égard des problèmes financiers
d’Alliance Québec. Après avoir soumis cette lettre, les auteurs auraient appris
qu’un autre membre du personnel d’Alliance Québec, M. Joseph Marcou, aurait
également soumis une lettre critiquant l’organisme. Pourtant, seules les
lettres et l’éditorial supportant Alliance Québec furent publiés. À cet effet,
M. Smith joint à sa plainte les lettres «
Alliance Quebec deserves better» (Alliance Québec mérite
mieux) et «Feds trying to kill
Alliance Quebec» (Les fédéraux essayent de tuer Alliance Québec)
parues dans le quotidien. Le plaignant précise également qu’à la suite de ces
parutions, M. d’Andrea a laissé un message à
The Gazette pour déposer une plainte. Il aurait subséquemment reçu
un appel d’un journaliste et lui aurait mentionné la lettre «
AQ is not a victim» (Alliance
Québec n’est pas une victime) qu’il avait coécrite avec M. Smith. De ce fait,
le plaignant croit que The
Gazette était au fait de son manque de
sympathie à l’égard des problèmes financiers d’Alliance Québec qui seraient
liés, selon lui, à une mauvaise gouvernance de la part de certains dirigeants.
M. Smith soutient que les responsables de
The Gazette
ont utilisé sa crédibilité contre lui, puisqu’ils ont publié sa lettre,
mentionnant qu’il fut un ancien vice-président d’un groupe de QCGN, lors de la
semaine où le gouvernement fédéral était prêt à annoncer sa décision sur une
demande urgente d’Alliance Québec pour se sortir d’affaire.
Selon M. Smith, depuis l’éditorial du 25 avril 2005 «
Anglophones need an advocate» (Les
anglophones ont besoin d’un défenseur), jusqu’à l’article du 9 mai 2005
intitulé «Alliance Quebec deserves
better» (Alliance Québec mérite mieux),
The Gazette a démontré
une position claire entourant la décision d’octroyer ou non des fonds
gouvernementaux à Alliance Québec.
Le plaignant ajoute que, dans son courriel adressé à M.
Kappler, il a donné le bénéfice du doute au journal estimant qu’il n’aurait pas
intentionnellement manipulé sa lettre d’opinion pour qu’elle appuie sa propre
position éditoriale soutenant Alliance Québec. M. Smith s’interroge toutefois
sur les réelles intentions du journal, étant donné que
The Gazette n’a pas corrigé ses propos.
Commentaires du mis en cause
M. Brian Kappler explique que bien que les modifications
apportées à la lettre de M. Smith semblent importantes, elles ont été faites de
façon adéquate.
La personne ayant révisé la lettre d’opinion du plaignant ne
pouvait pas être au courrant du lien entre les lettres d’opinion précédemment
publiées sous la plume de M. Smith. Il n’était donc pas averti, d’après M.
Kappler, de la réelle antipathie du plaignant envers Alliance Québec, comme il
le révélait dans sa lettre publiée précédemment.
Comme le reconnaît M. Smith, ce dernier est un ancien
vice-président de l’Alliance d’Outaouais. Cette organisation régionale était
l’une des nombreuses organisations anglophones de l’extérieur de l’île de
Montréal affiliées à Alliance Québec. La majorité de ces organisations a depuis
été liée au QCGN, lequel s’est développé alors que sa part du financement fédéral
pour les groupes anglophones du Québec a pris de l’importance, aux dépens de
celle d’Alliance Québec. Le mis-en-cause soutient que ce changement pour la
représentation de la communauté anglophone a soulevé de vives réactions chez
les personnes impliquées.
Selon l’éditorialiste en chef, ce transfert de pouvoir est
un fait et le rédacteur des lettres a inséré une référence à cette situation,
afin d’aider le lecteur à comprendre ce qui semble être le point essentiel
soulevé dans la lettre de M. Smith, soit que cet avantage au QCGN devrait être
vu avec méfiance. Aux dires du mis-en-cause, le fait que le plaignant soit un
adversaire d’Alliance Québec n’était pas apparent dans sa lettre originale. En
fait, M. Smith exprimait son approbation quant à un éditorial, paru le 16 mai
2005 dans The
Gazette, et qui supportait dans l’ensemble le travail d’Alliance
Québec réalisé au cours des 20 dernières années.
M. Kappler ajoute que la plainte de M. Smith met en lumière
un problème fréquent dans la révision des lettres des lecteurs, puisque les
auteurs de ces lettres en savent souvent plus que les lecteurs sur le sujet
entourant leurs propos. Toutefois, pour être utilisables, les lettres doivent
être clarifiées pour être compréhensibles pour les lecteurs réguliers.
Tel était le but de l’ajout fait par le journal à la lettre
de M. Smith. L’éditorialiste en chef assure qu’il regrette que les
modifications aient pu changer l’idée maîtresse des arguments et des opinions
que le plaignant cherchait à présenter, mais affirme que ces changements ont
été faits de bonne foi. Selon lui, sans ces changements, la lettre aurait été
essentiellement inutilisable.
M. Kappler conclut en rappelant que, lorsque M. Smith s’est
plaint au journal, il lui a répondu par courriels, présentés en annexe dans la
plainte, avec une explication et une offre pour écrire une autre lettre et la
publier avec le minimum de modifications.
Le mis-en-cause rappelle en terminant que, vu les
circonstances, il considère que la lettre de M. Smith fut traitée de façon
responsable et appropriée.
Réplique du plaignant
À la suite des commentaires de M. Kappler, M. Smith précise
avoir encore certaines récriminations à formuler face à la situation qu’il a
dénoncée.
Selon lui, l’offre du mis-en-cause pour réparer les actes qu’il
déplore est confuse. Dans ses
commentaires au Conseil de presse, M. Kappler écrivait «
Finally, when Mr. Smith complained to us, I
responded (the e-mails are in the file) with an explanation plus an offer to
run another letter with minimal editing. This was, as should be apparent, a
good-faith effort to mollify Mr. Smith, possibly even at the expense of full
grasp of such a letter by all readers» (Enfin, quand
M. Smith a porté plainte au
journal, j’ai répondu (les
courriels sont
dans le dossier) par une
explication, plus une offre
pour publier une
autre lettre avec un minimum de
modifications. C’était un
effort évident de bonne foi pour calmer M. Smith, possiblement même aux dépens
de la pleine compréhension par tous les lecteurs d’une telle lettre).
Toutefois, de
l’avis de M. Smith, le courriel de M. Kappler qui lui
fut transmis le 6 juin 2005 ne semble pas exprimer la même chose que ce qu’il a
écrit au Conseil: «
So here’s a
suggestion: whenever you
undertake to write
another letter on
the subject of AQ/QCGN/etc.
(NOT on the subject of editing) then we we
(sic) will undertake to publish it, and with the minimum possible editing
» (Alors
voici une suggestion :
quand vous déciderez
d’écrire une
autre lettre au
sujet d’Alliance Québec, du QCGN,
etc. (PAS au sujet de
l’édition) nous nous engageons à la publier et ce, avec le moins de
modifications possible).
M. Smith ajoute
qu’il croit que le mis-en-cause promet de réviser
plus soigneusement ses futures lettres d’opinion, mais qu’il ne lui offrait pas
la chance de revoir ou de soumettre de nouveau la première lettre. Par
conséquent, il ne semble pas offrir un correctif efficace en rapport à la
mauvaise interprétation de son opinion provoquée par la publication de la
lettre modifiée par The
Gazette le 23 mai 2005.
Le plaignant
ajoute que The
Gazette continue à refuser de publier
un correctif. Il précise qu’il a soumis au journal un exemple de correctif qui
l’aurait satisfait, mais que l’éditorialiste en chef a choisi de ne pas
l’accepter. Le plaignant considère ce refus comme un déni de responsabilités
face à sa plainte. Il ajoute que la correction qu’il a proposée n’était pas un
ultimatum et qu’il était ouvert à toute autre alternative de correction que le
journal aurait voulu lui proposer.
M. Smith déplore
avoir reçu plusieurs courriels de personnes inquiètes face à son changement
d’opinion, à la suite de la parution de la lettre dans
The
Gazette et que cette confusion fut mise en place dans une semaine
importante où le gouvernement canadien prenait une décision sur le financement
d’Alliance Québec.
Selon lui, la
lettre originale soulevait trois points principaux; premièrement que le QCGN
n’est pas structuré de façon appropriée pour jouer le rôle qui lui est
attribué, deuxièmement que le gouvernement fédéral ne devrait pas continuer à
investir dans cette organisation et enfin que les anglophones mécontents de
cette situation devraient déloger la ministre du Patrimoine, Mme Liza
Frulla, aux élections.
Le
mis-en-cause affirmait dans son commentaire que, pour être
utilisable, une lettre devait être claire pour le lectorat général du journal,
ce qui impliquait parfois de la modifier pour la rendre plus accessible. M.
Smith s’interroge à s’avoir si les ajouts effectués par
The
Gazette étaient bien nécessaires et si sa phrase originale
n’aurait pas été tout aussi compréhensible pour les lecteurs. Il se demande
également si le journal ne cherchait pas à exprimer ses propres soucis pour
Alliance Québec via sa lettre, en utilisant son expérience d’ancien vice-président
d’un groupe du QCGN pour avoir de l’impact.
Analyse
Les médias écrits étant responsables de tout ce qu’ils publient, il en va de même en regard de l’information qui leur provient du public pour publication dans les espaces réservés à cette fin. Il est également de leur responsabilité d’être courtois et ouverts envers leurs lecteurs et de leur éviter les tracasseries qui pourraient les empêcher de faire valoir leurs remarques, critiques ou récriminations légitimes.
Le plaignant, M. Richard Smith, désapprouve certaines modifications apportées à son texte qui, selon lui, en modifient le sens.
Dans le cas présent, la lettre de M. Smith fut traitée dans la section «courrier des lecteurs» du journal. Les modifications suivantes font l’objet de la plainte. Le titre «Anglophones should work to defeat Canadian Heritage Minister Liza Frulla»(Les anglophones devraient collaborer pour défaire la ministre du Patrimoine Liza Frulla) fut remplacé par «Beware of QCGN anglo group» (Prenez garde au groupe anglophone QCGN). De plus, l’extrait du troisième paragraphe, contesté par le plaignant, a été modifié et allongé. La lettre originale soumise par M. Smith précisait au troisième paragraphe « Meanwhile , the federal government behaves as if it were an innocent bystander, yet still squanders tax money on this arbitrary and illegitimate organization» (En attendant, le gouvernement fédéral se comporte comme s’il était un spectateur innocent, alors qu’il gaspille l’argent des impôts avec cette organisation arbitraire et illégitime). Alors que la version publiée par The Gazette présentait ces mêmes lignes de façon altérée: «Meanwhile , the federal government is behaving as if it is some innocent bystander to Alliance Quebec’s decline and QCGN’s rise, when in fact the opposite is is (sic) true, as grant-funding patterns show» (En attendant, le gouvernement fédéral se comporte comme s’il était un spectateur innocent du déclin d’Alliance Québec et de l’émergence de QCGN, alors qu’en fait le contraire est vrai, comme le démontrent les habitudes d’octroi de subventions).
Au sujet des modifications apportées aux textes d’opinions, la déontologie du Conseil de presse précise queles journaux peuvent apporter des modifications aux lettres qu’ils publient (titres, rédaction, corrections) pourvu qu’ils n’en changent pas le sens et qu’ils ne trahissent pas la pensée des auteurs.
À la lecture de la lettre initiale et de la lettre publiée par The Gazette, le Conseil considère que plusieurs points soulevés dans le texte du plaignant, notamment au sujet de la ministre du Patrimoine Mme Liza Frulla et du Bloc Québécois, furent retranchés du texte publié. De plus, le texte modifié exprime un point de vue au sujet d’Alliance Québec, qui est en contradiction avec celui de M. Smith. Aux yeux du Conseil, le sens de la lettre initiale fut altéré et traduit une impression différente de la pensée du plaignant à l’égard d’Alliance Québec.
Le plaignant dénonçait également le refus du journal de publier un correctif ou de lui offrir la possibilité de publier un rectificatif adéquat.
The Gazette n’a pas accepté de publier de correctif, considérant que le journal estimait être en droit d’ajouter certaines informations à la lettre d’opinion soumise par M. Smith, afin d’en faciliter la compréhension par le public. Tel que spécifié précédemment, le Conseil considère que les modifications apportées à la lettre initiale en altéraient bien le sens. Le mis-en-cause fut mis au fait des manquements soulevés par le plaignant et un exemple de correctif raisonnable lui fut soumis par ce dernier. L’éditorialiste en chef a toutefois refusé de publier ce correctif.
Décision
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil blâme le quotidien The Gazette et l’éditorialiste en chef, M. Brian Kappler, pour modification inappropriée dénaturant un texte d’opinion et pour absence de rectification.
Analyse de la décision
- C08B Modification des textes
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C19A Absence/refus de rectification