Plaignant
La Régie de l’assurance maladie du
Québec (RAMQ) et M. Pierre Roy, président-directeur général
Mis en cause
M. Jean-Nicolas Desrosiers, journaliste; M. Julien Martel,
éditeur; M. Gabriel Boisjoly, coéditeur et le magazine
Santé inc.
Résumé de la plainte
Dans un dossier d’enquête intitulé «Ces enquêtes de la
RAMQ qui tuent» et publié en novembre 2005, le magazine
Santé inc. aurait livré aux lecteurs,
selon le plaignant, une information incomplète, en plus d’être sensationnaliste
et subjective, sur la mission dévolue à la Régie dans ses rapports avec les
professionnels de la santé.
Griefs du plaignant
Le président de la RAMQ porte plainte contre le magazine
Santé inc.
à la suite de la publication du dossier intitulé «Ces
enquêtes de la RAMQ qui tuent» dans le numéro de novembre 2005. Selon
lui, ce dossier contiendrait des affirmations attaquant la Régie dans son
processus de vérification et de contrôle de la facturation des professionnels
de la santé, mandat étroitement lié à sa mission.
Bien que le plaignant comprenne que les organes
d’information n’ont pas à épouser le sens que les institutions donnent à leurs
actions, le magazine Santé inc.
aurait cependant dû prendre soin de livrer une information complète et de qualité
dès lors qu’il choisissait d’aborder le sujet des méthodes de travail de la
RAMQ. Selon lui, le magazine a manqué à sa responsabilité et à son devoir
d’informer adéquatement ses lecteurs, en plus de déformer le sens et la nature
de la mission dévolue à la Régie dans ses rapports avec les professionnels de
la santé.
M. Pierre Roy présente les trois principaux griefs qu’il a
retenus pour sa plainte.
1. Le recours au sensationnalisme comme
angle de traitement
Le plaignant explique que, dès la page de couverture, puis
dans le mot de l’éditeur et dans le corps de l’article, on retrouverait un
traitement sensationnaliste et une dramatisation à outrance du sujet. Selon
lui, le titre «Ces enquêtes de la RAMQ qui tuent» donnerait le ton.
Le dossier serait une charge contre les méthodes d’enquête de la Régie que le
journaliste accuse de «pousser des médecins au bord du précipice»,
de détruire des carrières et de briser des vies. Plus loin, les propos
accusateurs tels que «l’intimidation fait partie intégrante de l’approche
des inspecteurs de la RAMQ» et «vous êtes peut-être le
prochain» alarmeraient l’ensemble de la profession alors que les cas
d’enquête dont traite le magazine Santé
inc. réfèreraient à des
situations exceptionnelles.
2. La subjectivité et l’absence de
pondération de l’information
De l’avis du président de la RAMQ, l’argumentation
développée dans le dossier s’appuierait sur des impressions et sur des éléments
subjectifs. De plus, l’auteur utiliserait des sources anonymes ou insinuerait
des faits qu’il ne démontre pas.
Le plaignant ajoute que, se fiant à son propre jugement
ainsi qu’à celui «d’un intervenant bien au fait» des situations
d’enquêtes, l’auteur qualifie les lettres envoyées par la RAMQ
«d’agressantes» et de «menaçantes» sans exposer de
faits concrets. Il tenterait aussi de démontrer la mauvaise foi des enquêteurs
de la RAMQ en avançant «qu’on [lui] a dit que la déception était visible
sur le visage des enquêteurs» lorsque ces derniers ne pouvaient pas
prouver la facturation abusive d’un médecin. Il conclurait son article en
insinuant sans fondement que «le nombre d’enquêtes et des vérifications
[…] augmente lorsque les budgets prévus pour la masse salariale des médecins
sont en voie d’être dépassés».
De son avis, le journaliste prêterait des intentions
malveillantes à la Régie en laissant entendre qu’elle recourrait
systématiquement à une enquête dès qu’elle détectait une anomalie dans la
facturation d’un médecin. En effet, l’auteur écrit que la RAMQ souhaite
«garder secret les processus [d’enquête pour] maximiser [ses] entrées
d’argent […] ou minimiser les sous qui sont remis au médecin».
En privilégiant un traitement partial de l’information, le
magazine et l’auteur auraient manqué de rigueur dans leurs recherches ainsi que
dans la vérification de l’information. Ils contreviendraient aussi à l’une des
responsabilités de la presse qui consiste à identifier les sources
d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité et
l’importance des informations transmises.
3. Le manque de rigueur journalistique
M. Pierre Roy explique que le journaliste n’a pas tenu
compte du point de vue de la Régie dans son article et précise qu’il n’a même
pas cherché à l’obtenir. Selon lui, le magazine et l’auteur du dossier ont présenté
aux lecteurs une vision partielle et partiale du sujet en ne se contentant que
d’une version, conforme et favorable à la thèse qu’ils proposent. L’information
dont ils disposaient était donc, selon lui, incomplète.
Selon le plaignant, la Régie aurait dû avoir l’occasion
d’expliquer ses méthodes de travail et ses pratiques à l’auteur. Elle aurait dû
pouvoir le renseigner sur le processus établi à la RAMQ et qui concernent les
inspecteurs et les enquêteurs dont les actions sont guidées par un ensemble de
valeurs et de normes favorisant une prise de décision objective ainsi que
l’adoption d’un comportement responsable dans l’exercice de leurs fonctions. Ne
pas avoir contacté la Régie pour que celle-ci expose son point de vue
représenterait donc une faute grave à l’éthique journalistique et ce, au
détriment du droit du public à une information complète et équilibrée.
Commentaires du mis en cause
Les mis-en-cause font d’abord une brève présentation de
l’industrie dans laquelle évolue leur média ainsi que du système de
rémunération des médecins en vigueur au Québec, et qui sous-tend l’article dont
se plaint la RAMQ.
Concernant l’industrie des publications médicales, MM.
Boisjoly et Martel expliquent qu’il existe une quarantaine de publications
médicales au Canada, qui sont envoyées gratuitement aux médecins et qui tirent
la presque totalité de leurs revenus des publicités des compagnies
pharmaceutiques. Les médecins les reçoivent donc toutes, même sans en faire la
demande. Ils précisent que le magazine Santé
inc.
est la seule publication médicale indépendante non reliée à un groupe de
presse, une association ou un syndicat médical au Québec. Ils mentionnent que Santé
inc. est financé par des investisseurs publicitaires et qu’aucun
investisseur externe ne participe au projet. Le magazine a vu le jour en
septembre 2004 afin d’ «aborder tous ces tabous dont on osait jamais
parler: l’argent, les poursuites médicales, les enquêtes de la RAMQ
[…]».
Concernant la RAMQ, les mis-en-cause mentionnent qu’elle est
chargée de rémunérer les médecins dans le cadre du système de santé public du
Québec, celui-ci étant sous la supervision du ministère de la Santé et des
Services sociaux. Le système de rémunération des médecins repose sur des
ententes collectives et est basé sur la confiance et la véracité des
informations fournies. Les médecins envoient donc des demandes de paiement à la
RAMQ, selon les actes accomplis, et l’organisme rémunère ensuite les médecins.
Des préposés de la RAMQ réalisent ensuite des analyses et enquêtes sur les
demandes de paiement qu’ils ont reçues. En cas d’erreur, ils exigent un
remboursement des sommes payées en trop. Les mis-en-cause expliquent que la
Régie est dans une position délicate puisqu’elle est à la fois l’agent payeur
et l’agent enquêteur. Selon eux, ce genre de pouvoir monopolistique dont
dispose la RAMQ entraîne une véritable culture de la peur dans le monde
médical. Les médecins se sentent impuissants face à elle, ils ont le sentiment
que les recours dont ils disposent sont inexistants et craignent de faire des
erreurs involontaires de facturation.
MM. Boisjoly et Martel reprennent ensuite succinctement les
griefs tels que présentés par le plaignant en y apportant leurs commentaires.
1. Le recours au sensationnalisme comme
angle de traitement
Les mis-en-cause citent le guide des
Droits et responsabilités de la presse (
DERP) ainsi que la jurisprudence du Conseil de presse concernant le
choix des titres par les médias et concluent que le titre choisi pour le
dossier d’enquête respectait les principes généralement reconnus. Ils précisent
que le titre a été choisi afin d’attirer le lecteur et ce, dans une industrie
où une quarantaine de publications sont envoyées gratuitement aux médecins, ce
qui constitue un défi important.
Selon eux, le sujet traité n’était ni dramatisé à outrance,
ni sensationnaliste. À cet effet, les mis-en-cause citent le
DERP sur l’aspect relevant du
sensationnalisme pour conclure que l’article était calqué sur la réalité. Ils
précisent qu’un jugement datant du 23 novembre 2005 et rendu par la Cour
supérieure du Québec a fait état des méthodes «agressantes, partiales,
intimidantes et déployées de mauvaise foi» par les enquêteurs de la RAMQ
et ce, au point que des médecins auraient tenté de mettre fin à leur vie, ce
qui confirmerait en totalité les faits annoncés dans les articles.
De l’avis des mis-en-cause, M. Roy confirmerait lui-même que
l’article est basé sur la réalité puisqu’il affirme que «les cas
d’enquêtes dont traite Santé inc.
réfèrent à des situations tout à fait
exceptionnelles». Ils rappellent qu’ils ont d’ailleurs pris soin
d’indiquer aux lecteurs que ces situations n’étaient pas courantes,à la
première phrase du troisième paragraphe de l’article : «bien que rares,
ces malheurs surviennent bel et bien au sein de la communauté médicale. Mais on
en parle jamais». Avoir choisi de parler de cette situation relèverait,
pour eux, d’un choix éditorial et non du sensationnalisme.
Concernant le reproche du plaignant à l’effet que l’article
contiendrait des propos «alarmistes alarm[ant] inutilement l’ensemble de
la profession», les mis-en-cause répliquent que le but de l’article était
de préparer les médecins à ces enquêtes qui peuvent être psychologiquement
dévastatrices. Le choix de ce sujet reposait donc sur la liberté et
l’indépendance éditoriales. Par ailleurs et après avoir présenté en quoi ces
enquêtes pouvaient être dévastatrices, la moitié de l’espace rédactionnel a été
alloué à la prévention des enquêtes et à l’aide offerte aux professionnels en
détresse. En ce sens, l’article est, à leur avis, parfaitement équilibré.
M. Pierre Roy précisait dans sa plainte qu’il ne fallait pas
alarmer le corps médical mais MM.Boisjoly et Martel rappellent que, selon
le document intitulé «Quebec:
Summary of Medical Audit Practice» rédigé par Peter Cory, juge à la
Cour suprême du Canada, «tous les médecins sont établis et examinés par
les employés de la RAMQ».
2. La subjectivité et l’absence de
pondération de l’information
Les mis-en-cause précisent en premier lieu que «la
ligne éditoriale de l’article n’était […] pas de montrer les bons et les
mauvais côtés de la RAMQ et de ses enquêtes» mais «d’informer et
préparer les médecins à des enquêtes dévastatrices psychologiquement et décrier
les abus». Ils expliquent d’ailleurs que leur article mentionne
clairement que tous les employés ou inspecteurs de la RAMQ n’ont pas une
attitude ou des méthodes reprochables.
Concernant l’accusation selon laquelle l’auteur utiliserait
des sources anonymes et ferait des insinuations sans vérification préalable,
MM. Boisjoly et Martel répliquent qu’une seule source anonyme a été utilisée
dans l’article et que cela se justifiait en regard du principe énoncé à ce
propos par le DERP puisque le médecin
n’a pas souhaité être cité, craignant les représailles de la RAMQ.
De plus, les mis-en-cause précisent qu’à la fin de
l’article, le nom des collaborateurs a été mentionné. Ce sont, pour les
mis-en-cause, des experts et témoins des effets dévastateurs de certaines
enquêtes de la RAMQ. Ils concluent que les sources ne sont donc pas anonymes.
Concernant l’accusation selon laquelle le nombre d’enquêtes
augmenterait lorsque les budgets prévus pour les médecins sont en voie d’être
dépassés, MM. Boisjoly et Martel précisent que cette affirmation était
présentée sous forme de question dans l’article. Ils mentionnent qu’elle avait
pour but de laisser la porte ouverte à une réponse de la RAMQ, qui aurait été
publiée ultérieurement.
3. Le manque de rigueur journalistique
Selon les mis-en-cause, M. Pierre Roy fait erreur en
affirmant qu’ils n’ont pas cherché à obtenir le point de vue de la RAMQ. Ils
précisent qu’ils ont obtenu d’elle des informations qui leur étaient inconnues
et nécessaires à la rédaction de l’article. Leur correspondance avec la directrice
des relations de presse s’est faite, précisent-ils, «sans jamais qu’elle
sache que ses réponses allaient être utilisées dans notre enquête».
Ils mentionnent qu’ils ont tenté d’obtenir les éclairages de
celle-ci sur la question du dépassement du budget mais qu’elle n’a pu leur
répondre. Cela explique pourquoi ils ont choisi la forme interrogative dans
l’article. De leur avis, «cette façon de faire est […] louable et en
respect à l’éthique journalistique».
Ils précisent qu’ils n’ont pas révélé leur dessein à la
directrice des relations de presse parce qu’elle aurait certainement mis un
terme à leurs entretiens. Ils expliquent que, par ailleurs, cette façon de
faire est conforme à la déontologie du Conseil et citent le
DERP à l’appui.
Ils rappellent qu’en septembre 2005, une version
«primaire» d’un article sur les enquêtes de la RAMQ a été publiée
dans le magazine Santé inc.
Ils précisent que si la RAMQ avait jugé
que les propos de cet article étaient erronés, elle aurait eu le temps de le
faire savoir.
À la suite de la parution de novembre 2005, les mis-en-cause
reconnaissant qu’ils s’attendaient à ce que la RAMQ réplique aux propos tenus
dans l’article. Soucieux de lui prêter des intentions de bonne foi, ils lui ont
donc fait parvenir une offre de réplique, à la suite du dépôt de leur plainte
devant le Conseil de presse, ce qui est, précisent-ils conforme aux normes en
vigueur au Conseil de presse. Toutefois, la RAMQ a décliné cette offre.
Cette décision amène les mis-en-cause à la conclusion que
«le seul objectif de la RAMQ est de discréditer notre travail
journalistique qui vient mettre à la lumière les abus, incohérences du système
de rémunération des médecins». Selon eux, si la Régie avait réellement
souhaité exprimer son point de vue, elle aurait accepté l’offre de réplique.
Réplique du plaignant
Les mis-en-cause font d’abord une brève présentation de
l’industrie dans laquelle évolue leur média ainsi que du système de
rémunération des médecins en vigueur au Québec, et qui sous-tend l’article dont
se plaint la RAMQ.
Concernant l’industrie des publications médicales, MM.
Boisjoly et Martel expliquent qu’il existe une quarantaine de publications
médicales au Canada, qui sont envoyées gratuitement aux médecins et qui tirent
la presque totalité de leurs revenus des publicités des compagnies
pharmaceutiques. Les médecins les reçoivent donc toutes, même sans en faire la
demande. Ils précisent que le magazine Santé
inc.
est la seule publication médicale indépendante non reliée à un groupe de
presse, une association ou un syndicat médical au Québec. Ils mentionnent que Santé
inc. est financé par des investisseurs publicitaires et qu’aucun
investisseur externe ne participe au projet. Le magazine a vu le jour en
septembre 2004 afin d’ «aborder tous ces tabous dont on osait jamais
parler: l’argent, les poursuites médicales, les enquêtes de la RAMQ
[…]».
Concernant la RAMQ, les mis-en-cause mentionnent qu’elle est
chargée de rémunérer les médecins dans le cadre du système de santé public du
Québec, celui-ci étant sous la supervision du ministère de la Santé et des
Services sociaux. Le système de rémunération des médecins repose sur des
ententes collectives et est basé sur la confiance et la véracité des
informations fournies. Les médecins envoient donc des demandes de paiement à la
RAMQ, selon les actes accomplis, et l’organisme rémunère ensuite les médecins.
Des préposés de la RAMQ réalisent ensuite des analyses et enquêtes sur les
demandes de paiement qu’ils ont reçues. En cas d’erreur, ils exigent un remboursement
des sommes payées en trop. Les mis-en-cause expliquent que la Régie est dans
une position délicate puisqu’elle est à la fois l’agent payeur et l’agent
enquêteur. Selon eux, ce genre de pouvoir monopolistique dont dispose la RAMQ
entraîne une véritable culture de la peur dans le monde médical. Les médecins
se sentent impuissants face à elle, ils ont le sentiment que les recours dont
ils disposent sont inexistants et craignent de faire des erreurs involontaires
de facturation.
MM. Boisjoly et Martel reprennent ensuite succinctement les
griefs tels que présentés par le plaignant en y apportant leurs commentaires.
1. Le recours au sensationnalisme comme
angle de traitement
Les mis-en-cause citent le guide des
Droits et responsabilités de la presse (
DERP) ainsi que la jurisprudence du Conseil de presse concernant le
choix des titres par les médias et concluent que le titre choisi pour le
dossier d’enquête respectait les principes généralement reconnus. Ils précisent
que le titre a été choisi afin d’attirer le lecteur et ce, dans une industrie
où une quarantaine de publications sont envoyées gratuitement aux médecins, ce
qui constitue un défi important.
Selon eux, le sujet traité n’était ni dramatisé à outrance,
ni sensationnaliste. À cet effet, les mis-en-cause citent le
DERP sur l’aspect relevant du
sensationnalisme pour conclure que l’article était calqué sur la réalité. Ils
précisent qu’un jugement datant du 23 novembre 2005 et rendu par la Cour
supérieure du Québec a fait état des méthodes «agressantes, partiales,
intimidantes et déployées de mauvaise foi» par les enquêteurs de la RAMQ
et ce, au point que des médecins auraient tenté de mettre fin à leur vie, ce
qui confirmerait en totalité les faits annoncés dans les articles.
De l’avis des mis-en-cause, M. Roy confirmerait lui-même que
l’article est basé sur la réalité puisqu’il affirme que «les cas
d’enquêtes dont traite Santé inc.
réfèrent à des situations tout à fait
exceptionnelles». Ils rappellent qu’ils ont d’ailleurs pris soin
d’indiquer aux lecteurs que ces situations n’étaient pas courantes,à la
première phrase du troisième paragraphe de l’article : «bien que rares,
ces malheurs surviennent bel et bien au sein de la communauté médicale. Mais on
en parle jamais». Avoir choisi de parler de cette situation relèverait,
pour eux, d’un choix éditorial et non du sensationnalisme.
Concernant le reproche du plaignant à l’effet que l’article
contiendrait des propos «alarmistes alarm[ant] inutilement l’ensemble de
la profession», les mis-en-cause répliquent que le but de l’article était
de préparer les médecins à ces enquêtes qui peuvent être psychologiquement
dévastatrices. Le choix de ce sujet reposait donc sur la liberté et
l’indépendance éditoriales. Par ailleurs et après avoir présenté en quoi ces
enquêtes pouvaient être dévastatrices, la moitié de l’espace rédactionnel a été
alloué à la prévention des enquêtes et à l’aide offerte aux professionnels en
détresse. En ce sens, l’article est, à leur avis, parfaitement équilibré.
M. Pierre Roy précisait dans sa plainte qu’il ne fallait pas
alarmer le corps médical mais MM.Boisjoly et Martel rappellent que, selon
le document intitulé «Quebec:
Summary of Medical Audit Practice» rédigé par Peter Cory, juge à la
Cour suprême du Canada, «tous les médecins sont établis et examinés par
les employés de la RAMQ».
2. La subjectivité et l’absence de
pondération de l’information
Les mis-en-cause précisent en premier lieu que «la
ligne éditoriale de l’article n’était […] pas de montrer les bons et les mauvais
côtés de la RAMQ et de ses enquêtes» mais «d’informer et préparer
les médecins à des enquêtes dévastatrices psychologiquement et décrier les
abus». Ils expliquent d’ailleurs que leur article mentionne clairement
que tous les employés ou inspecteurs de la RAMQ n’ont pas une attitude ou des
méthodes reprochables.
Concernant l’accusation selon laquelle l’auteur utiliserait
des sources anonymes et ferait des insinuations sans vérification préalable,
MM. Boisjoly et Martel répliquent qu’une seule source anonyme a été utilisée
dans l’article et que cela se justifiait en regard du principe énoncé à ce
propos par le DERP puisque le médecin
n’a pas souhaité être cité, craignant les représailles de la RAMQ.
De plus, les mis-en-cause précisent qu’à la fin de
l’article, le nom des collaborateurs a été mentionné. Ce sont, pour les
mis-en-cause, des experts et témoins des effets dévastateurs de certaines
enquêtes de la RAMQ. Ils concluent que les sources ne sont donc pas anonymes.
Concernant l’accusation selon laquelle le nombre d’enquêtes
augmenterait lorsque les budgets prévus pour les médecins sont en voie d’être
dépassés, MM. Boisjoly et Martel précisent que cette affirmation était
présentée sous forme de question dans l’article. Ils mentionnent qu’elle avait
pour but de laisser la porte ouverte à une réponse de la RAMQ, qui aurait été
publiée ultérieurement.
3. Le manque de rigueur journalistique
Selon les mis-en-cause, M. Pierre Roy fait erreur en
affirmant qu’ils n’ont pas cherché à obtenir le point de vue de la RAMQ. Ils
précisent qu’ils ont obtenu d’elle des informations qui leur étaient inconnues
et nécessaires à la rédaction de l’article. Leur correspondance avec la
directrice des relations de presse s’est faite, précisent-ils, «sans
jamais qu’elle sache que ses réponses allaient être utilisées dans notre
enquête».
Ils mentionnent qu’ils ont tenté d’obtenir les éclairages de
celle-ci sur la question du dépassement du budget mais qu’elle n’a pu leur
répondre. Cela explique pourquoi ils ont choisi la forme interrogative dans
l’article. De leur avis, «cette façon de faire est […] louable et en
respect à l’éthique journalistique».
Ils précisent qu’ils n’ont pas révélé leur dessein à la
directrice des relations de presse parce qu’elle aurait certainement mis un
terme à leurs entretiens. Ils expliquent que, par ailleurs, cette façon de
faire est conforme à la déontologie du Conseil et citent le
DERP à l’appui.
Ils rappellent qu’en septembre 2005, une version
«primaire» d’un article sur les enquêtes de la RAMQ a été publiée
dans le magazine Santé inc.
Ils précisent que si la RAMQ avait jugé
que les propos de cet article étaient erronés, elle aurait eu le temps de le
faire savoir.
À la suite de la parution de novembre 2005, les mis-en-cause
reconnaissant qu’ils s’attendaient à ce que la RAMQ réplique aux propos tenus
dans l’article. Soucieux de lui prêter des intentions de bonne foi, ils lui ont
donc fait parvenir une offre de réplique, à la suite du dépôt de leur plainte
devant le Conseil de presse, ce qui est, précisent-ils conforme aux normes en
vigueur au Conseil de presse. Toutefois, la RAMQ a décliné cette offre.
Cette décision amène les mis-en-cause à la conclusion que
«le seul objectif de la RAMQ est de discréditer notre travail
journalistique qui vient mettre à la lumière les abus, incohérences du système
de rémunération des médecins». Selon eux, si la Régie avait réellement
souhaité exprimer son point de vue, elle aurait accepté l’offre de réplique.
Analyse
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits. Le journalisme d’information a pour but de renseigner le public sur les faits, les événements, les phénomènes qui ont cours dans la société et dans le monde en général, ainsi que sur toute question d’intérêt public. L’information factuelle rapporte ces faits et les situent dans leur contexte, afin de permettre aux citoyens de mieux connaître la société et le monde dans lequel ils vivent, ainsi que de porter des jugements éclairés sur l’actualité et sur les questions d’intérêt public.
Le président-directeur général de la Régie de l’assurance maladie (RAMQ) reprochait au dossier «Ces enquêtes de la RAMQ qui tuent», paru dans le numéro de novembre 2005 du mensuel Santé inc., d’avoir manqué de rigueur journalistique en présentant une information incomplète sur le contexte dans lequel la Régie exerce ses activités ainsi qu’en n’ayant pas cherché à recueillir son point de vue en réponse aux accusations portées par le magazine. Les mis-en-cause rétorquent qu’un entretien avec la RAMQ leur aurait donné accès à des informations filtrées par la direction et ils estimaient être déjà en possession d’un nombre suffisant d’informations «officielles».
D’abord, le Conseil tient à souligner que l’ensemble du reportage du magazine Santé inc. était pertinent au sens de l’intérêt public. L’analyse permet au Conseil de constater que le contexte de travail des enquêteurs de la RAMQ a été présenté de manière suffisante au sein de l’article intitulé «L’ABC de l’enquête et de la défense», ce qui permettait aux lecteurs de porter un jugement éclairé sur la situation.
Les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité de celles-ci. L’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle. De plus , et d ans les cas où le recours à celui-ci se révèle nécessaire, les médias et les journalistes sont tenus de le mentionner clairement au public.
Le plaignant reprochait ainsi au magazine d’avoir contrevenu à ses responsabilités en utilisant des sources anonymes. À cet égard, les mis-en-cause mentionnent qu’une seule source anonyme a été utilisée et que l’anonymat visait à protéger le témoin d’éventuelles représailles.
Après analyse, le Conseil constate que le magazine a utilisé quatre sources anonymes et non pas une seule. Le Conseil considère que le haut degré d’intérêt public des informations livrées sous couvert d’anonymat pouvait justifier l’emploi de celui-ci. Ce grief est donc rejeté. Il aurait toutefois été préférable que les mis-en-cause mentionnent avec plus de clarté, comme le recommande le guide des Droits et responsabilités de la presse, qu’il s’agissait de sources qui désiraient rester anonymes.
Le Conseil retient par contre certains griefs invoqués par la RAMQ à l’encontre des mis-en-cause.
Aux yeux du Conseil, les exigences déontologiques demandaient aux journalistes de recueillir la réaction de la RAMQ en réponse aux accusations qui étaient portées contre elle et ce, préalablement à la publication du dossier d’enquête.
La Régie invoque que les mis-en-cause ont porté des accusations non fondées à son encontre et le plaignant rétorque que ces «accusations» reposeraient sur un jugement rendu par la Cour supérieure le 23novembre 2005.
Le Conseil constate que le dossier d’enquête contenait certaines accusations d’ordre général, ne reposant sur aucun fait, et il précise que le jugement invoqué par les mis-en-cause, dont la décision a été rendue après la parution du dossier d’enquête, ne pouvait justifier le bien-fondé de ces accusations puisque les conclusions du juge concernaient un cas en particulier et non l’ensemble des enquêteurs de la RAMQ.
Les médias et les professionnels de l’information doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité. Le recours au sensationnalisme et à l’«information-spectacle» risque de donner lieu à une interprétation abusive des faits et d’induire le public en erreur quant à la portée réelle des informations qui lui sont transmises. Les responsables des médias doivent également veiller à ce que les titres ne soient pas sensationnalistes et ce, en respectant le sens et l’esprit des textes auxquels ils renvoient.
Le président-directeur général de la RAMQ reprochait au magazine d’avoir fait preuve de sensationnalisme et de dramatisation à outrance au moyen du mot de l’éditeur, du titre du dossier ainsi que du corps de l’article intitulé «Ces enquêtes de la RAMQ qui tuent». Si l’analyse permet de révéler que cet article fait montre d’une exagération certaine quant aux agissements des enquêteurs de la RAMQ, il n’en est toutefois pas de même pour le mot de l’éditeur et le titre du dossier que le Conseil estime conformes à l’éthique journalistique. Ce grief est donc partiellement retenu.
Décision
Par voie de conséquence, le Conseil de presse retient la plainte de M.Pierre Roy, président-directeur général de la Régie de l’assurance maladie du Québec, à l’encontre du magazine Santé inc. et de son journaliste M. Jean-Nicolas Desrosiers, sur la base des griefs concernant l’absence d’un point de vue, certaines accusations non fondées et de sensationnalisme à l’égard du corps de l’article intitulé «Ces enquêtes de la RAMQ qui tuent».
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C12D Manque de contexte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15C Information non établie
- C15D Manque de vérification
- C15H Insinuations
- C17D Discréditer/ridiculiser