Plaignant
M. Pierre Barnoti, directeur général de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (canadienne) – SPCA
Mis en cause
M. Tu Thanh Ha, journaliste; Mme Kathy English, rédactrice en chef du courrier des lecteurs et le quotidien The Globe and Mail
M. Todd van der Heyden, journaliste; Mme Mutsumi Takahashi, journaliste; M. Brian Britt, journaliste; M. Mike Piperni, directeur de l’information; l’émission « CTV News » et le réseau CTV
Résumé de la plainte
Le directeur général de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux porte plainte contre le quotidien The Globe and Mail pour avoir publié un article le 6 février 2007 et ainsi que contre le réseau CTV pour avoir diffusé des reportages les 6 et 7 février 2007, comportant des informations erronées ainsi que des insinuations mettant en doute sa réputation ainsi que celle de l’organisme qu’il dirige.
Griefs du plaignant
Griefs à l’encontre de M. Tu Thanh Ha, journaliste pour le quotidien The Globe and Mail :
M. Pierre Barnoti affirme que l’article de M. Tu Thanh Ha, publié sous le titre « Montreal SPCA’s funding queried » dans l’édition du 6 février 2007 du quotidien The Globe and Mail, n’aurait pas respecté le droit du public à l’information. Selon le plaignant, l’article mettait en doute son intégrité et son honnêteté ainsi que celle de la SPCA. L’article comporterait des erreurs, des insinuations ainsi que de fausses accusations.
Le plaignant signale que le journaliste a commencé son article en donnant plusieurs exemples de personnes âgées qui semblaient avoir été négativement affectées par la manière dont l’organisme collecte ses fonds. De son avis, ce choix rédactionnel a eu pour conséquence d’influencer l’opinion du lecteur en lui donnant l’impression qu’il s’agissait d’une stratégie visant à profiter de la vulnérabilité de ces personnes.
En second lieu, le plaignant conteste la conclusion du journaliste selon laquelle le montant dépensé pour fins de publicité en 2004 par la SPCA de Montréal serait supérieur à celui de la Société protectrice des animaux de Toronto.
Il reproche également à M. Tu Thanh Ha d’avoir laissé aux lecteurs l’impression qu’il s’était enrichi à la direction de l’organisme et ce, en utilisant les fonds propres à celle-ci afin de réaliser des investissements personnels. Il précise également que, contrairement à l’information fournie par le journaliste, il n’est pas et n’a jamais été rémunéré sur la base d’un pourcentage des bénéfices réalisés par l’organisme.
Concernant les quelques paragraphes qui abordent la question des déplacements du plaignant, ce dernier affirme que le lecteur reste avec l’impression que le produit des dépenses recensées sous la mention « déplacements et véhicules » ne le fut que pour des voyages et dépenses réalisées à titre personnel. M. Pierre Barnoti explique que la mention « déplacements et véhicules » recoupe également les services liés au transport des animaux et que les chiffres mentionnés dans l’article sont ceux de 2004 et non de 2006.
De plus, le plaignant déplore que le journaliste ait mentionné que, lors de son voyage de onze jours en Argentine ainsi qu’aux chutes Iguaçú à la frontière brésilienne, cinq jours seulement aient véritablement été consacrés à travailler, suggérant ainsi qu’il avait également fait du tourisme.
Le plaignant regrette également que la dimension politique n’ait pas été abordée lorsque le journaliste a précisé dans son article que la mention « Canada », pourtant présente dans la raison sociale de l’organisme, n’était rarement voire jamais utilisée au Québec.
En ce qui à trait au montant de ses honoraires, M. Pierre Barnoti explique que près de 90 directeurs généraux de Sociétés protectrices des animaux à travers l’Amérique du Nord perçoivent une rémunération supérieure à la sienne et précise que, si au début de ses fonctions pour la SPCA, son contrat mentionnait une rémunération au pourcentage, c’était en raison de la mauvaise santé financière de l’organisme qui ne pouvait lui garantir une rémunération fixe. Il précise toutefois n’en avoir jamais profité.
M. Pierre Barnoti précise qu’il a fait parvenir au quotidien The Globe and Mail une demande de rectification concernant les propos qui ont été tenus dans l’article de M. Tu Thanh Ha.
Griefs à l’encontre de MM. Todd von der Heyden, Brian Britt et Mme Mutsumi Takahashi, journalistes pour le réseau CTV :
M. Barnoti reproche au réseau CTV d’avoir basé ses reportages ayant trait à la SPCA sur des enquêtes effectuées à la suite de plaintes ou de reportages provenant d’autres sources. Il précise que l’histoire en question fut référée par le quotidien d’information The Globe and Mail.
Pour le plaignant, les reportages font valoir des informations erronées qui salissent la réputation de la SPCA ainsi que la sienne. De son avis, ceux-ci laisseraient planer des doutes quant à son intégrité, sa rémunération, ses dépenses, l’administration des fonds obtenus par campagne de souscription et l’éthique de la Société face à celles-ci.
M. Barnoti ajoute que, lors de l’entrevue que lui a demandé le réseau CTV, le journaliste, M. Todd van der Heyden aurait refusé d’aborder les sujets qui lui auraient permis de prouver les faits réels plutôt que les faits rapportés.
Il termine sa plainte en mentionnant que l’entrevue devait être réalisée en direct et que le journaliste a finalement choisi de préenregistrer celle-ci, selon lui, pour éviter des dérapages.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Mme Kathy English, rédactrice en chef du courrier des lecteurs, The Globe and Mail :
La mise-en-cause explique qu’à la suite de recherches complémentaires concernant le sujet de l’article intitulé « Montreal SPCA’s funding queried », le quotidien The Globe and Mail a publié un correctif, en date du 9 mars 2007 qui précise que le total des fonds collectés par la SPCA en 2004 atteint le montant de 1,7 million de dollars, ce est qui inférieur au total des fonds collectés par la Société protectrice des animaux de Toronto. Le correctif précise également que pour l’année 2004, l’organisme montréalais a engagé 85 226 $ en frais de déplacements.
Commentaires de M. Todd van der Heyden, journaliste pour le réseau CTV
Le journaliste précise, tout d’abord, que les reportages sont le produit d’un effort commun fourni par son réseau et le journaliste du quotidien The Globe and Mail, M. Tu Thanh Ha. Il ajoute que ce dernier a passé plusieurs semaines à enquêter sur le sujet avant de proposer celui-ci à l’équipe rédactionnelle du bulletin d’informations du réseau CTV. M. Todd van der Heyden mentionne que lui-même ainsi que sa recherchiste ont par ailleurs enquêté sur le sujet de leur côté. Il explique qu’ils ont interrogé plusieurs personnes à travers le Canada et qu’ils ont passé en revue l’intégralité du matériel journalistique dont ils disposaient.
Le journaliste et le réseau CTV soutiennent que l’information diffusée était dans l’intérêt du public. M. Todd van der Heyden précise que plusieurs groupes de défense des droits des animaux à travers le pays ont été choqués par la stratégie de levée de fonds utilisée par la SPCA de Montréal et pensent que celle-ci a eu pour effet d’écarter certains dons de localités qui en avaient besoin. Les critiques estiment également que l’usage du nom légal de la société, « Canadian SPCA » en anglais, pour fins de levées des fonds ainsi que celui de boîtes postales localisées dans les provinces de résidence des donateurs sollicités pourraient amener de nombreuses personnes à croire que la SPCA Œuvre pour un groupe national. La plupart des donateurs auxquels le réseau s’est adressé ignoraient par ailleurs que l’argent dont ils ont fait don ne permettait que de venir en aide aux animaux de Montréal et Laval. M. Todd van der Heyden ajoute que le plaignant a mis en doute ces observations et qu’il en témoigne dans les reportages.
Le mis-en-cause précise que les différentes entrevues de M. Pierre Barnoti furent réalisées en décembre 2006. De son avis, de nombreuses opportunités ont été laissées au plaignant pour répondre à toutes les questions que soulèvent les reportages. Les autres entrevues laissaient témoigner différentes personnes familières du milieu de la protection des animaux en Alberta, en Ontario, en Nouvelle-écosse et à Montréal. De son avis, tous auraient de sérieuses inquiétudes concernant le comportement du directeur général de la SPCA.
The Globe and Mail ainsi que CTV disposaient également d’informations relatives aux comptes de la Société révélées par un dénonciateur. Ces documents soulevaient de nombreuses questions quant à l’éthique ainsi qu’aux décisions financières de la Société et de son directeur général et furent discutées lors des reportages. Le plaignant fut interrogé sur ces questions afin de recueillir sa position, ce que l’on peut constater dans les reportages.
En ce qui a trait à la remarque de M. Pierre Barnoti concernant le préenregistrement de l’entrevue diffusée le 7 février 2007 à 18 heures, le mis-en-cause explique que ce choix a été effectué en raison de contraintes techniques. Les disponibilités du personnel et les contraintes du direct n’auraient pas permis au plaignant d’être présent pour une entrevue. M. Todd van der Heyden ajoute que celle-ci ne fut toutefois en aucune mesure retravaillée. Il affirme que l’intégralité des propos de M. Pierre Barnoti ont été diffusés.
Le mis-en-cause rappelle que le directeur général de la SPCA fut partie intégrante des deux reportages et que toutes les opportunités lui furent laissées afin qu’il puisse répondre aux inquiétudes exprimées à son endroit. De plus, étant donné l’intérêt démontré par le public à l’égard de ce sujet d’information, le réseau a choisi d’inviter M. Pierre Barnoti afin que celui-ci réponde aux questions du journaliste sur le plateau. Cette entrevue durait quatre minutes. Durant celle-ci, le plaignant eu une nouvelle fois la chance de répondre aux questions concernant la politique et les pratiques de l’organisation dont il est le directeur général.
M. Todd von der Heyden conclut que, de son avis et de celui de son réseau, les reportages concernant la SPCA étaient équilibrés, exacts et donc en accord avec les pratiques d’usage.
Réplique du plaignant
M. Pierre Barnoti n’appose son commentaire que concernant le correctif paru dans le quotidien The Globe and Mail. De son avis, la rectification est insuffisante en regard de la teneur des informations erronées soumises aux lecteurs.
Analyse
M. Pierre Barnoti, directeur général de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux – SPCA (canadienne) porte plainte contre un article du 6 février 2007 publié par le quotidien The Globe and Mail sous le titre « Montreal SPCA’s funding queried », ainsi que contre les reportages diffusés les 6 et 7 février 2007 lors de l’émission « CTV News », sur le réseau CTV.
Il est de la responsabilité des entreprises de presse et des journalistes de veiller à transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation en plus de le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. Il convient par ailleurs qu’ils veillent à éviter les insinuations, surtout lorsque celles-ci risquent de porter préjudice à une personne ou à une organisation.
à cet égard, le plaignant reprochait au journaliste du quotidien The Globe and Mail d’avoir véhiculé des informations inexactes, incomplètes ainsi que de fausses accusations à son endroit. Après analyse, le Conseil de presse constate que M. Tu Thanh Ha a rapporté une information erronée en attribuant les chiffres relatifs aux dépenses de déplacements de l’organisme à la mauvaise année fiscale. Cette information a toutefois été rétablie par le rectificatif qui fut publié par le quotidien.
Le Conseil remarque également que l’article publié par le quotidien The Globe and Mail laisse au lecteur l’impression que les dépenses engagées par son directeur général, au titre de ce que Revenu Canada qualifie de « déplacements et véhicules », n’auraient couvert que les frais personnels qu’il aurait engagés lors de différents voyages. Un grief est donc retenu uniquement à l’égard de cette insinuation.
Les médias ont la responsabilité de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements ainsi que leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques. à cet égard, les rectifications doivent être faites de façon à remédier pleinement au tort causé et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses.
à la suite de la demande du plaignant, le quotidien The Globe and Mail a publié un rectificatif en date du 9 mars 2007 permettant de corriger et préciser deux informations ayant trait aux sommes engagées en 2004 par la SPCA (canadienne). M. Barnoti déplorait que ce justificatif ne soit pas à la mesure du tort causé par le quotidien.
Après analyse, le Conseil conclut que le rectificatif publié, bien qu’il corrige certaines inexactitudes, ne rétablit pas à sa juste mesure l’insinuation relevée précédemment.
Concernant les reportages diffusés dans le cadre de l’émission « CTV News », M. Pierre Barnoti reprochait au réseau CTV d’avoir véhiculé des informations erronées ainsi que d’avoir laissé planer des doutes quant à son intégrité, sa rémunération, ses dépenses, l’administration des fonds dérivant des dons et l’éthique de son organisme en matière de levées de fonds.
L’analyse des griefs a permis de constater que le réseau CTV a fait les distinctions nécessaires afin de ne pas porter d’accusations non justifiées à l’encontre du plaignant ou de la SPCA (canadienne). Le Conseil n’a de plus relevé aucune information erronée au sein des reportages. M. Barnoti a par ailleurs eu l’occasion d’exprimer son point de vue à plusieurs reprises dans le cadre de ceux-ci ainsi que dans une entrevue de plus de quatre minutes.
Les médias et les journalistes ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qui a été publiée ou diffusée. Le plaignant regrette que, lors de l’entrevue qui s’est déroulée sur le plateau entre lui-même et M. Todd von der Heyden, qui fut diffusée le 7 février 2007, le journaliste ait choisi de ne pas aborder les sujets qui lui aurait permis de démentir certaines affirmations. Il reproche également au réseau d’avoir préenregistré cette séquence afin d’éviter des dérapages.
Sur ces aspects, le Conseil constate d’une part qu’il relevait de la discrétion du média et de son journaliste de choisir les questions qui seraient posées lors de l’entrevue. Toutefois, il déplore qu’il n’ait jamais été mentionné clairement que l’entrevue avait été préenregistrée. Bien que le mis-en-cause affirme qu’elle fut diffusée dans son intégralité, il en va de la bonne compréhension du public d’être informé si, lors d’un bulletin de nouvelles, une partie qui devait être diffusée en direct ne l’est pas.
Le plaignant reprochait finalement aux deux mis-en-cause d’avoir porté atteinte à sa réputation ainsi qu’à celle de la SPCA (canadienne). Sur cet aspect, le Conseil tient à rappeler que cette question relève de la compétence des tribunaux et que son analyse ne se fait que sur la base du respect de l’éthique journalistique. à cet égard, il conclut que l’insinuation véhiculée par l’article du quotidien The Globe and Mail, constitue un manquement notable pour le plaignant.
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient partiellement la plainte de M. Pierre Barnoti, à l’encontre de M. Tu Thanh Ha, journaliste et le quotidien The Globe and Mail sur la base de la publication d’une insinuation et d’un rectificatif insuffisant.
Décision
Sous réserve de la remarque concernant la mention du préenregistrement, la plainte de M. Pierre Barnoti à l’encontre du réseau CTV et de ses journalistes, MM. Todd van Todd van der Heyden, Brian Britt et Mme Mutsumi Takahashi, est rejetée.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C15H Insinuations
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image
- C19B Rectification insatisfaisante
- C23O Préenregistrement d’un bulletin de nouvelles