Plaignant
Mme Pauline Drouin
Mis en cause
Mme Carole Pronovost, rédactrice en chef et l’hebdomadaire Le Journal de Chambly
Résumé de la plainte
Mme Pauline Drouin, conseillère municipale de la Ville de Richelieu, porte plainte contre l’hebdomadaire Le Journal de Chambly pour ne pas avoir publié intégralement sa lettre d’excuses et pour l’avoir transformé en un article qui comportait plusieurs inexactitudes qui n’ont, malgré sa demande, pas été rectifiées.
Griefs du plaignant
Mme Pauline Drouin, conseillère municipale de la Ville de Richelieu commence par préciser que, préalablement à la publication de son article, elle avait reçu chez elle un appel de M. Nicolas Dubois, journaliste pour l’hebdomadaire Le Journal de Chambly lui demandant, en tant qu’élue locale du district, de réagir sur la question d’un résident qui se disait être incommodé par des abeilles utilisées par une ferme voisine pour la pollinisation de ses champs. Elle rappelle que, dans ce district, la situation entre les citoyens et cette même ferme avait connu des périodes de nombreux différends qui semblaient s’être quelque peu résorbés récemment.
Lors de l’entretien avec le journaliste, elle reconnaît avoir manqué d’une nécessaire retenue en répondant, constatant avec déception que le travail du Conseil municipal pour ramener la paix sociale semblait avoir échoué.
Mme Drouin explique que, consciente d’avoir blessé certains de ses électeurs par ses déclarations, elle a fait parvenir une lettre d’excuses pour publication au Journal de Chambly. Elle déplore que celle-ci ne fût pas publiée dans son intégralité. En n’utilisant que des extraits de celle-ci, Mme Carole Pronovost, rédactrice en chef de l’hebdomadaire s’en serait servie pour écrire un article qu’elle qualifie de « vénimeux » et « subjectif », dans lequel auraient été inventées certaines informations ce qui, pour la plaignante, a eu pour résultat de la discréditer.
Entre autres informations, la plaignante explique que l’article affirmait que le maire de Richelieu avait été « inondé » d’appels téléphoniques et que la population s’était coalisée pour se rendre en grand nombre à l’assemblée du Conseil municipal pour demander sa démission. Or, et selon Mme Drouin, personne n’a abordé ce sujet à l’assemblée du mois de juin, ni même à celle du mois de juillet.
La plaignante ajoute que l’assemblée ayant eu lieu le 4 juin 2007, Mme Pronovost a donc eu jusqu’au 8 juin, date de la publication de son article, pour rectifier les informations qui s’étaient avérées fausses. Elle ajoute avoir, après publication de ce nouvel article, demandé à l’hebdomadaire de rectifier les rumeurs qui y étaient annoncées, ce qui ne fut toutefois pas fait.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Nicolas Dubois, journaliste:
M. Nicolas Dubois explique que son commentaire vise à retracer la démarche journalistique ayant conduit à ce qu’il considère être un malentendu. Après avoir été informé par des citoyens de la problématique, il explique s’être rendu sur les lieux pour discuter avec ceux-ci, et précise avoir consulté un des propriétaires de la ferme porcine pour obtenir sa version des faits avant de consulter Mme Drouin.
Il précise avoir rejoint celle-ci par téléphone, à son domicile, et précise qu’il s’agissait de leur premier contact. M. Dubois affirme s’être identifié avant de présenter la problématique à la plaignante et de requérir son avis sur celle-ci. Il nous informe qu’au terme de leur entretien, cette dernière lui aurait demandé de rapporter ses propos de façon anonyme et de la citer comme une simple citoyenne, ce qu’il dit avoir refusé. Mme Drouin l’aurait ensuite menacé, de contacter sa supérieure.
M. Dubois rapporte que la plaignante a finalement joint la rédactrice en chef pour lui demander d’atténuer ses propos. Celle-ci aurait refusé.
à la suite de la publication de l’article, le mis-en-cause explique que Mme Drouin a envoyé trois courriels au journal afin de tenter de le discréditer. Quelques jours plus tard, elle fit parvenir au journal une lettre d’excuses relative à ses propos rapportés par M. Dubois dans son article.
En fin de compte, il mentionne que la rédactrice en chef, Mme Pronovost, a choisi de traiter de la lettre de la plaignante sous la forme d’un article, reprenant elle-même le dossier afin de ne pas envenimer davantage la situation.
Commentaires de Mme Carole Pronovost, rédactrice en chef :
Mme Carole Pronovost précise d’abord que la plaignante l’a contactée afin qu’elle intervienne à la suite de l’entretien entre cette dernière et le journaliste M. Dubois. Mme Drouin aurait expliqué qu’elle souhaitait être présentée comme une citoyenne anonyme, à défaut de quoi elle changerait ses déclarations pour en donner une version plus politiquement correcte. Mme Pronovost rapporte avoir expliqué à la plaignante que lorsqu’un journaliste appelle et se présente en bonne et due forme afin de recueillir l’avis d’une conseillère municipale, ses propos seront susceptibles d’être publiés.
La mise-en-cause précise qu’à la suite de cet entretien téléphonique, elle a considéré qu’il était d’autant plus important de publier les propos de Mme Drouin que celle-ci venait de lui confier qu’elle aurait tenu des propos différents en public. Elle affirme que l’objectif n’était nullement de tendre un piège à la conseillère municipale.
En regard du reproche concernant la non-publication de la lettre d’excuses de la plaignante dans son intégralité, la mise-en-cause explique qu’il a été décidé que sa lettre serait considérée comme un nouvel élément du dossier et qu’il fallait ainsi la traiter sous la forme d’une nouvelle.
En ce qui à trait aux inexactitudes qui seraient véhiculées dans l’article, Mme Pronovost explique que c’est le maire lui-même qui a dit avoir reçu des appels de citoyens et précisé que la position exprimée par la plaignante dans l’article n’était nullement celle de la municipalité. Concernant le fait que l’information concernant l’intention de citoyens de demander la démission de la plaignante lors de la séance du conseil municipal du 4 juin 2007 n’ait pas fait l’objet d’un suivi, la mise-en-cause explique que la réponse à cette question se trouve dans l’article. Elle réfère au passage précisant que les intentions des citoyens n’ont pu être mises à exécution puisque la conseillère était absente.
Réplique du plaignant
Mme Drouin explique que l’appel de M. Dubois à son domicile, où elle se remettait d’une intervention chirurgicale, l’a prise au dépourvu. En effet, il lui a appris que les longs efforts mis en Œuvre par la mairie afin de pacifier le dialogue entre les exploitants de la porcherie et le voisinage venaient d’être réduit à néant puisqu’un résident s’était plaint au journal, et non aux producteurs ni même au comité de cohabitation, concernant les nuisances causées par des abeilles.
Elle ajoute que, déçue des efforts vains qu’elle avait menés avec la municipalité, elle s’est confiée au journaliste sous le coup de l’émotion. La plaignante mentionne qu’une fois sa colère passée, elle lui a demandé de nuancer ses propos, ce qu’il a refusé. C’est alors qu’elle a contacté Mme Pronovost pour réitérer sa demande.
De son avis, les propos rapportés par le journaliste se devaient d’être nuancés, ce qui n’a pu être fait puisque personne n’a accepté qu’elle se reprenne. C’est alors et en dernier recours qu’elle a demandé à ce que son nom ne soit pas mentionné dans l’article.
à la suite d’un nouveau refus du journal, Mme Drouin a fait parvenir une lettre d’excuses où elle mettait les choses en contexte en expliquant le sens clair de sa pensée. Toutefois, sa lettre ne fut jamais publiée dans son intégralité. Elle ajoute que le maire de Richelieu lui a dit n’avoir reçu que trois appels à la suite de l’article de M. Drouin et n’aurait donc pas été « inondé d’appels et de courriels de la part de gens offusqués », comme l’affirmait Mme Pronovost dans son article.
Selon la plaignante, l’affirmation selon laquelle plusieurs citoyens auraient appelé le journal pour mentionner qu’ils réclameraient sa démission lors du conseil municipal du 4 juin 2007, mais qu’ils y ont renoncé en raison de son absence serait d’autant plus invraisemblable que celle-ci n’empêchait nullement les citoyens de passer à l’acte.
Malgré ce qu’elle considère comme des fausses affirmations émises dans l’article de Mme Pronovost, Mme Drouin remarque qu’un rectificatif ne fut pas publié. Elle conclut que plusieurs citoyens sont de ce fait restés avec l’impression que les choses se sont passées comme annoncées dans l’article. Selon elle, le Journal de Chambly aurait pris prétexte d’un événement ne relevant pas de l’intérêt public pour tenter de monter une campagne de salissage politique contre sa personne.
Analyse
Mme Pauline Drouin, conseillère municipale de la Ville de Richelieu, porte plainte contre l’hebdomadaire Le Journal de Chambly pour ne pas avoir publié intégralement la lettre d’excuses qui s’en est suivie et pour avoir transformé celle-ci en un article qui comportait des inexactitudes qui n’ont, malgré sa demande, pas été rectifiées. La plaignante estimait aussi que l’angle retenu pour l’article laissait trop de place à l’émotion au détriment des éléments factuels du dossier.
Les médias et les professionnels de l’information doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité. Le recours au sensationnalisme et à l’« information-spectacle » risque de donner lieu à une exagération et une interprétation abusive des faits et des événements et d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelles des informations qui lui sont transmises.
Pour la plaignante, l’article de M. Nicolas Dubois commentait ses états d’âme de façon exagérée et inutile. à cet égard, le Conseil remarque d’abord que le sujet de l’article était d’intérêt public. Toutefois, le journaliste affirme que la plaignante l’aurait menacé de représailles s’il publiait ses propos. Le Conseil a constaté que les citations attribuées à Mme Drouin dans l’article ne démontraient absolument pas cette affirmation. Le journaliste a prêté à la plaignante des intentions non démontrées. Le grief est donc retenu.
Les médias et les journalistes ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qu’ils ont publiée ou diffusée. Même si la publication de lettres de lecteurs et la diffusion de mises au point ne constituent pas toujours le meilleur moyen de réparer le préjudice causé, les médias doivent s’ouvrir aux commentaires des personnes victimes d’erreurs. Ainsi, s’ils peuvent apporter des modifications aux lettres qu’ils décident de publier, ils doivent toutefois veiller à ne pas en changer le sens ni trahir la pensée des auteurs.
Dans sa plainte, Mme Pauline Drouin mentionnait qu’à la suite de la publication de l’article de M. Dubois, elle avait fait parvenir au journal une lettre d’excuses destinées aux citoyens qui auraient été choqués par ses propos et déplorait que celle-ci ne fut pas publiée intégralement, mais sous la seule forme d’extraits dans le cadre de l’article de Mme Carole Pronovost. Sans contester le choix du format de publication des excuses de la plaignante, mais en recommandant toutefois celui de la publication du document source, le Conseil conclut que l’article de la mise-en-cause, en rapportant la presque intégralité des excuses formulées par la plaignante, satisfaisait aux principes formulés dans son guide déontologique. Le grief est rejeté.
La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes représente la garantie d’une information de qualité. Elle ne signifie aucunement sévérité ou austérité, restriction, censure, conformisme ou absence d’imagination. Elle est plutôt synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements. à cet égard, la plaignante affirmait que l’article de Mme Carole Pronovost comportait des informations inexactes. Or, en raison des versions contradictoires fournies par la plaignante et la mise-en-cause sur cette question, le Conseil ne pourra statuer sur cette question.
Mme Pauline Drouin mentionnait avoir fait parvenir au journal une deuxième lettre demandant la rectification des informations erronées publiées dans l’article de Mme Carole Pronovost. Toutefois, compte tenu du fait que l’analyse n’a permis d’isoler aucune inexactitude dans cet article, le grief ne sera pas retenu.
Décision
Au terme de ce qui précède, le Conseil de presse retient partiellement la plainte de Mme Pauline Drouin à l’encontre du journaliste, M. Nicolas Dubois et de l’hebdomadaire Le Journal de Chambly.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C09C Modification du texte
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C22H Détourner la presse de ses fins
- C23L Altercation/manque de courtoisie
Date de l’appel
27 May 2008
Appelant
Le Journal de Chambly
Décision en appel
La commission d’appel accueille l’appel de M. Nicolas Dubois. Elle estime d’abord que c’est à bon droit que le comité des plaintes et de l’éthique de l’information s’est penché sur le contexte entourant la plainte de Mme Pauline Drouin et a ainsi porté son attention sur l’article de M. Dubois.
Toutefois, compte tenu de la mention spécifique de la plaignante à l’effet qu’elle ne portait pas plainte contre le journaliste, mais bien contre la directrice de l’information du Journal de Chambly, le CPEI n’aurait pas dû retenir de grief contre M. Dubois. L’appel de ce dernier est donc retenu sur ce point.
La commission estime, en tout respect pour le CPEI, que le comportement du journaliste dans ce dossier était conforme à la déontologie journalistique.