Plaignant
Café Orange et M. Jim Assimakopoulos, propriétaire
Mis en cause
M. Bram Eisenthal, chroniqueur; Mme Toula Foscolos, éditrice et l’hebdomadaire The Chronicle
Résumé de la plainte
M. Jim Assimakopoulos porte plainte contre la chronique de M. Bram Eisenthal publiée dans l’édition du 21 novembre 2007 de l’hebdomadaire The Chronicle. Il reproche au chroniqueur de s’être servi d’un incident qu’il a vécu lors d’un déjeuner au Café Orange pour écrire une chronique dénigrant la gestion de l’établissement.
Griefs du plaignant
M. Jim Assimakopoulos déplore d’abord les remarques qu’il qualifie de diffamatoires publiées par l’hebdomadaire The Chronicle. Il déplore ensuite que l’éditeur du journal ait refusé de se rétracter à la suite de la publication de la chronique de M. Bram Eisenthal et regrette qu’un droit de réponse publié dans une position aussi centrale que la chronique dont il se plaint ne lui ait pas été accordé.
Le plaignant explique qu’en dépit de sa démarche de règlement à l’amiable, il a été informé par l’hebdomadaire qu’une rectification ne serait pas publiée et qu’un droit de réponse, de proéminence égale, ne lui serait pas garanti. L’hebdomadaire se serait toutefois dit préparé à publier une lettre du plaignant adressée à l’éditeur, ce que M. Assimakopoulos considérait comme étant une offre inappropriée puisque cela ne rectifiait pas les commentaires dont il se plaint et ne permettait pas de rendre clairement l’idée que le journaliste avait dépassé les limites du commentaire concernant le restaurant Café Orange.
De l’avis du plaignant, les lettres aux éditeurs sont réservées aux lecteurs qui souhaitent exprimer leur opinion concernant des faits d’intérêt public. De son avis, la chronique de M. Bram Eisenthal ne portait pas sur un sujet d’intérêt public puisqu’elle aurait eu pour but de servir un intérêt personnel, celui du chroniqueur, qui fut incommodé par le comportement d’une employée lors d’une de ses visites au restaurant.
Pour M. Assimakopoulos, le chroniqueur se serait servi de sa position pour dénigrer la gestion du restaurant. De l’avis du plaignant, un espace d’expression équivalent à celui dont a bénéficié M. Eisenthal pour sa chronique aurait permis de rétablir les erreurs et impressions erronées laissées par celle-ci.
Le plaignant conclut en expliquant que, selon lui, le chroniqueur a failli à ses obligations d’objectivité en tant que journaliste en suggérant dans sa chronique, que le Café Orange aurait dû lui verser une compensation pour l’inconfort dont il fut victime.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Bram Eisenthal, chroniqueur :
Le mis-en-cause commence par rappeler les évènements qui ont inspiré sa chronique. Lors d’un déjeuner au Café Orange, auquel il dit s’être rendu souvent en raison de la qualité de la cuisine, il explique qu’un employé, par accident, aurait échappé de l’eau sur lui et ses convives, ce qui généra un inconfort important. Il précise que bien que cette dernière se soit excusée, il attendait de la direction qu’un geste soit fait pour compenser l’inconfort. étonné que ce ne soit pas le cas, M. Eisenthal explique avoir ensuite voulu relater l’évènement dans une chronique.
Le mis-en-cause précise que c’est la première fois qu’il écrivait une chronique si négative sur un restaurant et mentionne que celle-ci était méritée. Il explique qu’il est chroniqueur et qu’à ce titre, il a pour rôle de formuler des commentaires sur des questions, des personnes ou des expériences et ce, tel qu’il les perçoit. Il rapporte qu’il a demandé à d’autres restaurateurs comment ils auraient réagi en pareil cas et qu’il a ensuite formulé des commentaires qui, pour lui, étaient justes. Il rejette l’idée selon laquelle il a fait usage de sa position de chroniqueur pour tirer un gain personnel de la situation.
Commentaires de Mme Toula Foscolos, éditrice :
La mise-en-cause précise que M. Eisenthal a toujours été un journaliste consciencieux et juste qui n’a jamais eu pour objectif d’attenter à la réputation d’une personne ou d’un commerce. Mme Foscolos estime qu’en tant que chroniqueur, M. Eisenthal était autorisé à exprimer son point de vue. De son avis et puisque l’évènement décrit dans sa chronique a bien eu lieu, ce dernier n’a nullement fait preuve de partialité.
Selon elle, le plaignant avait droit de répondre à la chronique de M. Eisenthal et c’est la raison pour laquelle il lui a été proposé de publier une lettre à l’éditeur.
Réplique du plaignant
De l’avis de M. Assimakopoulos, le dernier paragraphe de la chronique de M. Eisenthal portait atteinte à sa réputation ainsi qu’à celle de son restaurant. Selon lui, ces attaques avaient un caractère malicieux et constituaient une preuve de biais de la part du journaliste, considérant que la chronique fut écrite par un individu qui s’est senti lésé puisque n’ayant pu bénéficier d’une compensation à la suite d’un incident.
Pour M. Assimakopoulos, le chroniqueur se contredit dans son commentaire en expliquant qu’il attendait une compensation à la suite de cet incident puis en affirmant plus loin qu’il ne cherchait pas à utiliser sa position de chroniqueur à des fins personnelles. Le plaignant se demande alors pourquoi, si ce n’est le cas, le chroniqueur ne s’en est pas tenu à la télécopie qu’il a fait parvenir au restaurant à la suite de l’incident. Néanmoins, selon lui, le simple fait d’avoir fait parvenir au restaurant un premier article dans lequel il relatait déjà l’incident démontrait la volonté qu’avait le journaliste d’utiliser sa position à des fins personnelles. De l’avis de M. Assimakopoulos, il s’agissait d’un incident à caractère privé et le chroniqueur aurait dû tenter de régler celui-ci par des voies moins publiques.
Le plaignant précise par ailleurs que M. Eisenthal ne fut pas envoyé au restaurant en tant que critique culinaire.
Il conclut qu’en dépit de l’avis de l’éditeur, la liberté d’expression de M. Eisenthal ne lui permettait pas de détruire injustement la réputation de son restaurant en abusant de sa position de journaliste.
Analyse
M. Jim Assimakopoulos portait plainte contre la chronique de M. Bram Eisenthal publié dans l’édition du 21 novembre 2007 de l’hebdomadaire The Chronicle. Il reprochait au chroniqueur de s’être servi de sa position de journaliste pour dénigrer le Café Orange dans lequel il n’avait pas été satisfait par le service.
Dans le cadre d’une précédente décision qu’il avait rendue (D2005-02-053), le Conseil a considéré que les chroniqueurs pouvaient librement écrire à partir d’expériences personnellement vécues. Il remarquait néanmoins que se faisant, ils pouvaient donner l’impression d’un règlement de comptes, ce qu’ils doivent veiller à éviter.
Or, l’analyse a permis de constater que le chroniqueur a manifestement utilisé sa chronique afin d’obtenir le dernier mot dans le cadre d’un différend qui l’opposait personnellement au Café Orange, resté insensible à l’envoi par le mis-en-cause d’une télécopie se composant d’une première chronique dans laquelle il se plaignait de la qualité du service relativement à une de ses visites audit restaurant. Le Conseil conclut que M. Bram Eisenthal a, à l’occasion de cette deuxième chronique, utilisé sa liberté d’expression à des fins personnelles et non dans l’intérêt du public. Le grief est retenu.
Par ailleurs, le plaignant déplorait que l’éditeur du journal ait refusé de se rétracter à la suite de la publication de l’article. Il lui reprochait également d’avoir refusé de publier une lettre de réplique à un emplacement aussi central que l’était la chronique dont il se plaint.
à cet égard, le Conseil relève que les médias doivent trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. Ils doivent par ailleurs favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qui a été publiée et ce, afin de réparer le préjudice causé de la manière la plus juste qui soit.
En proposant à M. Jim Assimakopoulos de publier une lettre à l’éditeur, le Conseil estime que l’hebdomadaire The Chronicle a honoré le devoir que lui incombe la déontologie de favoriser un droit de réponse du public relativement aux informations qui le mettent directement en cause. Il mentionne par ailleurs que le plaignant ne pouvait pas dicter au journal l’emplacement de publication de sa lettre de réplique; ceci reste une prérogative éditoriale. M. Jim Assimakopoulos ayant par lui-même renoncé à son droit de réponse, le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil accueille partiellement la plainte de M. Jim Assimakopoulos contre la chronique de M. Bram Eisenthal publiée dans l’hebdomadaire The Chronicle, sur la base du grief concernant le procès par les médias.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C17A Diffamation
- C17G Atteinte à l’image
- C17H Procès par les médias
- C19A Absence/refus de rectification