Plaignant
M. André Lachance
Mis en cause
M. Donald Jean, journaliste et L’agence de presse Média Mosaïque Montréal
Résumé de la plainte
M. André Lachance porte plainte contre Média Mosaïque Montréal dont les contenus sont publiés sur Internet, et contre son journaliste, M. Donald Jean. Le plaignant leur reproche d’avoir publié le 24 décembre 2007 deux articles portant atteinte à son intégrité professionnelle et personnelle en raison d’allégations fausses, calomnieuses et malveillantes, et d’avoir manqué d’équilibre et dénaturé ses propos.
Griefs du plaignant
La plainte de M. André Lachance vise conjointement, M. Donald Jean, journaliste, et la publication Média Mosaïque Montréal qui paraît sur Internet. Selon le plaignant, les mis-en-cause s’attaquent à son intégrité professionnelle et personnelle. Le plaignant explique : « Les deux textes – intitulés respectivement « La presse en Haïti, incapable d’écrire en français, selon un Québécois » et « Les journalistes haïtiens « ont faim », selon André Lachance » – se veulent une réponse à mon texte intitulé « Les jeunes, espoir du journalisme haïtien » publié en pages 2 et 4 d’Info Liberté, le bulletin d’information de Réseau Liberté. »
M. Lachance poursuit : « Les deux textes de M. Donald Jean comportent de nombreuses allégations fausses, calomnieuses et malveillantes » portant gravement atteinte à sa réputation, à son honneur et à la considération dont il jouit au Canada et en Haïti. Les textes en question, ajoute-t-il « manquent d’équilibre, dénaturent mon propos et laissent entendre que je désire profiter des difficultés de mes collègues journalistes haïtiens, difficultés que je connais bien pour avoir Œuvré depuis deux ans dans diverses rédactions de Port-au-Prince à titre de formateur ».
M. Lachance expose ensuite sa version des faits et termine en ajoutant qu’il a envoyé sans succès au mis-en-cause une demande écrite de rétractation, dont il annexe copie. S’adressant directement à M. Donald Jean, il détaille les reproches qu’il lui adresse et pour lesquels il lui demande de se rétracter :
– « Vous avez choisi, au lieu de répondre sur le fond à ma description des réalités extrêmement difficiles que vivent mes collègues haïtiens, de tirer sur le messager, me traitant publiquement de « colporteur de ragots », et de « condescendant », en plus de m’accuser de m’être livré dans mon court papier à un exercice caricatural et avilissant. »
– « Vous dites notamment que j’affiche dans mon texte […] « une attitude tout à fait condescendante, un regard « de haut », un mépris qui frise carrément le racisme », me reprochant même d’être un prétendu « coach », étranger de surcroît […]. »
M. Lachance répond alors qu’être étranger n’est pas un empêchement pour rendre compte des conditions d’exercice du métier de journaliste en Haïti. Il ajoute qu’il fréquente ce pays depuis plus de 25 ans, qu’il parle créole, qu’il connaît des dizaines de journalistes avec qui il a travaillé et que depuis un an il a passé « pas moins de cinq mois dans les rédactions du Le Nouvelliste et du Le Matin » Il sait donc, selon lui, ce dont il parle quand il décrit le comportement fautif de certains jeunes journalistes.
M. Lachance demande rétractation et ajoute d’autres reproches à l’article de M. Jean pour ses propos mensongers :
– « Vous vous êtes aussi attaqué à mon intégrité, faisant croire […] qu’il « n’est pas besoin d’être grand clerc pour saisir les véritables motivations de ce monsieur Lachance […] on peut comprendre qu’il mousse son intervention, noircisse davantage les faits, pour justifier auprès de ses bailleurs de fonds l’urgente nécessité de subventionner ses activités dans les pays du sud ou en
Haïti notamment… » »
– « Vous affirmez aussi que, selon moi, il n’y a « que des ignares, des incultes, des médiocres qui travaillent actuellement dans la presse en Haïti » et que les journalistes haïtiens sont incapables d’écrire en français, que ce soit dans « Le Nouvelliste et au Le Matin – les deux seuls quotidiens du pays – ou dans des sites web tels Alterpresse, Haïti Press Network, Kiskeya ou Radio-Métropole ». Je n’ai jamais dit ou laissé entendre une telle chose. Vous dénaturez et la lettre, et l’esprit de mon propos. »
Le plaignant rappelle alors ce qu’il a écrit dans son texte, et il somme encore une fois le journaliste de se rétracter. Il poursuit ensuite sa dénonciation, abordant cette fois la question des revenus. Il accuse alors M. Jean de confondre le salaire des « jeunes journalistes », sujet de son propos, avec celui que reçoivent les journalistes plus expérimentés. Il relève ensuite un autre manquement de la part du journaliste mis en cause :
– « Vous dites aussi que je me suis attaqué « violemment » à la Faculté des Sciences humaines de l’Université d’état d’Haïti, ce qui est faux. »
Après avoir contesté l’utilisation du qualificatif « violemment », le plaignant précise alors, les termes exacts qu’il a utilisés. Il réitère alors sa demande de rétractation en raison des « épithètes peu flatteuses, qualificatifs diffamatoires ou affirmations gratuites et malveillantes dont vous émaillez vos deux textes ». Et il énumère alors une série d’exemples de ces qualificatifs :
« – colporteur de ragots;
– s’il était animé d’une quelconque équité, si ses préjugés ne lui enlevaient toute crédibilité ou
objectivité;
– s’il était honnête;
– ce condescendant;
– n’importe qui, étroit d’esprit, de cracher son venin aussi facilement sur un pays, comme un
certain doc Mailloux l’a fait récemment contre les Noirs;
– de tout ce qu’il a bavé;
– après s’être défoulé de la sorte;
– est-ce du journalisme, de la vulgarité ou de la médisance même du personnage? »
Pour le plaignant, ces qualificatifs sont de nature à lui causer un tort considérable dans l’exercice de sa profession, notamment en Haïti, et que la publication de ces deux textes sur le site web de Média Mosaïque Montréal « l’entache pour la première fois en plus de trente ans de carrière ».
COMPLéMENT à LA PLAINTE
Une dizaine de jours après le dépôt de sa plainte, le plaignant écrit à nouveau au Conseil pour lui faire part qu’à la suite de sa demande de rétractation, le journaliste mis en cause a produit un autre texte « mettant encore en doute mon intégrité professionnelle et personnelle ».
Il annexe ce texte à son envoi.
INFORMATIONS COMPLéMENTAIRES
Quelques semaines plus tard, et avant que les commentaires du mis-en-cause ne soient parvenus au Conseil, le plaignant demande à ce dernier d’ajouter une nouvelle pièce au dossier. Il s’agit cette fois d’un article paru dans le site Internet Haiti press network intitulé : « Haïti Canada/presse : Lachance avait raison, selon le secrétaire général de l’AJH ».
Le sous titre de l’article se lit : « André Lachance avait raison, a déclaré Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens, lors d’une rencontre du club de presse le vendredi 14 mars à l’Institut français d’Haïti. »
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la rédaction de Média Mosaïque Montréal :
Les commentaires ne portent aucune signature personnelle, mais simplement la mention « La Rédaction de « Média Mosaïque » ». L’auteur des commentaires de la rédaction commence en s’interrogeant sur les motivations de M. Lachance qui, selon lui, « se constitue aujourd’hui en « plaignant » après avoir pris soin d’humilier, de salir la réputation de tous ceux qui, de près ou de loin, ont quelque chose à voir avec la corporation journalistique d’Haïti ».
Il considère la situation inimaginable et même paradoxale, puisque la plainte aurait plutôt dû avoir été portée contre M. André Lachance par l’Association des journalistes haïtiens et ses représentants, étant donné que son texte « les a atteint dans leur dignité, dans leur probité en tant que « jeunes journalistes » haïtiens évoluant en Haïti, dans la diaspora et au Québec ».
Le porte-parole des mis-en-cause trouve ironique qu’alors que Média Mosaïque n’a pas exigé que le bulletin de Réseau Liberté publie sa réplique, son entreprise s’est faite attaquer, voire censurer parce qu’elle a osé dénoncer ses contre-vérités.
Le représentant de la rédaction ajoute : « En nous mettant une seconde à sa place, nous nous demandons, comment aurions-nous pu penser porter plainte contre un journaliste québécois qui dénoncerait un éventuel article bidon (d’opinion) et généralisant en plus de notre part sur la presse québécoise. D’abord, nous savons pertinemment qu’un article d’opinion demeure ce qu’il est, ensuite, nous devrions logiquement nous attendre à une tonne de réactions. Devrions-nous, à ce moment-là, porter plainte contre tous les protestataires? Soyons sérieux! ».
La rédaction de Média Mosaïque estime donc, encore aujourd’hui, que sa réplique est loin d’être démesurée. Il ajoute « que la liberté d’opinion existe au Québec, comme elle est sacrée dans toutes les société modernes et démocratiques ». Le porte-parole des mis-en-cause ajoute : « Au lieu de prendre le chemin des tribunaux ou celui du Conseil de presse, comme André Lachance l’a fait, notre rédaction, conformément à la liberté de parole, lui a répondu par les deux articles dont il a fait mention ». Ces explications sont complétées par une attaque sur la crédibilité du plaignant.
Les commentaires se poursuivent sur un exposé intitulé « Profil de Donald Jean (journaliste haïtien et québécois », où sont notamment détaillées les expériences de M. Jean en Haïti, en France, aux états-Unis et au Canada.
Le porte-parole des mis-en-cause explique ensuite le contexte et les raisons pour lesquelles ces derniers se sont sentis doublement interpellés : « Tout d’abord parce qu’il y a des Haïtiens parmi nous, ensuite, en tant que journalistes; car plusieurs d’entre nous ont bossé là-bas tout en gardant, d’ici étant, nos liens avec les rédactions haïtiennes. » Ce qui lui fait dire que ces personnes connaissent « assurément mieux que M. Lachance, la réalité de cette presse ». De plus, « pour avoir évolué et continué de le faire en tant que journalistes, en tant que Néo-Québécois intégrés et formés dans notre pays d’adoption, nous savons très bien de quelle école et de quelle presse M. Lachance est issu. »
Les commentaires continuent dans une section intitulée : « Indignation face à son manque d’objectivité ». Dans cette partie, le porte-parole des mis-en-cause poursuit sa dénonciation et s’en prend au « manque d’objectivité » du texte de M. Lachance. Estimant que « cela prendrait des dizaines de pages pour démonter phrase par phrase, paragraphe par paragraphe le texte de M. Lachance », l’auteur indique que ceux-ci se limiteront à la façon dont il décrit le piètre niveau de formation de ses confrères haïtiens et leur façon d’écrire le français, ainsi que la manière dont il a illustré la faim qui les affecte.
Le représentant de la rédaction indique que « si nous ne contredisons pas que les journalistes haïtiens soient sous-payés, nous nous réservons cependant le droit de souligner que cela ne constitue pas une information en soi ». Il poursuit en expliquant que « ça va mal pour tous les corps de métier dans un pays comme Haïti », mais déplore le traitement journalistique qu’en fait M. Lachance. Pour illustrer sa thèse, l’auteur utilise le cas du journaliste mis en cause et son salaire au moment où il travaillait en Haïti.
Accusant le plaignant d’être un « propagandiste », le porte-parole de la rédaction en conclut qu’il « ne saurait faire preuve d’objectivité », l’accusant d’avoir « mis tout le monde dans le même sac ». Il déplore alors qu’il n’ait pas fait état de l’élite journalistique et des jeunes journalistes brillants, ni mentionné quoi que ce soit en regard de la façon de fonctionner de Réseau Liberté, l’ONG pour laquelle il travaille, ou en regard de ses sources de financement. Il en conclut « d’où le manque d’objectivité, d’où les traces de conflit d’intérêts qui mettent sérieusement à mal l’attitude de M. Lachance et qui prouvent le peu de crédibilité de son « papier » ».
La partie suivante s’intitule : « Une école imparfaite qui n’a pas pourtant démérité ». Dans cette section, le représentant de la rédaction reconnaît « qu’il y a une nécessité pour cette université d’adapter ses curricula », et indique que « Donald Jean, en tant qu’ancien étudiant à cette faculté, a tout simplement manifesté son désaccord vis-à-vis de M. Lachance qui a résumé la formation offerte par cette institution aux « jeunes journalistes » à « de vagues cours théoriques » ». L’auteur s’interroge alors sur ce qui a permis à M. Lachance de faire une telle affirmation. Il ajoute que Média Mosaïque a reproché au plaignant son « manque de charité » et estime que ce dernier devait s’attendre à une réplique.
Vient ensuite « La question linguistique ». Les commentaires questionnent alors la manière utilisée par M. Lachance pour aborder cet aspect de son propos, questionnant au passage son équité et sa bonne foi, et estimant que « c’est aller trop loin pour un étranger » que de faire les affirmations qu’il a faites sur la syntaxe et les expressions utilisées.
Le porte-parole des mis-en-cause signale ensuite, dans la section intitulée « Aveu d’André Lachance », que ce dernier « a lui-même admis, dans une entrevue qui lui a été accordée à Radio Vision 2000 en Haïti consécutivement à cette affaire, qu’il était allé « trop loin » dans ses généralisations ». Prenant en exemple l’opposition entre francophones et anglophones au Canada, il ajoute « Il devait comprendre que l’Haïtien n’accepte pas des leçons maladroites comme ça de la part d’un « Blanc », peu importe son origine ». Le journaliste se serait mis en faute « en passant outre les règles minimales de la profession, en confondant travail journalistique et pamphlet de propagande pour une ONG ». En reconnaissant cela, il devrait logiquement retirer sa plainte.
La plainte n’ayant pas été retirée, le porte-parole réagit, en indiquant : « Nous pensons au contraire qu’il était légitime de nous poser ces questions parce que la Rédaction de « Média Mosaïque » avait répondu favorablement à sa demande. Il nous avait adressé ce qu’il avait appelé « une mise en demeure » dans laquelle il nous avait « sommés » de nous « rétracter » et de lui faire des excuses en publiant sa « mise en demeure » ».
Le représentant des mis-en-cause explique : « Par respect pour les exigences de la déontologie du métier, notre rédaction avait publié in extenso son « rectificatif », sa soi-disant « mise en demeure », le 21 janvier 2008. » Ce geste était une façon de répondre positivement à sa demande, même si Média Mosaïque n’avait pas fait la même demande auprès du bulletin de l’organisme pour lequel travaille M. André Lachance. L’auteur des commentaires ajoute que « lors de la publication de son texte, « rectificatif », on avait clairement dit que, nous étions et nous sommes encore dans nos droits de lui répondre, qu’il n’était pas question de nous excuser auprès de quelqu’un qui nous atteints dans notre dignité d’être humain ».
Comme preuve de la bonne foi de la rédaction, son porte-parole rappelle que le texte initial du plaignant avait également été publié sur le site de Média Mosaïque Montréal le même jour que les deux articles faisant l’objet de la plainte. Il insiste pour faire observer que son média ne s’est pas contenté de citer quelques extraits du texte de M. Lachance, mais que « dès le premier jour, on avait publié in extenso simultanément son papier avec les nôtres pour que nos lecteurs puissent faire eux-mêmes leur propre jugement ».
Le porte-parole termine en indiquant : « M. Lachance ne commettra pas l’erreur de penser que la rédaction de « Média Mosaïque » était la seule à réagir de cette façon par rapport à sa publication « Les jeunes, espoir du journalisme haïtien », […] les réactions de soutien, soit par téléphone ou par courriel nous provenaient au Québec, au Canada, aux USA et en Haïti avaient afflué ». Le porte-parole des mis-en-cause indique quatre adresses Internet où peuvent être consultées des réactions de « soutien de confrères à la position défendue par Média Mosaïque ».
Réplique du plaignant
Le plaignant indique qu’il désire « réfuter certaines nouvelles affirmations gratuites de M. Jean ».
En ce qui a trait à l’accusation « d’humilier, de salir la réputation de tous ceux qui, de loin ou de près, ont quelque chose à voir avec la corporation journalistique d’Haïti », M. Lachance estime que le journaliste lui prête des intentions qu’il n’a pas. De plus, son texte « n’avait rien d’un texte d’opinion et n’avait pour but que de rendre compte de la pénible réalité des jeunes journalistes haïtiens ».
Répondant ensuite à l’affirmation voulant que c’est plutôt l’Association des journalistes haïtiens qui aurait dû porter plainte contre lui, il fait observer que loin d’avoir réagi ainsi, l’Association, par la voix de son président a justement « reconnu publiquement la véracité du contenu » de son texte.
Le plaignant aborde ensuite l’accusation d’avoir voulu attaquer et censurer les journalistes haïtiens en portant plainte au Conseil de presse, « assimilant cette démarche à une « dérive totalitaire » ». Il relève que M. Jean estime encore que sa réplique, constituée des deux textes mis en cause, est loin d’être démesurée.
M. Lachance répond ne pas être de cet avis : les deux textes en question « contenaient de nombreuses allégations fausses, calomnieuses et malveillantes » et ont mis en doute son intégrité personnelle et professionnelle. S’adresser dans ce cas au Conseil n’était donc pas, selon lui, une « dérive totalitaire » ou une « attaque », mais simplement « un recours tout à fait pertinent dans les circonstances ». Le plaignant précise, un peu plus loin, que contrairement à ce qu’affirme M. Jean, il n’a « saisi aucun organisme judiciaire ou quasi judiciaire, aucun tribunal administratif ou comité de discipline du même cas ».
Le plaignant aborde ensuite la question de sa crédibilité mise en doute par M. Jean, le qualificatif de « journaliste coopérant » utilisé pour le décrire ainsi que l’affirmation voulant qu’il soit « un propagandiste, contraint d’utiliser un pareil registre pour justifier son ONG auprès des bailleurs de fonds qui la financent ». M. Lachance répond à l’accusation qu’il qualifie de « fausse et mesquine » en expliquant l’origine de Réseau Liberté, son mandat et sa composition.
Au sujet de sa formation également mise en doute par le journaliste mis en cause, le plaignant répond en fournissant au Conseil son curriculum vitae.
Il relève ensuite des erreurs sur l’utilisation du « joual » au lieu du français au Québec, et poursuit sa réponse en accusant le mis-en-cause de lui imputer des propos inexacts au sujet de l’utilisation des langues créole et française dans les médias en Haïti, rappelant les propos exacts qu’il avait publiés.
Il ajoute qu’il ne voit pas en quoi le fait qu’il soit un journaliste étranger devrait l’empêcher de rendre compte de ce problème. En appui, il prend à témoin cinq journalistes ou rédacteurs en chef qui « vivent au quotidien les difficultés d’écriture des journalistes haïtiens, notamment les plus jeunes qui ont fait leurs études presque exclusivement en créole ».
Selon M. Lachance, le journaliste a également dit qu’il avait parlé de « corruption », ce qui serait faux. Le plaignant précise alors ses propos exacts. Ensuite, le plaignant aborde le « prétendu aveu » qu’il aurait fait sur les ondes de Radio Vision 2000, et selon lequel il serait allé trop loin dans ses « généralisations », affirmant être certain que son « intervention en ondes n’avait rien d’un aveu ».
Il répond enfin aux accusation du plaignant de vouloir le « museler » et de vouloir « se refaire une virginité auprès de ses collègues haïtiens », accusations qu’il dénonce comme fausses. Le plaignant termine en indiquant avoir reçu des dizaines de coups de téléphone et quelques courriels en appui de sa prise de position. Il annexe à sa réplique quatre lettres en guise d’illustration.
Analyse
Avant de se prononcer sur le fond du dossier soumis à son attention, le Conseil de presse formule quelques observations.
Une première est à l’effet que la présente décision ne vise pas à prendre parti dans un différend entre individus, mais à établir la conformité à la déontologie journalistique des deux articles publiés par les mis-en-cause sur leur site Internet et contestés par le plaignant.
Dans les faits, les documents soumis à l’attention du Conseil révèlent une vive opposition entre les parties, qui s’est manifestée autant dans la présentation des griefs, par le plaignant, que dans la défense du journaliste mis en cause. Par conséquent, la présente décision ne constitue en aucune façon un jugement sur la validité du texte de M. Lachance qui apparaît à l’origine du différend. L’examen du Conseil n’a pour fin que d’établir si, dans le traitement de l’information effectué par Média Mosaïque Montréal dans les deux textes mis en cause, il y a eu manquement aux principes journalistiques reconnus au Québec.
Une autre observation concerne les accusations d’utilisation de qualificatifs diffamatoires et d’atteinte à la réputation par le journaliste mis en cause dans ses propos. à ce sujet, le Conseil tient à rappeler que ses décisions sont rendues uniquement en regard de l’éthique journalistique et ne constituent à aucun moment un jugement à caractère juridique.
Avant de procéder à l’analyse de la plainte, le Conseil s’est aussi appliqué à préciser le genre journalistique des deux articles dénoncés. En effet, compte tenu que la plainte porte essentiellement sur la virulence des propos tenus par le journaliste mis en cause, il apparaissait important de déterminer s’il s’agissait de journalisme d’information ou de journalisme d’opinion, selon les distinctions déjà établies dans le guide Droits et responsabilités de la presse (DERP) du Conseil.
Après examen, le Conseil a constaté que le vocabulaire et le ton utilisés dans les deux articles mis en cause appartiennent journalisme d’opinion.
Or, le guide DERP indique, à ce chapitre : « Les médias et les journalistes doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques. Ceux-ci doivent être facilement identifiables afin que le public ne soit pas induit en erreur sur la nature de l’information qu’il croit recevoir. »
Le guide DERP indique également : « Le « cyberjournalisme » ne diffère pas, quant à sa substance et à sa raison d’être, d’un journalisme plus traditionnel, qu’il soit écrit, radiophonique ou télévisuel. Seul le support technologique a changé. Les principes éthiques qui président à la pratique du cyberjournalisme sont à peu de choses près identiques à ceux qui s’appliquent aux médias traditionnels. Les grandes règles d’or de la profession journalistique, qu’il s’agisse de journalisme d’information ou de journalisme d’opinion, restent de rigueur. Les fondements de la liberté de presse et du droit du public à l’information s’appliquent donc et aussi à la presse sur le réseau Internet. »
Ainsi, de l’avis du Conseil, il n’y avait aucune contre-indication à ce qu’en tant que média, Média Mosaïque Montréal fasse à la fois du journalisme d’information et du journalisme d’opinion. La plupart des médias en font et Média Mosaïque Montréal avait le droit de le faire. Le Conseil estime que le chapeau du premier article du mis-en-cause indique bien que le texte s’inscrit dans le journalisme d’opinion. Ce n’est toutefois pas le cas du deuxième texte de M. Jean, dont la nature n’était pas clarifiée au bénéfice des internautes. Il y a donc manquement aux règles déontologiques exposées plus haut et, dans ce dernier cas, le Conseil a retenu un grief sur cet aspect.
Parmi les autres griefs formulés par le plaignant, l’un voulait que « Les deux textes de M. Donald Jean comportent de nombreuses allégations fausses ». Les principes déontologiques qui s’appliquent au journalisme d’opinion indiquent que la liberté d’opinion n’est pas absolue et que la latitude dont jouissent les professionnels de l’information doit s’exercer dans le respect des valeurs démocratiques et la dignité humaine.
Ainsi, les médias et les journalistes doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des événements, des situations et des questions sur lesquels ils expriment leurs points de vue, leurs jugements et leurs critiques.
L’analyse des deux articles signés par M. Donald Jean montre que les propos de ce dernier manquent d’exactitude et vont plus loin que le texte original de M. Lachance. Un exemple parmi d’autres, concerne l’absence de distinctions entre la situation des jeunes journalistes en Haïti et celle des journalistes d’expérience.
Le Conseil fait observer que le texte de M. Lachance porte sur la qualité journalistique et sur la langue en Haïti, une matière déjà sensible et que l’on ne doit pas s’étonner qu’une personne fière de ses origines et de sa profession comme M. Jean se soit senti interpellé par les jugements de M. Lachance.
Cependant, même si l’article mis en cause a été produit dans un contexte de journalisme d’opinion, l’article de M. Jean dépassait le sens du texte original car sur le fond, le texte de M. Lachance ne va pas aussi loin que ce qu’a écrit ou interprété M. Jean. Par conséquent, même si la distorsion de l’information ne lui est pas apparue majeure, le Conseil a tout de même considéré qu’il s’agissait d’une inexactitude et le grief a été retenu.
Le plaignant déplorait aussi que le journaliste mis en cause ait travesti et orienté les faits pour insinuer que le plaignant s’était servi de son texte « pour justifier auprès de ses bailleurs de fonds l’urgente nécessité de subventionner ses activités dans les pays du sud ou en Haïti notamment ».
à ce sujet, le Conseil a conclu que rien dans le texte de M. Lachance ne permettait de relier ces deux éléments, et que le journaliste n’indiquait aucun fait concret justifiant cette accusation. Le Conseil a donc considéré qu’il s’agissait d’une information non établie, et d’un rapprochement tendancieux et a retenu le grief.
L’examen du Conseil a ensuite porté sur les accusations concernant les injures, les attaques personnelles et l’atteinte à l’image. Le Conseil a relevé dans les deux articles plusieurs qualificatifs qui n’étaient pas seulement des écarts de langage, mais des insultes envers le plaignant.
Le Conseil a souvent répété qu’il n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou non, et que les décisions à cet égard relèvent de leur autorité et de leur discrétion rédactionnelles; mais qu’ils doivent éviter, par le vocabulaire qu’ils emploient, d’entretenir des préjugés ou de porter atteinte à la dignité et à l’image des personnes. Ayant constaté un débordement injustifiable à la latitude permise par le journalisme d’opinion, le Conseil a retenu un grief sur cet aspect.
Le dernier grief concernait la demande de rectification qui aurait été refusée par la rédaction de Média Mosaïque Montréal. Le Conseil a pris en compte le fait que les mis-en-cause ont publié sur Internet, simultanément à leurs deux articles, le texte original de M. Lachance, et qu’à la suite de sa réaction, ils ont aussi rendue publique l’intégralité de sa demande de rétractation. Conformément à l’usage en vigueur en cette matière, le Conseil a donc rejeté le grief.
Décision
Ainsi, pour l’ensemble de ces raisons et sur les aspects indiqués, le Conseil de presse retient partiellement la plainte contre Média Mosaïque Montréal et son journaliste M. Donald Jean.
Au-delà de cette décision, le Conseil a observé au cours de l’examen de la présente plainte, que la majorité des textes apparaissant sur le site Internet des mis-en-cause ne portent habituellement pour toute signature que la mention Média Mosaïque, suivie de la date.
Tout en reconnaissant que la déontologie n’oblige pas formellement les médias et les professionnels de l’information à une signature personnalisée, le Conseil invite Média Mosaïque Montréal à cette pratique qui ne peut que favoriser la transparence et l’image d’ouverture du média à ses usagers.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C15C Information non établie
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17C Injure
- C17E Attaques personnelles
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification
Date de l’appel
29 January 2010
Appelant
M. Donald Jean, journaliste et Média Mosaïque Montréal
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu majoritairement au maintien de la décision rendue en première instance.