Plaignant
Mme Aline Roy
Mis en cause
M. Denis Lord, journaliste; Mme Catherine élie, rédactrice en chef et le magazine Elle Québec
Résumé de la plainte
Mme Aline Roy porte plainte contre la revue Elle Québec pour avoir publié un article intitulé « Violence arctique » dans son édition de février 2008 où des propos lui ont été attribués bien qu’elle ne les ait jamais tenus. La plaignante insiste sur le fait qu’en raison de la faible densité de population dans la région Nord, cet article lui fut très dommageable dans le cadre de l’exercice de sa profession en santé communautaire.
Griefs du plaignant
Mme Aline Roy attire l’attention du Conseil sur le fait que bien que le journaliste l’ait citée à quatre reprises dans son article, elle ne l’aurait jamais rencontré ni ne lui aurait parlé au téléphone. La plaignante précise que, travaillant à Puvirnituq comme infirmière de liaison en santé communautaire publique, elle n’aurait jamais tenu de tels propos pouvant nuire à son travail auprès de la population inuit du Nunavik.
Elle demande qu’un erratum visible soit publié en français et en anglais, précisant le nom de la personne dont les propos lui ont été attribués, soit publié dans la page « vos lettres » de la revue Elle Québec avec la photo et le titre de l’article et ce, dans un délai de 60 jours. La plaignante précise qu’elle souhaite voir l’erratum avant publication afin de s’assurer que celui-ci est conforme à ses souhaits.
Mme Roy souhaite également que le correctif soit, en vertu de la Loi sur la presse, publié « dans un journal du district judiciaire ou d’un district voisin ». Elle ajoute qu’elle souhaite qu’une lettre d’excuses lui soit adressée.
La plaignante conclut que le Nord est une vaste région en superficie mais une petite région quand il s’agit du nombre de personnes qui y résident et que par conséquent l’article de M. Lord n’aurait pas été sans avoir un impact important sur son travail.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Catherine élie, rédactrice en chef
Mme élie explique que, consciente de la gravité de l’erreur qui consiste à avoir cité la plaignante alors qu’elle n’a jamais été contactée par le journaliste, le magazine s’est empressé de présenter ses excuses à Mme Roy et de publier un erratum dans l’édition d’avril de Elle Québec. Mme élie ajoute que, conformément au souhait de la plaignante, des lettres d’explications furent adressées à deux de ses supérieurs et qu’un 2ème erratum fut publié dans le Nunatsiaq News comme elle le souhaitait.
Mme élie précise également que ce 2ème erratum fut soumis à la plaignante pour approbation avant publication. La mis-en-cause joint en annexe une copie des lettres qui ont été expédiées aux supérieurs de la plaignante ainsi qu’un extrait de leur correspondance concernant l’approbation de l’erratum à paraître dans le Nunatsiaq News.
Commentaires de Denis Lord, journaliste en chef :
De ses propres mots, le mis-en-cause admet avoir fait une « regrettable erreur » en confondant Mme Roy avec une autre infirmière avec laquelle il se serait entretenu. Il précise qu’il n’avait aucune intention malicieuse et qu’il s’est excusé auprès d’elle à plusieurs reprises.
M. Lord termine en se demandant si les propos qui ont été par erreur attribués à la plaignante entachaient à ce point sa réputation compte tenu de la réalité évoquée par d’autres médias.
Réplique du plaignant
Mme Roy explique qu’elle n’a pris connaissance de l’erratum publié dans le Nunatsiaq News que grâce à la correspondance que lui a fait parvenir le Conseil de presse. Elle ajoute avoir vérifié ses courriels et n’avoir jamais reçu ce que dit lui avoir envoyé la mis-en-cause. Elle précise qu’il s’agit toutefois d’un problème fréquent avec les ordinateurs.
La plaignante précise qu’elle n’est pas satisfaite de l’erratum paru dans la revue Elle Québec puisqu’elle n’a jamais pu approuver ce dernier. Elle conclut toutefois avoir bien reçu une lettre d’excuses et ses supérieurs une lettre d’explications. Il n’empêche pas que cette erreur aurait suscité plusieurs réactions de personnes surprises de sa participation à l’article de M. Lord.
Analyse
Mme Aline Roy portait plainte contre un article de M. Denis Lord intitulé « Violence arctique » et publié dans l’édition de février 2008 du magazine Elle Québec. Elle reprochait au journaliste de lui avoir attribué certains propos dans son article bien qu’elle n’ait jamais été en contact avec lui. Compte tenu de l’impact de cette erreur, la plaignante souhaitait que soit publié un rectificatif dans la revue Elle Québec ainsi que dans un journal de son district judiciaire, qu’une lettre d’excuses lui soit adressée et que ses supérieurs puissent avoir droit à des explications.
Par le biais de son analyse, le Conseil a pu constater que la rédaction du magazine, en plus d’avoir reconnu son erreur et de s’en être excusée à plusieurs reprises, a tenté de satisfaire aux différentes demandes de la plaignante en publiant deux correctifs dont un dans le Nunatsiaq News ainsi qu’en lui faisant parvenir une lettre d’excuses et en correspondant avec ses supérieurs pour leur expliquer l’erreur dont elle avait été victime.
Dans ses commentaires, le journaliste s’interrogeait néanmoins sur les conséquences qu’ont pu avoir sur la plaignante le fait d’avoir publié des propos qu’elle n’a pas tenus mais qu’il estimait refléter la réalité. à cet effet, le Conseil tient à rappeler que le fait d’attribuer des propos à une personne alors qu’elle ne les pas tenus est une faute déontologique grave et ce, sans égard au type d’information dont il peut s’agir.
Par ailleurs, la plaignante expliquait ne pas être satisfaite de l’erratum qui fut publié dans l’édition d’avril 2008 d’Elle Québec, parce qu’elle n’a pas eu l’occasion de l’approuver, comme elle le souhaitait, avant publication. Elle souhaitait de plus que celui-ci soit visible et mentionne le nom de la personne qui a tenu ces propos. Elle réfutait par ailleurs l’affirmation des mis-en-cause selon laquelle elle avait eu l’occasion d’approuver celui qui fut publié dans le Nunatsiaq News.
Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes mises en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. Les rectifications devraient être faites de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé. Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rectifications qu’ils publient une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses.
Ainsi et bien que la plaignante ne se soit pas estimée satisfaite des rectificatifs que la revue Elle Québec a fait publier, le travail du Conseil se limitait à déterminer si ceux-ci étaient conformes aux exigences de la déontologie journalistique en la matière.
En ce qui concerne le contenu des rectificatifs, le Conseil remarque qu’en corrigeant l’information selon laquelle Mme Roy était l’auteure des propos, la rédaction n’a jamais fait mention de l’identité du véritable auteur de ceux-ci. Cette information était nécessaire afin que les lecteurs puissent évaluer la fiabilité des informations livrées par le journaliste. Le grief est retenu sur cet aspect.
Quant à la forme des rectificatifs, le Conseil constate une disproportion entre la gravité de la faute commise et l’importance accordée aux rectificatifs, en y accordant une faible visibilité et une mise en page insuffisante. Le grief est retenu sur cet aspect.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de Mme Aline Roy contre le journaliste M. Denis Lord et la revue Elle Québec sur la base de l’insuffisance de la rectification quant à son contenu et à sa forme.
Analyse de la décision
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C19B Rectification insatisfaisante
Date de l’appel
10 March 2009
Appelant
M. Denis Lord, journaliste
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision de première instance.