Plaignant
M. Jean-Guy Bourgeois
Mis en cause
M. Paul Arcand, journaliste et animateur; Dre Christiane Laberge, collaboratrice; M. Yves Bombardier, directeur général; l’émission « Puisqu’il faut se lever » et la station radiophonique 98,5 FM
Résumé de la plainte
M. Jean-Guy Bourgeois porte plainte contre M. Paul Arcand et la Dre Christiane Laberge. Dans le cadre d’une chronique, portant sur les pressions exercées par le milieu scolaire pour que du Ritalin soit prescrit à certains enfants, diffusée lors de l’émission « Puisqu’il faut se lever » du 26 janvier 2009, il n’aurait pas été mentionné aux auditeurs l’identité d’un médecin, dont le courriel a été lu en ondes. Les pratiques des intervenants en milieu scolaire auraient aussi été ouvertement ridiculisées et la Dre Laberge se serait placée en conflit d’intérêts, en soutenant sa profession.
Griefs du plaignant
M. Bourgeois souhaite exprimer son désaccord avec les propos tenus sur les ondes du 98,5 FM par Paul Arcand et sa collaboratrice, la Dre Christiane Laberge. De l’avis du plaignant, M. Arcand aurait introduit en ondes le sujet des parents forcés à donner du Ritalin à leurs enfants, pour qu’ils ne soient pas expulsés de leur école, sur la base de ouï-dire susceptibles de porter préjudice au professionnalisme des intervenants scolaires. Au début du segment mis en cause, on peut ainsi entendre les propos suivants : « Un de vos collègues médecins m’a écrit et m’a affirmé qu’un parent lui avait dit que l’école avait décidé que son enfant devait prendre du Ritalin, sinon l’enfant serait changé d’école. L’école exercerait une sorte de pression. »
Pour M. Bourgeois, l’introduction faite par M. Arcand était basée sur des sous-entendus et les personnes auxquelles il était fait référence restaient anonymes. Il souligne qu’il n’a jamais été précisé de quel médecin il était question, ni même quelle direction d’école aurait menacé les parents dont il est question. Selon le plaignant, l’usage de l’anonymat favorisait la généralisation. à son avis, M. Arcand aurait dû refuser d’animer cette portion de l’émission reposant sur des allégations anonymes.
Le plaignant ajoute que M. Arcand présentait le médecin anonyme comme étant incompétent et contribuait, ainsi, à créer une psychose chez les auditeurs, dont les enfants fréquentent l’école. Pour lui, il s’agit d’une technique sensationnaliste. Il précise que, quand les principaux répondants ne participent pas à l’exposé d’un problème, la discussion ne peut aboutir.
Après l’introduction de M. Arcand, le plaignant relève que sa collaboratrice, la Dre Laberge, a pris le micro pour dire : « Nous, médecins, sommes confrontés à cela régulièrement. » M. Bourgeois explique qu’il aurait préféré l’entendre dire que son confrère médecin aurait dû consulter les intervenants du milieu scolaire, plutôt que d’accorder le plein crédit à la plainte des parents. Il ajoute que la Dre Laberge, ainsi que le médecin auquel il était fait anonymement référence, n’ont jamais vécu la problématique consistant à être confronté à un groupe d’élèves et ont ainsi une approche exclusivement théorique.
Pour M. Bourgeois, la Dre Laberge aurait eu tendance à ridiculiser les professeurs, notamment lorsqu’elle fait référence aux petits bonhommes riants ou tristes qu’ils utilisent sur la feuille de route. De plus, elle proposait que les enfants se livrent à des activités, pouvant aller à l’encontre de la sécurité, comme celle qui consiste à ce que l’enfant soit envoyé faire un certain circuit dans l’école afin de se dépenser.
De l’avis du plaignant, la mise-en-cause erre quand elle blâme les directions d’école de ne pas jouer le rôle de médiateur et également quand elle évoque la direction qui participe à des études de cas et à la définition de plans d’intervention. De son avis, elle devrait plutôt conseiller à ses confrères médecins d’échanger avec les principaux répondants de ces enfants éprouvant des difficultés.
M. Bourgeois conclut en expliquant qu’à certains moments, la Dre Laberge lui apparaît comme étant en conflit d’intérêts, notamment quand elle justifie la conduite de ses confrères.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Yves Bombardier, directeur général :
M. Yves Bombardier explique que Corus Québec s’est retiré du Conseil de presse en septembre 2008, pour se soumettre à la juridiction du Conseil canadien des normes de la radiotélévision et, qu’à ce titre, il ne souhaite pas émettre de commentaires à la plainte de M. Bourgeois.
Commentaires de M. Paul Arcand, journaliste :
M. Paul Arcand mentionne, tout d’abord, que le plaignant est un auditeur qui achemine régulièrement ses commentaires, par courriel, à la rédaction de l’émission, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de questions relatives au système scolaire québécois.
Il ajoute que la Dre Laberge est une omnipraticienne avec une longue expérience clinique qui livre quotidiennement, à l’antenne, des commentaires sur l’actualité médicale et sociale. Il s’agissait donc d’une opinion, basée sur des faits tirés de sa pratique, livrée aux auditeurs par une professionnelle de la santé. étant tenue au secret professionnel, Dre Laberge ne peut, néanmoins, nommément identifier les médecins ou patients auxquels elle fait référence.
Le mis-en-cause explique aussi qu’il est l’auteur du documentaire intitulé « Québec sur ordonnance » qui lui a permis de s’informer de cas de pressions exercées, par les cadres scolaires ou professeurs, pour que des enfants prennent du Ritalin, sous menace de changer l’enfant d’école. Plusieurs médecins rencontrés, durant le tournage de son documentaire, lui auraient fait part de ces confrontations avec le monde scolaire.
M. Arcand précise qu’il n’a jamais affirmé, dans son émission, qu’il s’agissait d’une politique du Ministère ou des commissions scolaires. à titre de mise en contexte, le mis-en-cause rappelle que le Québec était, il y a quelques années, la province où l’on prescrivait le moins de Ritalin et qu’elle est devenue, depuis peu, celle où l’on en prescrit le plus. Il explique qu’un pédiatre lui a, personnellement, confié qu’il devait souvent arrêter un traitement ou en prescrire un nouveau, quand la première évaluation s’était déroulée dans un contexte de pression.
Le mis-en-cause insiste sur le fait qu’une émission du matin génère de nombreux courriels et que la confidentialité de leurs auteurs est fondamentale au travail de journaliste. Il conclut en indiquant que les propos qui ont été tenus, lors de l’émission, ne constituaient pas une réaction émotive livrée avec impulsion aux auditeurs, mais bien des commentaires livrés par un médecin d’expérience, dans le cadre d’une chronique, ainsi que par un journaliste ayant mené une enquête de fond sur le sujet; sujet que des auditeurs, par l’envoi de courriels, ont ramené à l’ordre du jour.
Réplique du plaignant
Pour M. Bourgeois, les commentaires du mis-en-cause sont irrecevables puisqu’ils ne portent sur aucun fait précis. Il rappelle que M. Arcand a fait référence, dans son émission, à des médecins l’ayant contacté, ainsi qu’à de nombreux courriels, mais toujours sous le couvert de l’anonymat. Pour le plaignant, la liberté d’expression devenait, dans ce cas, prétexte à calomnie et médisance.
Le plaignant rappelle également que, selon lui, la Dre Laberge a ridiculisé professeurs et directions d’écoles dans ses commentaires et ce, dans le but de soutenir ses confrères. Il en conclut qu’en tant qu’animatrice, elle était en conflit d’intérêts.
Analyse
M. Jean-Guy Bourgeois porte plainte contre M. Paul Arcand et la Dre Christiane Laberge pour ne pas avoir mentionné l’identité d’un médecin, dont le courriel était lu en ondes, pour avoir discrédité les intervenants en milieu scolaire, ainsi que pour le conflit d’intérêts dans lequel se serait placée la Dre Laberge dans sa chronique, dans le cadre de l’émission « Puisqu’il faut se lever » du 26 janvier 2009.
Grief 1 : non mention d’une source d’information
Le plaignant relève que, pour introduire la chronique du Dre Laberge, Paul Arcand a lu aux auditeurs le courriel d’un médecin évoquant le cas de parents confrontés à une pression de l’administration scolaire pour que leur enfant prenne du Ritalin, un médicament destiné à soigner les troubles de l’attention avec hyperactivité. Selon M. Bourgeois, le fait que le médecin, l’école et les parents n’aient pas été identifiés, par M. Arcand, donnait lieu à une généralisation pouvant déclencher une psychose auprès de la population.
Or, il est ici question d’une information préalablement connue du public et personnellement observée par M. Arcand au cours de ses recherches passées. Ce dernier a utilisé le courriel du médecin dans le simple but d’introduire la chronique du Dre Laberge sur le Ritalin et non pour faire référence à une information nouvelle. M. Arcand n’avait donc aucune obligation de divulguer au public l’identité du médecin auquel il était fait référence. Le grief est rejeté.
Grief 2 : manque de respect des personnes
Le plaignant ajoute que le courriel sélectionné par M. Arcand dénigrait les intervenants du milieu scolaire et leur portait, par le fait même, préjudice.
En analysant avec attention le courriel auquel M. Arcand faisait référence, le Conseil n’a pu relever aucun propos pouvant porter préjudice aux intervenants du milieu scolaire. Il s’agissait, somme toute, du point de vue d’un médecin qui questionnait le rôle et la responsabilité des intervenants en milieu scolaire dans l’administration de médication aux enfants faisant preuve d’un déficit d’attention à l’école, sans pour autant qu’un préjudice en découle. Le grief est rejeté.
Grief 3 : manque d’équilibre
Le plaignant remarque ensuite que, lors de la chronique du Dre Laberge, le médecin, la direction de l’école ainsi que la famille auxquels il était fait référence n’ont pas été invités à participer à la discussion.
La plainte de M. Bourgeois porte sur un segment de l’émission clairement assimilé à une chronique où, comme nous venons de le rappeler, ce sont des opinions qui sont exprimées. Il n’est pas d’usage, dans ce genre d’exercice journalistique, d’inviter les parties auxquelles il peut être fait référence, à prendre part à la discussion. Ce faisant, rien n’obligeait M. Arcand et la Dre Laberge à ce que le médecin, la direction de l’école et la famille soient présents lors de la chronique. Le grief est rejeté.
Grief 4 : opinion infondée
Le plaignant fait par ailleurs porter ses griefs sur des fautes commises par la collaboratrice de M. Arcand, Dre Laberge, lui reprochant d’avoir formulé un certain nombre de conseils dans sa chronique, sans avoir l’expérience nécessaire auprès des enfants et dans le milieu scolaire.
Le plaignant se questionne à savoir si Dre Laberge possède les compétences lui permettant de formuler des conseils à destination des intervenants en milieu scolaire. Le Conseil n’a pas à juger si la Dre Laberge possède ou non l’expertise pour présenter ses commentaires en ondes. En vertu de la liberté de presse, la station 98.5 FM peut librement solliciter sa collaboration. Par conséquent, le grief est rejeté.
Grief 5 : manque de respect des personnes
Le plaignant déplore également que la Dre Laberge ait ouvertement ridiculisé les enseignants, en faisant référence aux feuilles de route, sur lesquelles ces derniers peuvent coller des visages tristes ou souriants en guise d’évaluation. Après s’être livré à son analyse, le Conseil n’a, toutefois, pas pu cerner en quoi la chronique, de la mise-en-cause, était ridiculisante puisque cette dernière ne faisait nullement montre de mépris. Le grief est rejeté.
Grief 6 : conflit d’intérêts
Le plaignant soutient, en dernier lieu, que la Dre Laberge est en conflit d’intérêts, ce qui transparaîtrait, notamment, lorsqu’elle exprime un certain soutien envers ses confrères médecins. Aucun élément ne vient toutefois établir la position de conflit d’intérêts dans laquelle elle se placerait. Par conséquent, si conflit d’intérêts il y a, le plaignant n’a pas démontré cette affirmation. Le grief est rejeté.
Grief 7 : non-participation de la direction de la station
Le Conseil de presse tient à souligner la collaboration de l’animateur Paul Arcand qui, contrairement à la direction de la station du 98.5 FM, a accepté de répondre à la présente plainte, honorant ainsi la responsabilité qui lui incombe en tant que professionnel des médias de répondre publiquement de ses actions. Le citoyen, requérant dans ce dossier, a choisi de s’adresser au Conseil de presse du Québec comme mécanisme d’autorégulation. En ne satisfaisant pas à ce choix du plaignant et en refusant de répondre, sous prétexte que Corus ne répond maintenant qu’aux plaintes adressées au CCNR, le média en cause, la station du 98.5 FM, privait le citoyen de son droit de choisir l’organisme auquel il désire s’adresser en refusant ainsi de participer au processus d’autorégulation. Le Conseil de presse insiste sur l’importance pour tous les médias de participer aux mécanismes d’autorégulation qui contribuent à la qualité de l’information et à la protection de la liberté de presse. Cette collaboration constitue un moyen privilégié pour eux de répondre publiquement de leur responsabilité d’informer adéquatement les citoyens. Le Conseil déplore le manque de collaboration de la direction de la station du 98.5 FM, qui a refusé de répondre devant le tribunal d’honneur de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Jean-Guy Bourgeois à l’endroit du journaliste, M. Paul Arcand et de la Dre Christiane Laberge.
Cependant, le Conseil de presse relève le manque de collaboration de la station 98,5 FM.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C03B Sources d’information
- C12C Absence d’une version des faits
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C22G Appartenance du journaliste
- C24A Manque de collaboration