Plaignant
M. Luc Archambault
Mis en cause
M. Martin Ouellet, journaliste; M. Jean Roy, vice-président service de la langue française et La Presse Canadienne; M. Romain Bédard, rédacteur en chef et le portail d’information Canoë; M. Donald Charrette, directeur de l’information etle quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Luc Archambault porte plainte contre le journaliste Martin Ouellet, concernant un article publié le 15 juin 2009, dans le Journal de Québec ainsi que sur le portail Canoë. Cet article aurait, selon le plaignant, comporté un certain nombre d’erreurs relatives au message qu’il avait exprimé, un an auparavant, dans une lettre d’opinion qui s’adressait au chanteur Paul McCartney et qui fut rédigée à l’occasion du concert de ce dernier présenté à Québec.
Griefs du plaignant
M. Archambault déplore que l’article en question ait reproduit un mensonge participant à la dérive médiatique qui a suivi la publication de sa lettre ouverte intitulée : « Mot de bienvenue d’un artiste québécois à Sir Paul McCartney » durant l’été 2008; dérive médiatique qui aurait inventé, de toutes pièces, un mouvement d’opposition à la venue de cet artiste. Selon le plaignant, cette lettre ouverte, endossée par le député Curzi, aurait été identifiée, par le journaliste, sous le vocable inexact de « pétition » dans son article.
Le plaignant ajoute qu’il est également inexact d’y lire que le député Curzi s’est associé à une pétition « exigeant que le chanteur britannique Paul McCartney entonne (en français) des chansons de Félix Leclerc ». Il soutient que, dans son texte, il était question de M. Gilles Vigneault et non de Félix Leclerc et qu’il n’était nullement question d’exiger quoi que ce soit de celui-ci. L’objectif de cette lettre était plutôt de sensibiliser M. McCartney à la protection de la diversité culturelle et à l’insécurité linguistique, en lui faisant part d’un rêve qui consisterait à ce qu’il chante avec M. Vigneault.
M. Archambault insiste sur le fait qu’il ne s’agissait nullement d’une pétition, mais d’une lettre ouverte intitulée « Mot de bienvenue […] » et adressée à Paul McCartney. Cette lettre ouverte, endossée par de nombreux citoyens, a été déposée sur un site Internet réservé aux pétitions afin de pouvoir recevoir l’endossement de la population. De l’avis du plaignant, une pétition exige quelque chose tandis que sa lettre ouverte n’exigeait rien. Elle avait pour unique objectif de souhaiter la bienvenue à Paul McCartney tout en lui exposant la situation vécue au Québec. Il ajoute que le texte de cette lettre spécifiait qu’il ne s’agissait pas d’une pétition.
Le plaignant souhaite que les médias qui ont publié cette affirmation se rétractent. Pour M. Archambault, le journaliste a d’autant moins d’excuses d’avoir commis ces erreurs que la lettre en question a été publiée plus de dix mois avant l’article dont il se plaint. Il termine en expliquant que ces affirmations erronées ont causé un préjudice grave à sa réputation puisqu’elles lui imputent une intention ne correspondant pas au contenu de sa prise de parole.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Jean Roy, vice-président des services de langue française, PC :
M. Roy souhaite rappeler au plaignant que sa lettre ouverte a été publiée sur le site Internet www.lapetition.be, site sur lequel il était possible de cliquer sur le bouton « signer ma pétition ». Il ajoute que Mme Marois a elle-même parlé d’une pétition lorsqu’elle a accordé une entrevue au journaliste, Martin Ouellet, en août 2008, en marge de l’implication de trois de ses députés dans ce débat.
En ce qui a trait au fait que M. Archambault n’aurait jamais exigé que Paul McCartney chante en français, M. Roy explique que l’analyse de la situation politique québécoise et canadienne, incluse dans la lettre ouverte de ce dernier, démontrait néanmoins qu’il n’aurait été satisfait de la présence de l’artiste britannique que s’il s’exécutait en français. C’est cette conclusion qu’auraient tirées plusieurs médias québécois dans leur couverture de l’événement en question.
M. Roy en conclut que la plainte n’est tout simplement pas fondée.
Réplique du plaignant
Selon M. Archambault, la réponse du mis-en-cause est incomplète, erronée et ne tient pas compte des faits et textes concernés. Elle se réfèrerait à une couverture de presse inexacte qui aurait depuis été infirmée.
Le plaignant insiste sur le fait que sa lettre ouverte n’était pas une pétition, puisqu’une pétition revendique quelque chose. Toutefois, le fait de présenter sa lettre ouverte comme une pétition avait un avantage : elle donnait du crédit à l’idée, pourtant fausse, que quelque chose était revendiqué. Il ajoute que le titre de sa lettre ouverte n’a d’ailleurs jamais été repris par les médias. Il explique qu’à l’époque, le site Internet www.lapetition.be, sur lequel il a déposé sa lettre, était le seul capable de proposer un endossement pour une lettre ouverte et non une pétition. Le texte même de la lettre expliquait clairement qu’il ne s’agissait pas d’une pétition.
De son avis, l’erreur concernant la nature de sa lettre a été commise en 2008 et cette erreur aurait été reproduite sans que ne soient faites les vérifications requises. Il souligne que si le journaliste a reproduit un an plus tard l’erreur consistant à qualifier sa lettre ouverte de pétition, c’est parce qu’il n’a pas vérifié ses sources, pas plus qu’il n’a tenté de le rejoindre.
En ce qui a trait à Mme Marois qui s’est prononcée publiquement en 2008 relativement à cette lettre d’opinion, le plaignant estime que ce n’est pas parce que cette dernière a commis une erreur que le journaliste pouvait se voir excusé de la reproduire.
M. Archambault précise qu’aujourd’hui, cette lettre est déposée dans son site Internet, sous la rubrique « Lettre ouverte ». Il ajoute qu’à l’époque, ce site n’existait pas. Le plaignant précise que, la veille du spectacle de Paul McCartney à Québec en 2008, il a publié dans Le Soleil une lettre d’opinion dénonçant la récupération qu’avaient fait les médias de sa lettre ouverte.
Le plaignant conclut que M. Ouellet de La Presse Canadienne était placé devant une évidence quand il a choisi de persister à ignorer la source que constituait sa lettre.
M. Archambault comprend que, dans la précipitation, les journalistes ont pu assimiler sa lettre à un mouvement d’opposition. Il estime néanmoins que les médias n’avaient aucune excuse pouvant justifier qu’ils reproduisent cette erreur un an plus tard. Le simple fait que le journaliste ait confondu Gilles Vigneault avec Félix Leclerc témoigne, selon lui, de la superficialité de ses recherches.
Quant au contenu de sa lettre, M. Archambault insiste sur le fait qu’il ne tentait pas d’exiger quoi que ce soit de M. McCartney et qu’il s’adressait à lui d’artiste à artiste en lui faisant part d’un rêve. S’il était question d’interprétation éditoriale et puisque cela n’a nullement été mentionné, le plaignant explique qu’il y a alors eu un cumul des genres.
Analyse
M. Luc Archambault porte plainte contre le journaliste Martin Ouellet concernant un article publié le 15 juin 2009, dans le Journal de Québec ainsi que sur le portail Canoë. Cet article comporterait plusieurs erreurs relatives au message qui était véritablement le sien et qu’il avait exprimé, un an auparavant, dans une lettre d’opinion rédigée à l’occasion du concert de Paul McCartney présenté à Québec.
Les griefs du plaignant portent plus particulièrement sur un paragraphe de l’article qui se lit comme suit : « Il y a un an, le député Curzi avait été passablement varlopé pour s’être associé à une pétition exigeant que le chanteur britannique Paul McCartney entonne des chansons de Félix Leclerc – en français bien sûr – sur les Plaines d’Abraham. Depuis ce temps, il manŒuvre avec prudence dans le dossier linguistique. »
Grief 1 : informations inexactes et exagération
Dans un premier temps, M. Archambault reproche au journaliste d’avoir injustement utilisé le terme « pétition » pour qualifier la lettre ouverte dont il est l’auteur. Il laisse entendre que cette erreur résulte de l’absence de vérification faite par le journaliste. Le mis-en-cause répliquait, quant à lui, que la lettre ouverte du plaignant pouvait être qualifiée de « pétition » puisqu’elle a originellement été publiée sur le site Internet www.lapetition.be.
Or, le Conseil constate que M. Archambault, malgré le nom du site Internet sur lequel il a publié sa position, a toujours pris soin de présenter celle-ci comme une lettre d’opinion. En effet, le titre même de celle-ci comportait la mention « lettre d’opinion ». Par conséquent, le Conseil estime que le choix, par le journaliste, du terme « pétition » se révèle une inexactitude. Compte tenu cependant de son caractère mineur, cet aspect du grief n’est pas retenu.
Deuxièmement, M. Archambault reproche au journaliste d’avoir fait référence à Félix Leclerc en mentionnant que c’était avec lui qu’il aurait aimé voir chanter Paul McCartney lors de sa venue à Québec, bien qu’il ait en réalité fait référence à Gilles Vigneault dans sa lettre.
Après analyse, le Conseil constate que le plaignant fait effectivement référence à Gilles Vigneault et non à Félix Leclerc quand il parle de son rêve de voir chanter les deux artistes ensemble. Le journaliste a ainsi commis une erreur. Or, on constate que le rêve du plaignant consistait à ce que M. McCartney chante en français avec un artiste québécois connu également pour son implication à défendre la langue française. Compte tenu de l’implication de ces deux artistes en ce sens, le Conseil est disposé à penser que les noms, des deux artistes, pouvaient être interchangés sans que ne soit fondamentalement trahi le sens des propos de M. Archambault. La faute commise n’étant pas significative, cet aspect du grief n’est pas retenu.
Enfin, le plaignant déplore que le journaliste ait rapporté qu’il exigeait quelque chose de Paul McCartney, puisque son unique but aurait été de sensibiliser ce dernier à la protection de la diversité culturelle au Québec. Le mis-en-cause répondait, quant à lui, que la lettre de M. Archambault donnait l’impression qu’il ne serait satisfait de la présence de l’artiste britannique que s’il s’exécutait en français.
Le Conseil estime que le journaliste a publié une information qui n’est pas totalement exacte mais que, dans le cas présent, cette inexactitude est mineure puisque la différence entre une invitation bien appuyée et une exigence est peu significative dans le contexte de cette polémique. Cet aspect du grief est rejeté.
Grief 2 : atteinte à la réputation
Le plaignant estime que sa réputation a subi un grave préjudice à la suite de la publication de l’article du mis-en-cause et ce, en raison des erreurs qu’il comportait.
Or, le Conseil rappelle qu’il n’a pas compétence pour traiter du motif d’atteinte à la réputation qui relève exclusivement de la juridiction des tribunaux civils. Par conséquent, il ne traitera pas de ce grief.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Luc Archambault à l’endroit du journaliste M. Martin Ouellet et de La Presse Canadienne et ce, considérant la portée mineure des fautes déontologiques commises par le journaliste.
Toutefois, il adresse au journaliste ainsi qu’au Journal de Québec et au portail Canoë, sur lesquels a été publié l’article, un commentaire éthique à l’effet qu’il est attendu des professionnels de l’information qu’ils démontrent une rigueur exemplaire quand il s’agit de rapporter une nouvelle. Ils doivent de ce fait veiller à ne véhiculer aucune inexactitude ainsi qu’à ne pas exagérer la portée d’une information.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C17D Discréditer/ridiculiser
Date de l’appel
21 May 2010
Appelant
M. Luc Archambault
Décision en appel
Les membres de la commission en sont venus unanimement à la conclusion qu’il convenait d’infirmer la décision rendue en première instance par son comité des plaintes et de l’éthique de l’information.
La commission d’appel juge que, puisque les mis-en-cause ont publié des informations inexactes et exagérées, le comité des plaintes et de l’éthique de l’information aurait dû retenir la plainte.