Plaignant
M. Alain Déry
Mis en cause
M. Michel Hébert, journaliste; M. Donald Charrette, directeur de l’information et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Alain Déry porte plainte contre le journaliste Michel Hébert, du quotidien Le Journal de Québec, pour avoir publié des propos exagérés relatant des abus dans les dépenses de la fonction publique, pour manque d’équilibre et pour sensationnalisme, dans une série d’articles parus dans l’édition du 26 novembre 2009 et intitulés : « L’état paie aussi les beignes et le café », « Factures gargantuesques – Comme des rois » et « C’est partout pareil, malgré la crise économique ».
Griefs du plaignant
M. Alain Déry déplore que le journaliste Michel Hébert ait publié, dans des articles intitulés « L’état paie aussi les beignes et le café », « Factures gargantuesques – Comme des rois » et « C’est partout pareil, malgré la crise économique », du 26 novembre 2009, des propos exagérés relatant des abus dans la fonction publique. De plus, il dénonce un manque d’équilibre et du sensationnalisme.
Tout d’abord, dans l’article intitulé : « Fonctionnaires : C’est partout pareil, malgré la crise économique », le plaignant reproche au journaliste de s’être servi d’une série de factures pour arriver à la conclusion que tous les fonctionnaires se font rembourser brioches et café le matin, ce qu’il nie.
De plus, il ajoute que le journaliste use de sensationnalisme dans l’intitulé de l’article : « Factures gargantuesques – Comme des rois ». M. Déry affirme qu’il travaille à la Régie des rentes du Québec, depuis deux ans, et que son employeur ne lui a jamais remboursé de factures.
Dans l’article intitulé : « L’état paie aussi les beignes », la source du journaliste déclare : « C’est pour les réunions de gestionnaires ». Donc, selon le plaignant, le journaliste aurait dû faire la part des choses et préciser qui faisait les demandes de remboursement, au lieu de faire une généralisation à l’ensemble des fonctionnaires. Car, selon lui, il ne faut pas confondre fonctionnaires et gestionnaires.
Par ailleurs, M. Déry souligne que le journaliste s’en prend au groupe des fonctionnaires de façon biaisée pour les discréditer et qu’une analyse plus objective et exhaustive des factures aurait peut-être permis de voir que ce ne sont pas tous les fonctionnaires qui mènent « une vie de Roi ».
Enfin, le plaignant estime que l’emploi de propos tels que : « à la régie des Rentes, les cours de formation sont incessants et remboursés, comme la brioche et le café du matin », discrédite les agents de la fonction publique.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, affaires juridiques :
Le représentant des mis-en-cause mentionne que ces articles ont été publiés après obtention de l’information grâce à la Loi sur l’accès à l’information.
Me Pageau indique que le journaliste a vérifié les dépenses et relevé les éléments les plus pertinents dans ces documents. De plus, il précise que pour compléter sa recherche, M. Hébert a contacté M. Herman Huot, un porte-parole de la Régie des rentes du Québec, pour obtenir des explications sur certaines dépenses.
Enfin, selon le représentant des mis-en-cause, il serait faux de prétendre que les articles auraient laissé entendre que tous les fonctionnaires se faisaient rembourser les beignes et le café.
Réplique du plaignant
Selon M. Déry, Me Pageau prétend que les articles du Journal de Québec n’auraient jamais laissé entendre que tous les fonctionnaires se font rembourser les beignes et le café. Le plaignant précise qu’il n’a vu aucune indication contraire dans les articles et que le journaliste parle des fonctionnaires en général.
M. Déry cite des extraits des articles dénoncés pour démontrer que les fonctionnaires sont associés à des dépenses faramineuses. Le plaignant ne nie pas le fait qu’il existerait des dépenses inutiles au sein de l’appareil gouvernemental, mais estime que de prétendre que tous les fonctionnaires en profitent est exagéré.
M. Déry questionne l’espace donné au porte-parole de la Régie des rentes du Québec, en soulignant qu’en tout et pour tout, son intervention se résume à quelques lignes, dont trois expliquant un remboursement de 1.52 $. Il termine en soulignant que ce genre d’articles tendancieux ne peut qu’amener à une mauvaise perception de la population envers les fonctionnaires.
Analyse
M. Alain Déry porte plainte contre le journaliste Michel Hébert, du quotidien Le Journal de Québec, pour avoir publié des propos exagérés relatant des abus dans les dépenses de la fonction publique, pour manque d’équilibre et pour sensationnalisme, dans une série d’articles parus dans l’édition du 26 novembre 2009 et intitulés : « L’état paie aussi les beignes et le café », « Factures gargantuesques – Comme des rois » et « C’est partout pareil, malgré la crise économique ».
Grief 1 : manque d’équilibre et généralisation
M. Alain Déry déplore que, dans une série d’articles parus le 26 novembre 2009, Michel Hébert se soit servi d’une série de factures pour arriver à la conclusion que tous les fonctionnaires se font rembourser les beignes et le café. De plus, le plaignant estime que le journaliste a fait preuve d’un manque d’équilibre et de manque de mise en perspective. Bien qu’il ne nie pas l’existence de dépenses abusives, le plaignant estime que ce genre d’articles tendancieux cause du tort à l’ensemble des fonctionnaires.
Le plaignant affirme que, depuis deux ans, il travaille à la Régie des rentes du Québec et que son employeur ne lui a jamais remboursé de factures. Il ajoute que le journaliste aurait dû distinguer, dans ses propos, les gestionnaires du reste des fonctionnaires pour fournir une analyse plus objective qui ne les discréditerait pas.
Quant au représentant du mis-en-cause, Me Pageau, il indique que le journaliste a entrepris une collecte d’informations, d’après des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information et qu’il a effectué des vérifications auprès d’un porte-parole de la Régie des rentes du Québec, M. Herman Huot. De plus, Me Pageau mentionne qu’il serait faux de prétendre que les articles concernaient tous les fonctionnaires.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) du Conseil de presse stipule que : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » DERP, p. 26
à l’exception de brefs commentaires généraux et marginaux de deux porte-paroles de la Régie des rentes du Québec, le journaliste ne présente pas une version significative sur la controverse soulevée dans les articles. Selon le Conseil, devant des affirmations aussi sérieuses, le journaliste se devait de fournir les efforts nécessaires pour obtenir et présenter l’explication des personnes et groupes visés.
De plus, le Conseil constate que les informations ont été publiées sans une mise en perspective suffisante pour bien comprendre l’ampleur du phénomène observé et pour bien saisir la participation respective des différents groupes de travailleurs de la fonction publique. Sans ces informations, le risque de déformation de la réalité et de généralisation devenait excessif. Le grief pour manque d’équilibre et pour généralisation est donc retenu.
Grief 2 : titre sensationnaliste
Le plaignant déplore le fait que le journaliste use de sensationnalisme dans le titre suivant : « Factures gargantuesques – Comme des rois ». Selon lui, M. Hébert laisserait sous-entendre que les fonctionnaires vivent comme des rois.
En regard de l’intégrité dans la présentation de l’information, le guide DERP du Conseil énonce que : « Les manchettes et les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. » DERP, p. 30
Après lecture du texte correspondant, le Conseil remarque que le titre est fidèle au contenu de l’article. Le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Alain Déry contre le journaliste M. Michel Hébert et le quotidien Le Journal de Québec pour manque d’équilibre et généralisation. Le Conseil rappelle l’obligation des médias de bien mettre en perspective les informations factuelles recueillies pour permettre au public de saisir la portée et le sens réel de ce qui lui est présenté.
Le grief pour titre sensationnaliste est rejeté.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C18B Généralisation/insistance indue