Plaignant
M. Martin Bourassa, rédacteur en chef et l’hebdomadaire Le Courrier de Saint-Hyacinthe
Mis en cause
Mme Annie Tardif, journaliste, M. Éric Latour, chef de l’information et la station de radio Boom-FM 106.5
Résumé de la plainte
M. Bourassa porte plainte contre la station de radio Boom-FM 106.5 pour avoir, vendredi le 29 janvier 2010, annoncé à tort que le Courrier de Saint-Hyacinthe allait être vendu au Groupe Transcontinental. Cette information a ensuite été rapportée sur le site Internet de la station.
Griefs du plaignant
M. Bourassa déplore, en premier lieu, que la station Boom-FM 106.5 ait diffusé une information inexacte, en affirmant que « Le Courrier de Saint-Hyacinthe serait vendu au groupe Transcontinental » et ce, bien que Transcontinental ait refusé de commenter cette nouvelle et malgré le fait que le propriétaire du journal ait nié l’information. Pour le plaignant, l’emploi du conditionnel par la journaliste ne venait nullement disculper celle-ci.
Le plaignant regrette que la station de radio ait donné plus de poids à des sources anonymes qu’aux commentaires officiels des deux parties impliquées. Bien qu’on ait pu entendre en ondes et lire sur Internet qu’il s’agissait de sources fiables, leur identité n’a pas été révélée, et ce, alors que les deux parties ont réfuté l’information les concernant.
M. Bourassa ajoute que, lorsque la journaliste Annie Tardif a rejoint l’éditeur et président du Courrier de Saint-Hyacinthe pour lui demander de commenter la nouvelle, elle ne lui a pas précisé qu’il allait être enregistré. Seul un extrait de cette conversation a été utilisé par la journaliste et était, selon le plaignant, sorti de son contexte.
La station de radio ainsi qu’Astral Media ont été mis en demeure de corriger leur erreur. Le plaignant explique que, bien que ces derniers aient cessé de diffuser la nouvelle et l’aient supprimée de leur site Internet, ils ont toutefois laissé circuler une seconde nouvelle dans laquelle il est mentionné que l’information a « été confirmée par des sources dignes de mention » bien que les deux parties nient ce qu’ils considèrent être une rumeur. Le plaignant estime donc que la rectification n’était pas satisfaisante.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Éric Latour, chef de l’information pour Astral Media Radio inc. :
Selon le mis-en-cause, la plainte de M. Bourassa n’est fondée que sur un seul reproche : le fait que la station de radio Boom-FM 106.5 a donné plus d’importance et de poids à des sources anonymes qu’à des commentaires officiels émanant des deux parties impliquées. M. Latour répond qu’il va de soi qu’une nouvelle peut être diffusée même si les deux parties impliquées la nient. à son avis, le contraire affecterait grandement la liberté d’expression.
M. Latour explique que la nouvelle mise en cause a été diffusée à deux reprises sur les ondes de Boom-FM 106.5, le vendredi 29 janvier 2010, en plus d’avoir été inscrite sur le site Internet de la station. Il ajoute que la nouvelle en question était basée sur deux sources fiables qui ont requis l’anonymat. Avant diffusion, la fiabilité des sources d’information a été vérifiée par l’équipe. Il ajoute que les sources en question n’ont confié aux journalistes cette information qu’à la condition que leur identité soit protégée.
Pour vérifier l’information qui en émanait, les parties impliquées ont été contactées. Lors d’un premier contact, Transcontinental a refusé de commenter la nouvelle. Après que celle-ci ait été diffusée pour la première fois, Transcontinental a finalement nié ce qu’il considérait comme une rumeur.
En ce qui a trait au terme « rumeur » utilisé par le plaignant, M. Latour précise qu’il s’agit du terme employé par Transcontinental au moment de nier la nouvelle. à son avis, l’information en question n’était pas une rumeur puisqu’elle provenait de sources fiables.
Le mis-en-cause conclut qu’aucune règle de déontologie n’a été enfreinte.
Réplique du plaignant
Selon M. Bourassa, le mis-en-cause a injustement ramené tous les griefs qu’il soulevait à une question d’utilisation de sources anonymes, et ce, bien que la journaliste ait commis, à son avis, plusieurs autres fautes.
Pour le plaignant, l’information qui a été diffusée concernant Le Courrier de Saint-Hyacinthe ne pouvait être qualifiée de nouvelle. La preuve en est que l’hebdomadaire n’a pas changé de propriétaire malgré l’annonce faite sur Boom-FM 106.5.
Analyse
M. Bourassa porte plainte contre la station de radio Boom-FM 106.5 pour avoir, le vendredi 29 janvier 2010, annoncé à tort que Le Courrier de Saint-Hyacinthe allait être vendu au Groupe Transcontinental. Cette information a ensuite été rapportée sur le site Internet de la station.
Grief 1 : utilisation de sources anonymes et absence de vérification de l’information
Le plaignant déplore qu’il ait été affirmé en ondes, sur la base de sources anonymes, que « Le Courrier de Saint-Hyacinthe serait vendu au groupe Transcontinental » alors que Transcontinental a réfuté cette nouvelle et que le propriétaire de l’hebdomadaire l’a niée. Le mis-en-cause répond qu’il va de soi qu’une nouvelle peut être diffusée même si les deux parties impliquées la nient. à son avis, le contraire affecterait la liberté d’expression. Il ajoute que la nouvelle en question était basée sur deux sources fiables qui ont requis l’anonymat et que la fiabilité des sources en question a été vérifiée par la journaliste et par lui-même.
D’après le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) du Conseil de presse, « [Les professionnels de l’information] doivent […] prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. L’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle. » DERP, p. 32
Le Conseil considère, en premier lieu, que l’information selon laquelle Le Courrier de Saint-Hyacinthe serait vendu au Groupe Transcontinental était d’intérêt public; toute question reliée à la propriété des médias étant, en soi, un sujet d’intérêt public. Par conséquent, l’utilisation de sources anonymes pouvait, dans le cas présent, se justifier puisqu’il n’était pas possible de rendre publique cette information d’une autre manière.
Le Conseil remarque que la journaliste Annie Tardif a procédé aux démarches nécessaires à la vérification de la nouvelle en contactant Transcontinental ainsi que Le Courrier de Saint-Hyacinthe. Ces derniers ont respectivement refusé de commenter et nié la nouvelle, ce que la mise en cause a rapporté en ondes.
L’exactitude de la nouvelle reposait donc uniquement sur la crédibilité des sources anonymes à l’origine de celle-ci. Par ailleurs, les mis-en-cause affirment, dans leurs commentaires, s’être assurés de la crédibilité de celles-ci, ce que le Conseil ne remet pas en cause. Il considère, par conséquent, que la journaliste n’a pas commis de faute professionnelle, au terme de sa collecte d’information, en considérant que l’information dont elle disposait était exacte et en prenant, par ailleurs, la précaution de diffuser celle-ci en employant le conditionnel. Le grief est donc rejeté.
Grief 2 : diffuser les propos de quelqu’un sans avoir obtenu son autorisation au moment de les enregistrer
M. Bourassa regrette que, lorsque la journaliste Annie Tardif a rejoint l’éditeur du Courrier de Saint-Hyacinthe pour lui demander de commenter la nouvelle, elle ne lui ait pas précisé qu’il allait être enregistré. Le mis-en-cause n’oppose aucun commentaire sur cet aspect de la plainte.
Sur ce point, le DERP précise que la déontologie exige que « les journalistes s’identifient clairement lorsqu’ils recueillent des informations auprès du public. […] Les journalistes doivent également s’interdire de recourir aux techniques qui relèvent de l’abus de confiance (par exemple enregistrer une conversation à l’insu d’une personne ou ne pas informer un interlocuteur que ses propos sont diffusés en ondes) […] ». (DERP, p. 35) Ce raisonnement repose sur le double principe que le journalisme s’exerce à visage découvert et que les médias doivent respecter la confiance de leurs sources.
Le Conseil présume que la journaliste a pris soin de se présenter comme telle à l’éditeur de l’hebdomadaire lorsqu’elle l’a rejoint par téléphone. Elle a toutefois omis de lui mentionner que leur conversation allait être enregistrée pour diffusion. Or, dans un contexte où l’intérêt public ne justifiait aucunement que la voix de l’éditeur du Courrier Saint-Hyacinthe soit enregistrée à son insu, la déontologie exigeait que la journaliste obtienne l’autorisation de ce dernier si elle désirait diffuser un extrait de leur conversation en ondes. Par conséquent, le grief est retenu.
Grief 3 : rectification insatisfaisante
Le plaignant explique qu’après avoir accepté la demande du plaignant de procéder à des corrections, Boom-FM 106.5 a laissé circuler une seconde nouvelle dans laquelle il est mentionné que l’information a été confirmée par des sources dignes de mention, bien que les deux parties nient ce qu’ils considèrent être une rumeur. M. Bourassa en conclut que la rectification effectuée par la partie en cause n’était pas satisfaisante, ce à quoi le mis-en-cause n’oppose aucun commentaire.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse précise qu’« Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. » DERP, p. 46
Considérant que la partie mise en cause n’a commis aucune entorse à la déontologie en diffusant une nouvelle concernant la vente présumée du Courrier de Saint-Hyacinthe à Transcontinental, le Conseil estime que la station Boom-FM 106.5 n’avait aucune obligation de procéder à des corrections. Par conséquent, le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Martin Bourassa contre la journaliste, Mme Annie Tardif et la station de radio Boom-FM 106.5 sur la base du grief pour diffusion des propos de l’éditeur du Courrier de Saint-Hyacinthe, alors que la journaliste n’avait pas obtenu son autorisation au moment d’enregistrer leur conversation. Il rejette, par ailleurs, les griefs pour utilisation de sources anonymes, manque de vérification et rectification insatisfaisante.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C15C Information non établie
- C19B Rectification insatisfaisante
- C23E Enregistrement clandestin