Plaignant
M. Joe Borsellino, président et Construction Garnier Ltée
Mis en cause
M. Yves Poirier, journaliste; l’émission « TVA 18 heures » et le Groupe TVA, le site Internet de LCN et l’Agence QMI
Résumé de la plainte
M. Joe Borsellino, par l’entremise de son avocat, Me Consolato Gattuso, porte plainte contre le journaliste, M. Yves Poirier, relativement à un reportage diffusé le 17 août 2010, sur les ondes de TVA et sur le site Internet LCN, repris le 18 août par le Journal de Montréal.
Le réseau TVA, le site Internet LCN et l’Agence QMI ont refusé de répondre à la plainte.
Griefs du plaignant
Le plaignant soutient que le journaliste l’a faussement accusé d’avoir offert des billets pour un match de boxe à M. Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ Construction, ainsi qu’à trois membres de la même organisation. Le plaignant reproche au journaliste ses sources anonymes, non fiables et conclut que ces affirmations ont porté atteinte à sa réputation. Il exige rétractation et des excuses.
À la suite du reportage, M. Borsellino et Construction Garnier Ltée ont publié un communiqué de presse pour nier les faits diffusés par le réseau TVA, le Journal de Montréal et l’Agence QMI. De plus, Me Gattuso, avocat du plaignant, a fait parvenir une mise en demeure au groupe Quebecor les sommant de s’excuser et de rétablir les faits.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
M. Borsellino reproche aux mis en cause d’avoir affirmé qu’il aurait offert à MM. Jocelyn Dupuis, Pierre Morin, Reynald Grondin et Robert Paul, tous de la FTQ Construction, des billets pour un match de boxe, le 14 août dernier. Le plaignant nie catégoriquement cette information et la qualifie de « totale et [d’] incontestable fausseté ».
Dans la réponse de Quebecor Media à la mise en demeure émise par Me Gattuso, la conseillère juridique, Me Véronique Dubois, rappelle que le journaliste Yves Poirier, afin de présenter un reportage équilibré respectant les règles de l’art, a sollicité des entrevues auprès de MM. Borsellino et Yves Ouellet, le nouveau directeur de la FTQ Construction, sans succès. Personne n’est venu réfuter les informations en ondes.
Le plaignant rétorque à cet argument qu’il était en droit de refuser de faire des commentaires et que « c’est faire un procès sans fondement que de prétendre que son silence ait pu équivaloir à une confirmation quant aux faits qui lui étaient présentés ».
Le journaliste, M. Poirier, a aussi contacté les trois membres de la FTQ Construction présents au match de boxe pour obtenir leur version des faits. Selon Me Dubois, qui représente Quebecor, « l’un d’eux a confirmé s’être fait offrir des billets pour le match sans nier que ceux-ci provenaient de M. Borsellino ». Notons que cette information n’a pas été diffusée dans le reportage de M. Poirier.
Après la diffusion du reportage impliquant M. Borsellino et après la publication du communiqué de presse de M. Borsellino niant les faits, le journaliste M. Poirier déclare s’être fait confirmer par une source extérieure que l’un des trois membres de la FTQ Construction aurait dit publiquement se trouver « dans les sièges de Borsellino ».
Le plaignant, de son côté, dit avoir fait des « vérifications approfondies » et nie catégoriquement qu’une des trois personnes, soit MM. Morin, Grondin ou Paul, ait fait ce genre de déclaration.
Au terme de son analyse, le Conseil considère que malgré le fait que le journaliste ait communiqué avec plusieurs personnes impliquées pour tenter de se faire confirmer les faits qu’il avance, jamais il ne peut affirmer s’être fait certifier par les protagonistes ou par une personne extérieure, que les billets de boxe provenaient ou avaient été offerts par M. Borsellino à des gens de la FTQ Construction. Le journaliste arrive plutôt à cette conclusion par déduction, soit à cause du silence des uns sur le sujet ou encore par une déclaration d’une tierce personne ayant entendu un des protagonistes déclarer « qu’ils se trouvaient dans les sièges de Borsellino », ce qui ne signifie pas nécessairement que M. Borsellino ait lui-même offert les billets.
Ainsi, le Conseil estime que le journaliste et le diffuseur auraient dû s’assurer d’une preuve plus solide avant de mettre le reportage en ondes étant donné les doutes que laisse planer une telle affirmation. Le grief pour information inexacte est donc retenu.
Grief 2 : dévoilement et anonymat des sources
Le plaignant déplore que le journaliste ait omis d’identifier ses sources en ne faisant que de vagues références comme « ce que TVA a appris » ou encore « nos informations… » De plus, dans le cas de sources anonymes, M. Borsellino estime que le journaliste aurait dû mentionner le fait que cette source souhaitait rester anonyme ou confidentielle.
Le Conseil rappelle que « Les médias et les journalistes doivent respecter la confiance de leurs sources d’information lorsque celles-ci leur transmettent des renseignements […] Les médias et les professionnels de l’information qui se sont engagés explicitement à respecter le caractère confidentiel de leurs sources doivent en protéger l’anonymat. » (DERP, p. 32) Il va de soi que le journaliste est tout à fait dans son droit de refuser de dévoiler ses sources.
Par ailleurs, le Conseil est d’avis que le mis en cause aurait dû mentionner dans son reportage que ses sources souhaitaient garder l’anonymat. Le code de déontologie, à cet effet, est clair : « Dans les cas où le recours à des sources anonymes ou confidentielles se révèle nécessaire, par exemple lorsque des informations d’intérêt public importantes ne pourraient être obtenues autrement ou lorsqu’une source pourrait faire l’objet de représailles, les médias et les journalistes sont tenus de le mentionner au public. » (DERP, p. 32) Le Conseil retient donc le grief pour non-explication de l’anonymat des sources.
Grief 3 : partialité
M. Borsellino s’offusque de ce que le journaliste, M. Poirier, ait fait appel à un spécialiste de l’Institut québécois d’éthique, M. René Villemure, pour commenter le geste de M. Borsellino. M. Villemure commente : « Ça pose la question suivante : est-ce que les dirigeants de la FTQ sont redevables envers l’entrepreneur en question ou s’ils sont redevables envers leurs membres? Et là, là-dessus, il y a lieu de s’inquiéter. » Le plaignant y voit là des insinuations et des accusations voilées démontrant une partialité du journaliste et une conduite discutable au plan éthique.
Le Conseil considère que le journaliste est allé chercher l’avis d’un spécialiste qui a émis une opinion, comme les médias le font régulièrement dans ce type de reportage, afin d’élargir la discussion. D’ailleurs, M. Villeneuve y va davantage sur le mode questionnement que sur des jugements. Dans son code de déontologie, le Conseil explique : « Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de rechercher et de collecter les informations sur les faits et les événements, sans entraves. » (DERP, p. 9) « La presse […] ne devrait pas se limiter à la seule publication ou diffusion de l’information de source officielle, mais au contraire, chercher à aller au-delà de celle-ci pour refléter la réalité de façon complète et exacte. » (DERP, p. 23) Ainsi, le Conseil ne retient pas le grief pour partialité.
Grief 4 : refus de rectifier l’information
Dans un communiqué de presse publié le lendemain de la diffusion du reportage, considérant qu’il fallait rectifier les faits, le plaignant a demandé au journaliste, au réseau TVA, au Journal de Montréal et à l’Agence QMI de s’excuser publiquement; cette demande a été refusée par Quebecor Media. Par la suite, dans la mise en demeure que M. Borsellino et son avocat ont fait parvenir aux mis en cause, ils ont « donné à Quebecor Media une deuxième opportunité pour se rétracter », demande qui est demeurée sans réponse.
Comme le Conseil en est venu à la conclusion que le grief pour information inexacte était fondé, il s’en suit qu’une rectification des faits aurait dû être présentée en ondes et sur le site Internet du réseau Quebecor. Dans son code, le Conseil est précis : « Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques […] Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs […] et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses. » (DERP, p. 46)
Ainsi, le grief pour refus de rectifier l’information est retenu.
Grief 5 : atteinte à la réputation
Le plaignant estime que le journaliste a porté atteinte à sa réputation en affirmant, dans le reportage, qu’il avait offert des billets pour un match de boxe à M. Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ Construction, ainsi qu’à trois membres de la même organisation.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation, la diffamation et le libelle ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décision en la matière, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Refus de collaboration
Le réseau TVA, le site Internet LCN et l’Agence QMI n’ont pas souhaité répondre à la plainte de M. Borsellino et Construction Garnier en raison de leur retrait du Conseil de presse depuis juin 2010.
Le Conseil reproche au réseau TVA, au site Internet LCN et à l’Agence QMI leur manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Joe Borsellino à l’encontre du journaliste, M. Yves Poirier, du réseau TVA, du site Internet LCN et de l’Agence QMI pour inexactitude de l’information, non-explication de l’anonymat des sources et pour refus de rectifier l’information, mais rejette le grief concernant la partialité.
De plus pour leur manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le réseau TVA, le site Internet LCN et l’Agence QMI.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11B Information inexacte
- C17H Procès par les médias
- C19A Absence/refus de rectification