Plaignant
M. Pierre-Alain Cotnoir
Mis en cause
M. Joël Le Bigot, animateur; Mme Claudette Desjardins, réalisatrice; M. James Selfe, directeur des communications et l’émission « Samedi et rien d’autre » et la Première Chaîne de Radio-Canada
Résumé de la plainte
M. Pierre-Alain Cotnoir porte plainte contre M. Joël Le Bigot, animateur de l’émission « Samedi et rien d’autre » à la radio de Radio-Canada, pour information inexacte, manque d’objectivité et partialité lors de l’entrevue avec un commerçant de l’avenue Mont-Royal, diffusée le 27 novembre dernier. M. Cotnoir ajoute que le mis en cause a tenu des propos diffamatoires envers le maire de l’arrondissement, M. Luc Ferrandez.
Analyse
Grief 1 : inexactitude de l’information
Le plaignant s’offusque de ce que l’entrevue de M. Le Bigot avec M. Claude Patenaude, propriétaire du restaurant Ty Coq de la rue Mont-Royal, véhiculait des faussetés criantes. Selon M. Cotnoir, « il est faux de prétendre que la politique de stationnement obligerait les résidents à imposer à leurs visiteurs un déboursé pour le stationnement pouvant aller jusqu’à 6 $ ». Il est également faux de dire « qu’il n’y a pas eu de consultation de la population environnante, ni des commerçants » avant l’adoption de la politique sur le stationnement. Enfin, M. Cotnoir considère que l’affirmation, selon laquelle il n’y a pas de déneigement sur le Plateau les fins de semaine, est fausse et dénuée de fondement.
Après avoir consulté la nouvelle politique de stationnement dans l’arrondissement Plateau-Mont-Royal, le Conseil constate que l’invité de M. Le Bigot, M. Patenaude, est juste quand il affirme que les parcomètres passeront de 2 $ à 3 $/h et qu’on augmentera de 600 le nombre de parcomètres. Il introduit cependant une erreur lorsqu’il affirme que la parenté devra payer 6 $ pour venir stationner dans le quartier : pour les parents ou amis des résidents, le tarif ne serait que de 1 $/jour. M. Patenaude a confondu avec une autre catégorie de visiteurs.
En ce qui concerne la consultation des marchands sur la politique de stationnement, le Conseil a observé qu’il était inexact d’affirmer, comme le fait M. Patenaude, qu’il n’y a eu aucune consultation auprès des marchands sur le sujet. Il y aurait eu une consultation auprès des représentants des marchands sur plusieurs points de la politique de stationnement.
Enfin, pour ce qui est de la politique de déneigement, on peut parler d’imprécision, car sur la Plateau, le maire Ferrandez a décidé de ne déneiger que les trottoirs les fins de semaine, au lendemain d’une tempête. Donc quand M. Le Bigot pose la question : « Est-ce vrai qu’y déneige toujours pas l’hiver la fin de semaine? » et que M. Patenaude répond oui, il a raison en ce qui concerne la rue.
Le Conseil conclut que plusieurs informations inexactes se sont introduites durant l’entrevue contestée. Le grief pour informations inexactes est donc retenu.
Grief 2 : manque d’équilibre
M. Cotnoir dénonce le fait qu’il n’y avait pas d’équilibre dans les points de vue exposés dans l’émission et que l’animateur amplifiait même les propos de son invité.
Dans sa réponse au plaignant, Mme Danielle Leblanc, chef de contenu de la Première Chaîne de Radio-Canada, conçoit que M. Patenaude n’a pas ménagé ses mots envers l’administration de l’arrondissement du Plateau. Par ailleurs, elle croit que, par ses questions, l’animateur Joël Le Bigot a obligé le commerçant à s’expliquer. « Les hommes politiques sont des personnages publics et leurs commettants peuvent les critiquer. Il ne nous appartient pas d’empêcher un invité de s’exprimer. La neutralité ne signifie pas qu’il faille exclure des points de vue différents sur une question. L’équilibre des opinions sur un sujet est atteint dans l’ensemble de notre programmation. »
Le guide de déontologie en vigueur prévoit que « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (DERP, p. 26) Cet équilibre dans le traitement de l’information ne doit pas s’évaluer « seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission, pas plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne. Ils doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public ». (DERP, p. 22)
Pour déterminer si le dossier du stationnement du Plateau-Mont-Royal a reçu un traitement équilibré, le Conseil doit analyser l’émission contestée, d’autres éditions de la même émission ainsi que la programmation du diffuseur sur la même période.
Le Conseil constate que l’entrevue de M. Le Bigot avec le marchand de la rue Mont-Royal ne présentait qu’un seul point de vue sur la question du stationnement sur le Plateau. Les interventions de l’animateur non seulement ne soumettaient aucune contrepartie à l’invité, mais renforçaient ou même amplifiaient la thèse défendue par M. Patenaude.
L’examen réalisé par l’ombudsman de Radio-Canada souligne que « Dans les semaines qui ont précédé ou qui ont suivi cet épisode, je n’ai pas repéré d’entrevues à « Samedi et rien d’autre » qui présentaient une autre opinion sur la politique de stationnement sur le Plateau. »
Toujours selon les observations de l’ombudsman de Radio-Canada qui a un accès direct aux émissions de la société d’état, la programmation radiophonique dans son ensemble avait présenté un traitement équilibré du sujet jusqu’à la diffusion de l’émission contestée. Joël Le Bigot a expliqué en ondes qu’il a invité Claude Patenaude, car « M. Ferrandez [est] invité dans les informations pour s’expliquer sans arrêt, mais on entend peu les commerçants qui eux sont furieux ». Vérification faite, l’information radio a bien couvert la révolte des marchands. L’émission d’actualité « Désautels » a reçu en entrevue à cinq jours d’intervalle Michel Depatie, le directeur de la Société de développement commercial de l’avenue Mont-Royal (qui représente les commerçants), et le maire d’arrondissement Luc Ferrandez. » (voir la décision de l’ombudsman de la SRC)
Puisque le sujet de la politique de stationnement du Plateau-Mont-Royal constituait un enjeu important pour les parties impliquées et puisqu’il a soulevé une controverse certaine, l’équilibre du traitement devait être réalisé sur une courte période. Le Conseil considère que par son intervention, M. Le Bigot est venu rompre l’équilibre atteint en n’exposant pas d’autre point de vue que celui de son invité. Il aurait pu simplement soumettre lui-même les principaux arguments défendus par la partie adverse ou inviter une autre personne pour les présenter. Pour toutes ces raisons, le Conseil retient le grief pour déséquilibre de l’information.
Grief 3 : partialité et propos offensants
M. Cotnoir se plaint de ce que M. Le Bigot a fait preuve de « partialité » et ait affiché « un parti pris grotesque » en disant que M. Ferrandez était un homme arrogant et en affirmant que « si vous vivez là (Le Plateau), vous vous faites attraper et si vous vous faites attraper c’est des contraventions, c’est plus cher, il n’y a pas de places de stationnement […] ». Le plaignant déplore que l’animateur n’ait pas remis en question les attaques diffamatoires de son invité faites à l’endroit du maire de l’arrondissement le Plateau et en a même rajouté en déclarant : « Peut-être qu’il (le maire Ferrandez) va demander aux gens de Rosemont de monter les stationnements, pis d’empêcher les voitures de passer, pis de crever des pneus, on ne sait jamais. »
Puisqu’il réserve l’analyse des plaintes de diffamation aux tribunaux, le Conseil a analysé le grief de M. Cotnoir relatif aux propos diffamatoires comme un grief relatif à des propos offensants qu’aurait prononcés le mis en cause.
Le Conseil observe que plusieurs animateurs radiophoniques lorsqu’ils pratiquent une activité journalistique optent pour la catégorie « journaliste d’opinion » et désirent exprimer régulièrement leurs points de vue sur les sujets abordés. Ceci constitue un choix légitime en regard des principes déontologiques en vigueur.
Le guide précise, par ailleurs, que « Le journalisme d’opinion accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire. » (DERP, p. 17)
Le Conseil observe que l’animateur, Joël Le Bigot, présente un style très personnel et aime bien prendre position et provoquer ses auditeurs par des remarques souvent irrévérencieuses et caricaturales. Le Conseil considère que dans le cas de l’entrevue contestée, M. Le Bigot n’a pas dépassé les limites que lui accorde le statut de journaliste d’opinion et qu’il pouvait exprimer dans un style personnel son point de vue. Le grief pour partialité et propos offensants est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Pierre-Alain Cotnoir contre l’animateur Joël Le Bigot et la Première Chaîne de Radio-Canada pour information inexacte et manque d’équilibre, mais rejette le grief de partialité et propos offensants.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C13A Partialité
- C17C Injure