Plaignant
Centre Conseil Grossesse de Trois-Rivières et M. Normand Bédard, vice-président
Mis en cause
Mme Gabrielle Duchaine, journaliste; M. Richard Bousquet, coordonnateur général et l’hebdomadaire Rue Frontenac
Résumé de la plainte
Le Centre Conseil Grossesse de Trois-Rivières, représenté par M. Normand Bédard, dépose une plainte à l’encontre de la journaliste, Mme Gabrielle Duchaine, et de l’hebdomadaire Rue Frontenac. M. Bédard reproche à la journaliste des propos biaisés, des inexactitudes et une atteinte à leur réputation, dans le dossier publié dans l’édition du 28 octobre 2010 et sur le site Internet, sous le titre « Avortement – La grande manipulation ».
Analyse
Grief 1 : inexactitudes
M. Normand Bédard dénonce les inexactitudes publiées dans l’article de Mme Duchaine qu’il juge fausses et mensongères. La journaliste souligne que le reportage avait pour but de mettre à jour des techniques frauduleuses utilisées par des groupes qui font semblant d’être neutres pour décourager les femmes de se faire avorter.
1. Selon le plaignant, aucune de leurs conseillères n’a dit que les fœtus étaient « vendus à des pharmaceutiques pour fabriquer du rouge à lèvres ».
La journaliste répond que jamais Rue Frontenac n’a associé au plaignant les propos ci-haut mentionnés. Ils ont été attribués au Centre Conseil Grossesse de Montréal et à sa responsable, Mme Lise Brossard. Le Centre Conseil Grossesse de Montréal n’a pas nié avoir tenu ces propos.
Après vérifications, le Conseil de presse constate que les enregistrements apparaissant dans la section « Le piège », du reportage sur Internet, sont bel et bien attribués au Centre Conseil Grossesse de Montréal. Il n’y a donc pas lieu de parler d’inexactitude.
2. Selon le plaignant, la page « piège » du reportage associe faussement les enregistrements accessibles au bas de cette page à leur organisme, dont le nom est mentionné dans la même page.
La journaliste souligne que l’organisme Options Grossesse de Trois-Rivières n’est nulle part associé aux enregistrements publiés dans la section « Le Piège ». Ces enregistrements sont attribués à Mme Lise Brossard, responsable de Conseil Grossesse Montréal. La journaliste ajoute que les lecteurs ne peuvent confondre le plaignant avec Conseil Grossesse Montréal puisque l’article fait référence à lui sous le nom d’Options Grossesse Trois-Rivières, nom qu’il se donne lui-même, sur son site web et par son adresse Internet. De plus, dans tout le reportage, l’accent est mis sur le fait que le plaignant est établi à Trois-Rivières et chaque fois il y est fait référence pour éviter toute confusion.
Tel que mentionné au point 1, les propos sont attribués au Centre Conseil Grossesse de Montréal, le Conseil n’y voit donc pas d’information inexacte.
3. Selon le plaignant, il est faux de prétendre qu’Options Grossesse Trois-Rivières est sous la tutelle de l’Alliance Ressources Grossesse. Ils sont complètement indépendants de façon administrative et opérationnelle.
Selon la journaliste, elle n’a jamais écrit que le plaignant n’est pas indépendant de façon administrative et opérationnelle, mais ajoute que les informations recueillies sur le site de l’Alliance démontrent qu’à tout le moins, Options Grossesse Trois-Rivières est sous la tutelle, du moins sur le plan idéologique, de l’Alliance. Elle souligne que l’Alliance qui a refusé de lui accorder une entrevue, mentionne sur son site web, qu’elle a comme mandat de réunir les responsables des divers centres, dont Options Grossesse Trois-Rivières, et les soutenir pour obtenir un effet synergétique entre eux, comblant les besoins de la jeune femme enceinte en difficulté.
Voici la phrase telle qu’écrite par la journaliste : « Bon nombre d’entre eux sont sous la tutelle d’un même organisme. L’Alliance Ressources Grossesse […] ». Considérant qu’aucun organisme n’est nommé, le Conseil n’y voit aucune inexactitude.
4. Selon le plaignant, son organisme ne propage pas de « faux renseignements », comme mentionné sur la page « Qui sont-ils » et la journaliste aurait fait preuve de négligence en omettant de mentionner les plus récentes études confirmant le lien entre l’avortement et le cancer du sein. Ces études contredisent, l’affirmation selon laquelle les propos de l’organisme « n’ont aucune assise scientifique ».
Selon la journaliste, certains groupes pro-vie brandissent des études douteuses pour appuyer leurs fausses allégations. Elle souligne que c’est pour ne pas être accusé de mauvaise foi ou de ne tenir compte que des études qui vont contre leurs prétentions, qu’elle n’a cité aucune étude, qu’elle soit pour ou contre les dangers de l’avortement. Elle a plutôt recueilli son information des autorités de Santé publique du Québec sur les risques liés à l’avortement et leurs conclusions sont sans appel et confirment que l’avortement n’a pas d’impact à long terme sur la santé.
Le Conseil estime que la journaliste a fait un choix de contenu, et il était dans son droit de publier l’information recueillie des autorités de Santé publique du Québec, ce qui n’induisait nullement le lecteur en erreur. Bien que le plaignant aurait préféré y voir une information autre, aucune inexactitude n’a été relevée.
5. Finalement, selon le plaignant, la journaliste a minimisé le nombre d’avortements au Québec. La journaliste cite l’Institut de la Statistique du Québec, mais une vérification révèle, à la page 2, que « Les IVG effectuées dans les CLSC et les établissements où des IVG non rémunérées à l’acte sont pratiquées ne sont pas comprises. Cela représenterait une sous-estimation de 4 % à 10 % selon l’année ».
La journaliste mentionne qu’elle n’avait aucune raison de volontairement minimiser le nombre d’avortements au Québec. Elle s’est fiée à l’Institut de la statistique du Québec, pour trouver l’information. Le chiffre avancé, par l’Institut, est de 26 500 avortements par an, en 2008. La note en bas de page concernant les IVG non rémunérées qui oscillerait entre 4 % et 10 %, la journaliste souligne qu’elle a préféré se fier à l’organisme et à ce chiffre, plutôt que de se lancer dans des approximations. Ce chiffre donne une bonne idée de la situation et elle rappelle que le nombre d’avortements au Québec n’était pas le sujet de son reportage.
Le Conseil de presse considère que les autorités de Santé publique du Québec sont une source crédible, sur qui la journaliste pouvait faire reposer les propos de son article et que le chiffre mentionné, dans les statistiques, est bel et bien celui apparaissant dans l’article. Le grief pour informations inexactes est rejeté.
Grief 2 : rétractation et droit de réplique
Le plaignant exige que Rue Frontenac publie plusieurs correctifs et qu’il leur accorde un droit de réplique.
Étant donné que le Conseil n’a pas retenu le grief pour informations inexactes, il n’y a donc pas lieu de demander une rétractation ou un droit de réplique de la part du journal. Le grief est donc rejeté.
Grief 3 : atteinte à la réputation
Le plaignant estime que le reportage constitue une atteinte à la réputation de l’organisme Centre Conseil Grossesse de Trois-Rivières.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation, la diffamation et le libelle ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décision en la matière, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Décision
Pour l’ensemble des motifs exposés ci-haut, le Conseil de presse rejette la plainte du Centre Conseil Grossesse de Trois-Rivières, représenté par M. Normand Bédard contre la journaliste Mme Gabrielle Duchaine et l’hebdomadaire Rue Frontenac.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
Date de l’appel
19 October 2011
Appelant
Centre Conseil Grossesse de Trois-Rivières
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier cité en titre est fermé.