Auteur: Jay Rosen
Ce texte a été publié originellement sur le blogue de Jay Rosen sur PressThink.org. Jay Rosen est auteur, journaliste et professeur de journalisme à New York University. Il collabore régulièrement au New York Times, Harper’s Magazine et Huffington Post. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation de l’auteur. Nous avons également traduit le texte original avec son autorisation.
NPR s’engage à éviter les pires excès du journalisme « he said, she said ». Selon eux, un reportage caractérisé par un pseudo équilibre est un faux reportage. NPR introduit plutôt un nouveau concept d’équité potentiellement très puissant : être équitable envers la vérité. Mon verdict : Bravo NPR.
Dans le monde de PressThink, il y a parfois des « événements », des choses qui arrivent et qui nous amènent à changer notre façon de penser. C’est ce qui s’est passé la semaine dernière quand NPR a publié un nouveau document, un manuel d’éthique intitulé : This is NPR. And these are the standards of journalism.
Une grande partie du manuel relève du « journalisme 101 ». Une grande partie de celui-ci ressemble à un document antérieur, The NPR Code of Ethics and Practices, que j’ai critiqué dans ce blogue. Mais il existe néanmoins des différences fondamentales, et certaines d’entre elles répondent directement à des critiques antérieures de ce blogue sur les difficultés de NPR.
À mon avis, les changements les plus importants se trouvent dans ces passages :
Dans tous nos reportages, particulièrement sur des questions controversées, nous nous efforçons de prendre en considération les arguments les plus forts des deux côtés afin d’offrir un reportage nuancé et clair. Notre but n’est pas de plaire à nos sources ou de produire des reportages qui créent l’apparence d’équilibre, mais de chercher la vérité.
et…
En tout temps, nous travaillons pour nos lecteurs et auditeurs, et non pas pour nos sources. Donc, notre considération première lors de la présentation des nouvelles est d’être équitable envers la vérité. Si nos sources tentent de nous induire en erreur ou de donner un faux « spin » sur une nouvelle, nous le dirons à notre auditoire. Si la prépondérance de la preuve dans une affaire controversée pèse lourdement d’un côté, nous le reconnaîtrons. Nous nous efforçons de donner au public la confiance que les deux côtés ont été examinés et représentés de façon équitable.
De cette façon, NPR s’engage à éviter les pires écueils du journalisme « he said, she said ». Selon eux, un reportage caractérisé par un faux équilibre est un faux reportage. NPR introduit un nouveau concept potentiellement puissant de l’équité : être équitable envers la vérité qui, comme nous le savons, n’est pas toujours répartie également entre les différentes parties d’un conflit.
Le maintien de « l’apparence d’équilibre » n’est pas suffisant, comme le dit NPR. « Si la prépondérance de la preuve dans une affaire controversée pèse lourdement d’un côté » nous devons le dire. Quand on nous sert un « spin », on ne se contente pas de seulement le rapporter. « On le dit à notre auditoire […] ». Ceci est un spin. Cette nouvelle politique produit déjà des effets.
Il n’y avait rien de tel dans l’ancien code d’éthique datant de 2003. Pourquoi ce changement ? J’ai posé la question à Matt Thompson, éditeur à NPR. Il a coécrit le manuel avec Mark Memmott, de NPR. Voici notre échange :
Matt Thompson : Dans ce manuel, nous avons tenté d’être aussi clairs que possible dans la définition de termes susceptibles d’interprétations diverses. Le changement de l’ancien Code de déontologie vers celui que vous voyez ici n’est pas véritablement un changement radical, mais plutôt l’évolution de notre pensée. La définition d’équité donnée dans notre code auparavant précisait que NPR : « présentait tous les points de vue importants sur un sujet ». La création du nouveau manuel nous a permis de développer ce que cela signifie vraiment.
La brève section sur l’équité dans notre code précédent se concentrait sur la façon nous nous traitons les gens qui font l’objet de nos reportages. Cette orientation n’a pas vraiment changé. La plupart des directives dans la section sur l’équité envers ces personnes demeurent les mêmes – rapporter fidèlement leurs paroles, leur donner le temps de répondre à une critique, respecter les promesses d’anonymat, etc. Il est essentiel de traiter ces parties d’une manière équitable parce qu’il est difficile d’effectuer du journalisme approfondi et exact lorsqu’une des partie ne vous fait pas assez confiance pour collaborer avec vous.
Mais il est important de se rappeler que l’intérêt du public est primordial, et nous voulions le souligner. Bien sûr, il est également essentiel de gagner et de préserver la confiance de nos sources et nos sujets de reportage, mais il est encore plus vital de dire au public ce que nous savons être la vérité. Nous nous efforçons de présenter les meilleurs arguments et points de vue lorsqu’il s’agit de couvrir une situation controversée. Nous abordons cet aspect dans la section sur l’exhaustivité :
Lorsque nous jugeons qu’un reportage est complet, cela signifie que nous sommes en mesure de comprendre la situation dans son ensemble – c’est-à-dire, comprendre les faits qui sont les plus importants et la façon dont ils se rapportent les uns aux autres. Il est irréaliste de s’attendre à ce que chaque histoire présente tous les points de vue sur une question. Mais dans notre couverture, nous devons faire de notre mieux pour être au courant de toutes les perspectives, les faits qui les appuient ou allant à leur encontre et les différentes parties affectées par la situation. C’est seulement à ce moment que l’on peut déterminer ce que l’on devrait inclure ou pas, selon le temps ou l’espace dont nous disposons.
Dans une section qui porte principalement sur la façon dont nous traitons ceux qui font l’objet de nos reportages, nous avons estimé qu’il était tout aussi nécessaire de souligner l’importance de ceux pour qui nous faisons ces reportages.