Plaignant
M. Guillaume Blanchet
Mis en cause
Mme Nathalie Elgrably-Lévy, chroniqueuse; M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Guillaume Blanchet dépose une plainte, le 6 février 2012, contre Mme Nathalie Elgrably-Lévy, chroniqueuse au Journal de Montréal, relativement à un article paru le 2 février 2012, intitulé : « Le triomphe de la vérité ». M. Blanchet déplore la nature incomplète des informations présentées dans cet article.
Commentaires du mis en cause
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : informations incomplètes
Le plaignant dénonce le fait que la journaliste ait présenté des informations incomplètes sur la question des changements climatiques. Il note entre autres le passage où Mme Elgrably-Lévy fait référence à une étude récente de l’Université East Anglia en Grande-Bretagne qui démontre qu’il n’y a pas eu de réchauffement climatique depuis 1997, ce qui amène la journaliste à conclure que : « L’édifice climato-catastrophique était lézardé depuis plusieurs années […] il s’est complètement écroulé. » M. Blanchet déplore que la mise en cause ait négligé de parler d’études qui, sur une période beaucoup plus longue, démontrent au contraire que la température se réchauffe. Il cite trois modèles climatologiques comparatifs et de différentes sources (Met Office Hadley Centre and Climatic Research Unit, NOAA National climatic data Center et NASA Goddard Institute for Space Studies) qui démontreraient très bien que la température moyenne du globe est en constante augmentation depuis 1850. De plus, ajoute le plaignant, entre 97 et 98 % des scientifiques étudiant le climat, s’entendent sur le fait qu’il y a réchauffement et que ce sont les humains qui sont en partis la cause des changements climatiques. M. Blanchet estime que même si Mme Elgrably-Lévy est une journaliste d’opinion, elle « dépasse les bornes et tente injustement de s’approprier des faits scientifiques en les manipulant d’une façon à désinformer les lecteurs. »
Le plaignant critique également les sources de la journaliste quand elle se réfère à un collectif de 16 chercheurs de « réputation mondiale » qui invitent le public à ne pas paniquer à propos du réchauffement climatique. Selon M. Blanchet, ces chercheurs sont marginaux au sein de la communauté scientifique et certains sont de hauts placés chez ExxonMobil.
Le guide de déontologie du Conseil de presse précise que : « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes. S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. » (DERP, p. 26)
Le guide du Conseil rappelle également que : « […] Il est par ailleurs d’égale importance qu’ils [les journalistes] fassent preuve d’esprit critique, tant à l’égard de leurs sources que des informations qu’ils en obtiennent. […] Les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité et l’importance des informations que celles-ci transmettent. Ils doivent également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. » (DERP, p. 32)
Le Conseil constate que la chroniqueuse Mme Nathalie Elgrably-Lévy ne s’est basée que sur une seule étude (concluant que la température de la terre est restée stable pendant 15 ans) pour écrire que « la théorie climato-catastrophique vient de complètement s’écrouler ». Il constate également que plusieurs chercheurs de cette étude ont effectivement travaillé pour des compagnies pétrolières, dont la ExxonMobil.
Le Conseil est d’avis que la journaliste s’est fondée sur une donnée bien maigre pour justifier sa conclusion et que le fait de ne pas mentionner l’existence de nombreuses études crédibles développant la thèse contraire ou de ne pas avoir bien situé l’importance de cette étude dans l’univers scientifique constitue une erreur d’incomplétude.
Au sujet des auteurs de l’étude, le Conseil estime que la chroniqueuse commettait, sur ce point également, une erreur d’omission en ne mentionnant pas les relations qui liaient plusieurs chercheurs de l’étude aux compagnies pétrolières.
Le Conseil considère que Mme Elgrably-Lévy a manqué de rigueur journalistique en publiant des données incomplètes et déformées sur l’état de l’opinion de la communauté scientifique sur le sujet abordé et en omettant des informations significatives quant à l’indépendance des chercheurs.
Le grief pour informations incomplètes est retenu.
Refus de collaboration
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Guillaume Blanchet contre la chroniqueuse Nathalie Elgrably-Lévy et Le Journal de Montréal pour le grief d’informations incomplètes.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Journal de Montréal.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C12B Information incomplète
- C24A Manque de collaboration