Plaignant
Mme Martine Cyr et M. Donald LeBlanc
Mis en cause
Mme Hélène Fauteux, journaliste, M. Charles-Eugène Cyr, directeur général et la station CFIM 92,7 FM
Résumé de la plainte
Mme Martine Cyr et M. Donald LeBlanc portent plainte, le 17 novembre 2014, contre la journaliste Hélène Fauteux et CFIM 92,7 FM, au sujet d’un fait divers diffusé aux bulletins de nouvelles de 9 h et 12 h, le 21 octobre 2014. Les plaignants estiment que la journaliste a commis une atteinte à la vie privée de M. Donald LeBlanc, en mentionnant le nom de ce dernier dans une nouvelle rapportant des accusations pesant contre son fils.
La courte nouvelle, présentée à la suite d’autres faits divers, a été livrée de la façon suivante, aux bulletins visés : « la Sûreté du Québec signale que Luc à Donald LeBlanc, 34 ans, originaire de Cap-aux-Meules, fait face à des accusations de conduite avec facultés affaiblies et possession de 11 grammes de cocaïne. Son arrestation remonte au 24 septembre. »
Analyse
Grief 1 : atteinte à la vie privée
Les plaignants font valoir que l’intérêt public ne justifiait pas que le nom de M. Donald LeBlanc soit associé à cette nouvelle. Ils signalent que pour deux autres faits divers rapportés immédiatement avant, dans le même bulletin de nouvelles, seule l’identité des accusés était révélée.
M. Donald LeBlanc, tout comme la journaliste, mentionne qu’une première mouture de la nouvelle, présentée au bulletin de 7 h, ne faisait référence qu’à Luc LeBlanc. L’expression « Luc à Donald LeBlanc » a été utilisée aux bulletins de 9 h et 12 h afin d’éviter la confusion avec un autre Luc LeBlanc, résident de Cap-aux-Meules, qui a manifesté son inquiétude d’être associé aux accusations.
La journaliste, Hélène Fauteux, explique que la suggestion d’utiliser le nom de Donald LeBlanc pour différencier les deux hommes lui a été faite par un lieutenant de la Sûreté du Québec. Le directeur général de CFIM, Charles-Eugène Cyr, affirme que la décision a été prise d’un commun accord. Avant d’opter pour cette solution, la journaliste dit avoir discuté avec le lieutenant d’autres options, notamment la mention du lieu de résidence de l’accusé, mais les informations disponibles à ce sujet étaient vagues. Ce n’est qu’à la suite du bulletin de 12 h, après que les plaignants aient fait part de leur mécontentement à la journaliste, que cette dernière a obtenu la confirmation que l’accusé résidait à Montréal. C’est alors cette information, et non plus le nom de M. Donald LeBlanc, qui a été utilisée au bulletin de 17 h pour différencier les deux hommes.
Le plaignant soutient que le lieutenant a nié avoir suggéré l’expression « Luc à Donald LeBlanc » à la journaliste. M. Donald LeBlanc souligne que quoi qu’il en soit, Mme Fauteux aurait dû faire preuve de discernement et ne pas mentionner son nom dans la nouvelle. La journaliste affirme, de son côté, que c’est par crainte de représailles de la part de ses supérieurs que le lieutenant a nié avoir fait cette suggestion.
Le directeur général de la station, tout comme la journaliste, a offert ses excuses aux plaignants et dit comprendre la portée des nouvelles locales dans la petite communauté de Cap-aux-Meules.
La journaliste ajoute, par ailleurs, qu’elle estime ne pas avoir commis de faute, et souligne que l’identité de membres de la famille de personnes accusées est couramment révélée par les médias et cite à cet égard la couverture médiatique, en octobre 2014, de la fusillade au Parlement canadien et de l’attentat de Saint-Jean-sur-Richelieu, événements qui ont causé la mort de militaires.
Dans son guide Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule que : « Lorsque des faits, des événements et des situations mettent en cause la vie privée de personnes, la presse doit bien soupeser et mettre en équilibre son devoir d’informer et le respect des droits de la personne.» (p. 42)
Il apparaît clairement au Conseil qu’il n’était pas d’intérêt public de diffuser le nom de M. Donald LeBlanc dans les circonstances. En conséquence, la diffusion de cette information aux bulletins de 9 h et 12 h a inutilement exposé la vie privée du plaignant et lui a causé de surcroît un tort en l’associant aux accusations portées contre son fils.
Le Conseil rappelle que les médias sont responsables de ce qu’ils publient. Dans le cas présent, la responsabilité de la décision incombait à la journaliste et à la station CFIM, peu importe si l’idée d’utiliser l’expression « Luc à Donald LeBlanc » a été suggérée par un lieutenant de la Sûreté du Québec. En l’occurrence, cette option n’était pas acceptable, puisqu’en évitant de causer préjudice à un homme portant le même nom que l’accusé, elle causait préjudice au père de l’accusé. En l’absence d’une autre solution à court terme, il aurait été préférable de remettre en question la diffusion de l’identité de l’accusé, du moins temporairement.
Quant à la référence de la journaliste aux attentats du Parlement canadien et de Saint-Jean-sur-Richelieu, le Conseil estime que ces événements n’ont aucune commune mesure avec le fait divers en cause dans la présente plainte. Alors qu’il peut être d’intérêt public de percer l’intimité familiale des suspects dans le cadre d’attentats à connotation terroriste, afin de comprendre leur parcours et leur radicalisation, rien de tel ne peut justifier une incursion dans la vie privée de la famille de l’accusé.
Il apparaît donc clairement au Conseil qu’il n’était pas d’intérêt public de diffuser le nom de M. Donald LeBlanc dans les circonstances. En conséquence, la diffusion de cette information aux bulletins de 9 h et 12 h a inutilement exposé la vie privée du plaignant et lui a causé de surcroît un tort en l’associant aux accusations portées contre son fils.
Pour les raisons qui précèdent, le grief pour atteinte à la vie privée est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Martine Cyr et de M. Donald LeBlanc contre la journaliste Hélène Fauteux et la station CFIM 92,7 FM, pour le grief d’atteinte à la vie privée.
Le Conseil tient toutefois à souligner l’action appropriée posée par les mis en cause, soit de retirer la référence au nom de M. Donald LeBlanc dans le bulletin de 17 h.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
Mme Micheline Pepin
M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées