Les auditions de la Commission Leveson ont franchi une nouvelle étape dans les dernières semaines alors que le deuxième bloc, portant sur les relations entre les médias et les services de police, s’est conclu.
Si le premier avait journalistes et médias sous les feux de la rampe, en les éclaboussant au passage par plusieurs allégations de corruption et de manque de transparence, c’était maintenant au tour des policiers de voir leurs relations avec la presse être scrutées à la loupe. À cette étape de la Commission, Leveson devait analyser si cette relation a su, ultimement, servir l’intérêt public.
C’est dans ce contexte que Michael Sullivan, journaliste spécialisé dans la couverture de faits divers pour le Sun, a témoigné le 15 mars dernier sur la relation entre les médias britanniques et la Metropolitan Police Force (également désignée comme le « Met »). Il a d’abord décrit, en des termes plutôt favorables, comment les journalistes obtenaient de l’information en communiquant avec les « press officers », ces policiers chargés des relations publiques, évoquant des relations très cordiales et professionnelles.
Les choses se sont cependant corsées par la suite, lorsqu’il a avancé qu’une source sûre l’avait informé, il y a trois ou quatre ans, que le Met avait élaboré un système de surveillance des médias, comprenant notamment un registre contenant les noms des principaux journalistes de faits divers. Chacun de ces journalistes y était noté, en fonction de la couverture, favorable ou non, qu’il faisait du Met, ce qui semble suggérer que ceux qui se rangeaient dans la première catégorie étaient privilégiés dans leurs rapports avec la police. Le Met a par la suite vigoureusement démenti l’existence d’un tel registre.
Puis, le 15 mars, Stephen Wright, journaliste de faits divers pour le Daily Mail, a également offert un témoignage révélateur à la Commission à l’égard des agissements du Met. Lors de la période de questions, ce dernier a en effet révélé que plusieurs de ses collègues recevaient des appels intimidants de policiers afin d’obtenir l’identité de leurs sources au sein du corps policier.
De son côté, le Met, alors représenté par Clive Driscoll, a sévèrement critiqué ce même Wright pour une série de reportages sur le meurtre de Stephen Lawrence, un jeune adolescent assassiné pour des motifs racistes. La série de reportages du Daily Mail aurait selon lui compromis l’enquête policière, puisqu’ils contenaient des informations confidentielles, qui n’étaient pas destinées à être communiquées aux médias.
Le service policier du Leicestershire, responsable de la poursuite de l’enquête de l’affaire Madeleine McCann, n’a pas lui non plus été épargné par les témoignages de la Commission. Selon le journaliste Jerry Lawton, qui couvre les faits divers pour le Daily Star, le service de police a refusé de répondre aux questions des médias. Cette décision a eu pour effet de faire diminuer significativement la qualité de la couverture médiatique et simultanément, d’augmenter la frénésie médiatique, d’autant plus que la police portugaise, qui menait également une enquête, refusait également de parler aux médias, ce qui limitait encore plus l’accès à l’information. Toujours selon le journaliste, quelques discussions off the record auraient suffi pour mettre fin à plusieurs rumeurs non fondées sur le déroulement de l’enquête.
Les relations entre journalistes et policiers, qui étaient parfois trop tendues et à d’autres moments trop complaisantes, n’ont manifestement pas toujours servi l’intérêt public. Comment renverser la vapeur? Voilà un autre défi de taille pour le Commissaire Leveson, qui n’en manquait pas.