La CLASSE exige des excuses et une rétractation à TVA

Source : YouTube  

(Mise à jour: 2012-09-07 à 11h22)

Dans les minutes suivant l’attentat qui a marqué la soirée électorale au Métropolis, des propos tenus par Jean Lapierre et Mario Dumont, au réseau TVA, ont pu donner l’impression de relier l’événement violent à des manifestants étudiants. Après plus de 24 heures de réactions sur les médias sociaux, la CLASSE demande excuses et rétractation.

Le lendemain de la fusillade qui a fait un mort et un blessé grave, un extrait vidéo de l’échange entre les deux commentateurs, publié sur le site YouTube, a suscité plusieurs réactions sur Twitter et Facebook. Le 6 septembre, en après-midi, la vidéo avait été visionnée près de 35 000 fois.

L’extrait

Dans cet extrait de l’émission de TVA consacrée aux élections du 4 septembre, l’animateur Pierre Bruneau rapporte les dernières nouvelles au sujet de l’attentat : « Deux personnes seraient blessées sérieusement, selon les informations que l’on a. »

Jean Lapierre enchaîne alors : « Triste fin de soirée, quand même, pour un party de victoire comme ça, c’est une triste fin de soirée. Mais là, j’en reviens pas qu’il y ait déjà des manifestants pour Mme Marois. On peut au moins lui laisser une soirée pour savourer sa victoire. Que les étudiants soient déjà après elle, j’en reviens pas. »

« Mais en même temps, ça en dit long sur ce mouvement étudiant et ce qu’il y a en dessous, a ajouté Mario Dumont. C’est-à-dire que… il y a des gens là-dedans qui disaient ouvertement qu’ils ne croient pas aux élections. Il y a des gens très radicaux parmi ces manifestants. Là, Mme Marois, quand elle portait le carré rouge, ça allait bien, mais maintenant, elle est au pouvoir. C’est peut-être pas si simple… »

La vidéo s’achève avec l’intervention de Pierre Bruneau : « Elle a répété, pendant la campagne électorale, que la gratuité scolaire, c’était impensable… »

« Deux événements différents »

Au cours des heures qui ont suivi l’attentat, les deux commentateurs ont répondu à ceux qui dénonçaient leurs propos, sur Twitter. Selon eux, les deux sujets différents ont été abordés séparément : celui de l’attentat et celui d’une manifestation étudiante qui se déroulait à l’extérieur du Métropolis.

« Ça va faire les menteurs! Jamais @mariodumont et moi n’avons accusé les étudiants pour l’attentat! Rigueur… » a réagi Jean Lapierre sur son compte Twitter.

« Je réitère que nous parlions de deux événements différents, d’un côté, à cette heure, une bombe assourdissante et de l’autre la manif dehors », écrivait-il en matinée, le 5 septembre.

« Personne n’a établi de lien entre la manif, devant le Métropolis, et l’attentat survenu derrière. Deux événements indépendants », a quant à lui écrit Mario Dumont, sur son propre compte, quelques heures après la fusillade. « Merci à tous de ravaler des interprétations d’une navrante mauvaise foi… la soirée finit bien assez triste comme ça », a-t-il ajouté quelques minutes plus tard.

Seconde vidéo

En début de soirée, le 6 septembre, Groupe TVA publiait ceci sur Twitter : « TVA n’a JAMAIS insinué qu’il y avait un lien entre les étudiants et l’attentat. » En guise de preuve, l’entreprise inclut dans sa publication un autre extrait vidéo, montrant une interaction entre les animateurs Pierre Bruneau et Sophie Thibault et leur invité Gilles Duceppe.

Quoiqu’il ne soit pas fait mention, dans la publication du Groupe TVA, du moment où a eu lieu cette discussion dans l’émission, elle se déroule vraisemblablement un peu plus tard dans l’émission, alors que de nouvelles informations sur l’attentat étaient portées à la connaissance des animateurs.

Dans ce nouvel extrait, le journaliste Alain Laforest rapporte notamment que « c’est peut-être un peu plus grave qu’on le laissait entendre ». Il témoigne aussi de la présence de manifestants à l’extérieur du Métropolis. « Je viens de voir une partie de l’escouade anti-émeute arriver, parce qu’il y a une manifestation devant le Métropolis ; des jeunes qui scandent des slogans en disant : ² Mme Marois, on va vous avoir à l’œil, vous avez fait des promesses, vous avez pris des engagements, vous allez devoir les respecter.² »

Après le reportage de M. Laforest, Pierre Bruneau enchaîne sur le sujet de la manifestation étudiante, en s’adressant à Sophie Thibault, qui donne à son tour la parole à Gilles Duceppe, lequel répond d’emblée : « Moi je pense qu’il n’y a pas de relation entre la manifestation et le triste événement… »

« Pas du tout, pas du tout, pas du tout, s’empresse de dire Pierre Bruneau. J’ai séparé les deux événements. »

Confusion

Si de nombreux internautes ont dit estimer qu’aucun lien n’avait été fait par MM. Lapierre et Dumont entre les attentats et les étudiants, d’autres ont fait valoir le contraire.

« Même s’ils [les deux commentateurs] n’ont fait que changer de sujet, ça porte beaucoup à confusion, ça mérite quand même des excuses, a noté Jeanne Reynolds, porte-parole de la CLASSE, lors d’un entretien téléphonique avec le Magazine du Conseil de presse, le 6 septembre. Nous, comment on l’a perçu – et on n’est pas les seuls –, c’est qu’un lien de corrélation a été fait sans ambigüité entre les gestes qui ont été posés [et les étudiants], alors qu’on ne connaissait pas encore la teneur de ces gestes-là. Ce sont des gestes très graves et c’est très très grave d’associer le mouvement étudiant à ça. »

Dans sa lettre adressée à TVA, la CLASSE réclame « des excuses publiques pour les propos tenus par les commentateurs Mario Dumont et Jean Lapierre. La CLASSE demande aussi aux deux commentateurs de se rétracter publiquement », peut-on lire sur le site internet de la CLASSE. « Si on n’a pas de réponse, je pense qu’on va se reconsulter et on va décider à ce moment-là de ce qu’on va faire », dit Mme Reynolds.

Manif ou pas ?

Du côté de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), on est prudent, avant de planifier une sortie publique à ce sujet. « On est encore en réflexion là-dessus », fait savoir Nicolas Groulx, coordonnateur aux relations médias et aux communications.

Les représentants de la FECQ essayaient toujours d’établir, jeudi matin, si des manifestants étudiants étaient présents sur les lieux et s’ils se tenaient à l’avant ou à l’arrière du Métropolis. L’incendie et la fusillade ont eu lieu à l’arrière du bâtiment.

« Si ces propos-là ont été tenus sur les événements qui sont survenus à l’arrière du Métropolis, c’est vraiment déplorable que M. Lapierre et M. Dumont aient tenu ces propos, sans même savoir ce qui se passait », estime M. Groulx.

Un caméraman de Radio-Canada, Martin Bouffard, a tourné des images à l’extérieur du lieu de rassemblement péquiste toute la soirée. Il était toujours au poste quand les policiers sont intervenus après les gestes posés par le forcené. « J’étais le seul média à l’extérieur [du Métropolis]. J’étais là dès 17 h. Il n’y avait aucun manifestant étudiant à l’extérieur. Il y a eu une étudiante qui est venue me voir, qui m’a demandé : “Où est la manif ?” »

Au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), on mentionne que la manifestation nocturne du 4 septembre aurait fait un arrêt au Métropolis. « Il y en a eu qui se sont présentés là pendant la manifestation nocturne à un certain moment. Combien étaient-ils, combien de temps sont-ils restés, je ne peux pas répondre à cette question. Ils sont passés là, ils ont marché face au local, sur Sainte-Catherine. Peut-être qu’ils sont même restés une petite heure et ont quitté par la suite. »

La FECQ envisage dans tous les cas d’acheminer une lettre à TVA, conclut Nicolas Groulx. Reste à savoir si elle exigera des excuses, une rétractation, ou les deux. « De toute façon, il y a un dommage qui est causé », dit-il.

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Ci-dessous, un florilège de réactions glanées sur Twitter.