Le qualificatif « transphobe » témoignait de partialité dans un article sur J.K. Rowling

Le Conseil de presse du Québec a publié huit nouvelles décisions concernant des plaintes qu’on lui avait soumises. Il a retenu une de ces plaintes, tandis que les sept autres ont été rejetées.

D2023-10-073 : Jean Hudon c. Sarah-Florence Benjamin et 24 heures

Le Conseil de presse retient la plainte de Jean Hudon visant l’article « JK Rowling aimerait mieux “aller en prison” que dire qu’une femme trans est une femme », publié le 19 octobre 2023, et blâme la journaliste Sarah-Florence Benjamin et le média numérique 24 heures concernant le grief de partialité. La plainte portait sur l’utilisation du qualificatif « transphobe » dans un article factuel pour désigner une sortie publique de l’auteure britannique de la série Harry Potter, J.K. Rowling, sur les réseaux sociaux. 

Depuis plusieurs mois, J.K. Rowling sème la controverse avec ses propos sur le sexe biologique des femmes. L’auteure elle-même a déjà dit respecter les droits des personnes transgenres et ne se considère pas transphobe. Le plaignant estime qu’il ne revenait pas à la journaliste de qualifier les propos de l’auteure de transphobes. 

« Certains ont déclaré que les propos de J.K. Rowling […] sont transphobes, explique la décision du Conseil. D’autres jugent qu’ils n’entretiennent pas d’hostilité envers les personnes trans, qu’ils représentent plutôt son opinion au sujet de ce qu’est une femme. C’est le cas du plaignant, qui estime que la biologie distingue les femmes trans des femmes non trans et que d’affirmer ce “fait scientifique” ne signifie pas qu’on est contre le droit des personnes trans. »

Considérant qu’il ne s’agit pas ici de journalisme d’opinion, et que l’impartialité est requise dans un texte factuel, le Conseil fait valoir dans cette décision : « En qualifiant les propos de J.K. Rowling de “transphobes”, la journaliste prend ici position. Elle aurait certainement pu citer des personnes qui accusent l’auteure de transphobie. L’impartialité des journalistes requiert de ne pas prendre parti soi-même dans un sujet controversé. Si la journaliste avait attribué le qualificatif de “transphobe” à une source, elle aurait évité de prendre parti elle-même. » 

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D2023-11-076 : François Gosselin Couillard c. Mathieu Bock-Côté, Richard Martineau, « La rencontre Bock-Côté – Martineau » et QUB radio

Le Conseil de presse rejette la plainte de François Gosselin Couillard visant l’épisode de l’émission « La rencontre Bock-Côté – Martineau » intitulé « Immigration : certaines communautés s’intègrent beaucoup plus difficilement, tranchent Mathieu et Richard », les chroniqueurs Richard Martineau et Mathieu Bock-Côté, ainsi que QUB radio concernant le grief de discrimination.

Selon le plaignant, les chroniqueurs ont tenu des propos discriminatoires qui suscitent et attisent la haine et le mépris envers les musulmans sur la base de leur religion dans les extraits ci-dessous. 

« Richard Martineau : “Il y a personne qui se plaint qu’il y a trop de Chiliens au Québec ou qu’il y a trop de Vietnamiens ou qu’il y a trop d’Haïtiens ou qu’il y a trop d’Italiens, ce sont des gens qui s’intègrent bien. La communauté musulmane, c’est plus difficile. Je veux dire, qu’est-ce que tu veux que je te dise là, est-ce qu’on peut dire ça? […]”  

Mathieu Bock-Côté : “Moi, je pousserais ça plus loin. C’est le principe de compatibilité culturelle. Alors là, on le sait, les gardiens du régime diversitaire nous disent, ‘ah, vous parlez de compatibilité  culturelle, c’est du racisme, c’est du racisme différentialiste’, ça c’est le terme qu’ils utilisent. Mais c’est les mêmes clowns habituels, on les connaît. […]”. »

Après analyse, il apparaît que les propos visés par le plaignant ne suscitent ni n’attisent la haine et le mépris envers les musulmans. Les chroniqueurs donnent leurs perspectives sur l’immigration. Leur point de vue peut déplaire à certains, mais il n’est pas pour autant discriminatoire, d’autant qu’à l’écoute de tout le segment, on constate qu’ils nuancent leurs prises de position en étayant leur argumentaire. 

Ces nuances permettent de constater que les chroniqueurs ne généralisent pas leur opinion à tous les immigrants de confession musulmane et qu’ils ne suscitent ou n’attisent pas la haine et le mépris envers ceux-ci. Leur point de vue ne concerne qu’une frange de la communauté musulmane plus fondamentaliste. Même si le plaignant ne partage pas leur opinion, les chroniqueurs peuvent l’exprimer, avec toutes les nuances apportées, sans pour autant faire preuve de discrimination.

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D2023-10-074 : Jean-François Amyot c. Hugo Joncas, Dominick Gravel et La Presse

Le Conseil de presse rejette la plainte de Jean-François Amyot au sujet de la photographie prise par Dominick Gravel accompagnant l’article « Réseau de manipulation boursière – Des amendes totalisant 830 000 $ pour du pump and dump », du journaliste Hugo Joncas, publié sur le site Internet de La Presse le 17 octobre 2023, concernant le grief de photographie manquant de respect envers la vie privée. La décision mentionne à propos de la photo du plaignant  : « Cette image permet d’identifier un homme condamné à d’importantes amendes pour fraude dans un article rapportant les sentences de deux hommes avec qui il travaillait. Le fait qu’une photo montre une personne qui se retrouve dans l’actualité devant sa résidence ne constitue pas en soi une atteinte à sa vie privée. Les éléments de la vie privée exposés sont soupesés en fonction de l’intérêt public », qui était prépondérant dans ce cas-ci. 

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D2023-05-039 : Haroun Bouazzi, député de l’Assemblée nationale du Québec pour Québec solidaire (QS) c. Joseph Facal, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec 

Le Conseil de presse rejette la plainte d’Haroun Bouazzi, député de l’Assemblée nationale du Québec, visant la chronique « Les raccourcis malhonnêtes d’Haroun Bouazzi », du chroniqueur Joseph Facal, publiée dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec le 20 avril 2023. Trois griefs d’informations inexactes, un grief d’information incomplète et un grief de sensationnalisme sont rejetés à l’unanimité, tandis qu’un second grief d’information incomplète est rejeté par une majorité de membres (5 sur 6). Par ailleurs, deux autres griefs de sensationnalisme sont jugés irrecevables. On observe notamment dans cette décision : « Bien que Joseph Facal exprime une opinion controversée en émettant l’hypothèse que [le parti] Québec solidaire pourrait être “infiltré” par des islamistes, il n’exagère pas et n’interprète pas la portée réelle des faits ou des événements dans le passage désigné par le plaignant. […] De plus, le plaignant ne fait pas la démonstration que les termes utilisés par le chroniqueur dans l’extrait de la chronique en cause sont sensationnalistes, au sens entendu à l’article 14.1 du Guide. C’est pourquoi le grief de sensationnalisme est rejeté. »

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D2023-10-071 : Julie Lefebvre c. Mario Dumont, « Le Québec matin » et LCN

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Julie Lefebvre portant sur une intervention du collaborateur Mario Dumont durant le segment « Le débat fait rage autour des toilettes mixtes » de l’émission « Le Québec matin », diffusée le 13 septembre 2023 sur les ondes de LCN, concernant le grief de discrimination envers les personnes non binaires. « Le concept de non-binarité fait l’objet d’un débat sociologique important. Certains estiment que le genre lui-même (homme ou femme) est une construction sociale normative, tandis que d’autres considèrent inversement que le fait de ne pas se conformer à l’un ou l’autre de ces deux genres (se dire non binaire) est une construction sociale et une forme de revendication politique/militante. […] Les déclarations de Mario Dumont, bien qu’elles aient pu heurter des personnes sur un sujet de société aussi sensible que l’identité de genre, n’excèdent […] pas les limites balisant le travail des journalistes d’opinion », souligne-t-on dans la décision.

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D2024-01-003 : Kaven Benoit c. Cédric Bélanger, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec

Le Conseil de presse rejette la plainte de Kaven Benoit à propos de l’article « Le Doc Mailloux s’éteint à 74 ans », du journaliste Cédric Bélanger, publié sur les sites Internet du Journal de Montréal et du Journal de Québec le 12 janvier 2024, concernant le grief d’information inexacte. Le plaignant reprochait au journaliste d’avoir mal rapporté les propos prononcés par le psychiatre Pierre Mailloux lors de son passage controversé à l’émission Tout le monde en parle du 25 septembre 2005. Le Conseil remarque dans cette décision que « l’information que déplore le plaignant n’est pas présente dans le texte. Le journaliste, en résumant les propos prononcés par le Doc Mailloux, n’affirme  pas que ce dernier a dit que “le quotient intellectuel de tous les Noirs et les Amérindiens des États-Unis d’Amérique était inférieur à la moyenne”, comme l’avance le plaignant. Il mentionne plutôt que “la plus importante [controverse impliquant le Doc Mailloux] est survenue quand il a affirmé, sur le plateau de Tout le monde en parle, que les Noirs et les Autochtones avaient un quotient intellectuel inférieur à la moyenne, selon une étude”. Il s’exprime de façon générale en parlant des Noirs et des Autochtones, sous-entendant qu’il s’agit de la moyenne de ces gens qui auraient, selon les dires largement condamnés du Doc Mailloux, un quotient intellectuel inférieur à la moyenne (ou inférieur à 100). »

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D2023-09-067 : Monique Loubry c. Journal Saint-Lambert

Le Conseil de presse rejette la plainte de Monique Loubry au sujet de l’éditorial « Une justice deux poids, deux mesures », publié dans le Journal Saint-Lambert le 13 septembre 2023, concernant les griefs d’informations inexactes. Ce texte d’opinion, dont l’auteur n’est pas identifié, affirme que le Canada a connu « deux grandes vagues de manifestations » : la crise d’Oka et « le Convoi de la liberté à Ottawa ». On souligne dans la décision : « Bien que les journalistes d’opinion (chroniqueurs, éditorialistes, commentateurs, etc.) doivent présenter une information basée sur des faits, il ne faut pas confondre l’expression de leur point de vue avec des faits. [Même si] la plaignante considère qu’il était prématuré de conclure que les accusations [contre les organisateurs du “Convoi de la liberté” Tamara Lich et Chris Barber] ont été montées de toutes pièces étant donné que le procès […] n’était pas terminé au moment de la publication de l’éditorial, il n’y a pas d’information inexacte puisqu’il s’agissait du point de vue de l’éditorialiste. En tant que journaliste d’opinion, cette personne bénéficie de la liberté d’exprimer son point de vue. »

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D2023-12-087 : Nicolas Boutin c. TVA Nouvelles et Le Journal de Montréal

Le Conseil de presse rejette la plainte de Nicolas Boutin portant sur l’article « “La FAE : le Titanic des temps modernes!” Des syndiqués en colère s’expriment », publié sur les sites Internet de TVA Nouvelles et du Journal de Montréal le 22 décembre 2023, concernant les griefs de manque d’équilibre et de sensationnalisme. Le plaignant déplorait entre autres que l’article en cause ne cite « systématiquement que des commentaires négatifs envers les dirigeants syndicaux » de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) durant la grève générale illimitée de ses membres. Le Conseil ne constate cependant aucun manque d’équilibre, faisant valoir que « les positions des parties en présence, soit, d’une part, celle des membres de la FAE, et, d’autre part, celle de la direction du syndicat, sont toutes deux présentées ».

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