Les éditeurs doivent-ils vérifier la véracité du contenu des lettres des lecteurs? En ont-ils les moyens?
Dossier 2010-06-083 Aline Nadeau c. Le Vrai Citoyen
Mme Nadeau porte plainte contre le journal pour avoir publié de l’information inexacte dans la publication d’une lettre de lecteur et, de plus, elle leur reproche de lui avoir refusé un droit de réplique.
Le Conseil, à la majorité de ses membres, conclut qu’avant de publier la lettre d’un lecteur comprenant des informations factuelles illustrant supposément une mauvaise gestion des autorités municipales, la direction du journal devait vérifier ces informations ou chercher la version de la partie attaquée. Il ne s’agissait pas ici d’expression d’une opinion, mais d’une affirmation précise sur un fait réel au sujet duquel le devoir d’exactitude s’appliquait.
Cependant, deux membres expriment leur dissidence, en soulignant que s’il est vrai que les organes de presse sont légalement responsables de tout ce qu’ils publient, et doivent s’assurer de ne pas diffuser des propos haineux, diffamatoires ou pouvant causer des torts à des tiers, leur imposer l’obligation de vérifier TOUS les faits rapportés dans les courriers des lecteurs dépasse les moyens à la disposition de ces journaux. Cela aboutirait à empêcher la publication de beaucoup de lettres ou d’opinions, limitant par le fait même la liberté d’expression et la diversité des points de vue. Toutefois, en règle générale ces médias doivent diffuser un rectificatif ou accorder un droit de réplique dès qu’ils découvrent que certains faits rapportés dans une lettre d’un lecteur étaient inexacts.
Le plagiat : une pratique interdite
Dossier 2010-06-082 Hugo Meunier, journaliste et Cyberpresse c. L’Agence QMI et Canoë
et
Dossier 2010-07-002 Martin Bisaillon, journaliste et Rue Frontenac c. Stéphane Malhomme, journaliste et l’Agence QMI, le site Argent et Le Journal de Montréal
Dans ces deux dossiers, les plaignants ont porté plainte pour repiquage et plagiat. Le Conseil a conclu à l’existence de plagiat et considéré qu’en plus de la responsabilité des journalistes, celle de la direction des médias concernés est également engagée dans la faute professionnelle constatée.
Ne pas mettre en danger ses sources d’information
Dossier 2010-03-063 Vivian Sallai c. Pierre Albert Sevigny, journaliste et The Suburban
La plaignante porte plainte contre le Suburban pour avoir mis sa sécurité en danger en publiant, sans son consentement, des informations qui permettaient de l’identifier dans un reportage sur un décès douteux.
Le Conseil observe que le journaliste a publié le prénom de la plaignante, des précisions sur la localisation de son appartement ainsi que le nom de la compagnie pour laquelle elle travaille. Il y a là assez de détails pour identifier la plaignante. Le Conseil remarque aussi que, dans son article, M. Sévigny cite les paroles du concierge dont il ne veut pas dévoiler l’identité par crainte que ce dernier perde son emploi. Pour ce qui est des autres voisins dont il fait mention, il ne les cite jamais.
Le Conseil de presse retient la plainte de Mme Vivian Sallai contre M. Pierre Albert Sévigny journaliste et l’hebdomadaire The Suburban pour non-respect à la vie privée et informations inexactes.
Le droit à l’image dans la fenêtre de son salon?
La plaignante reproche au journaliste d’avoir diffusé des informations incomplètes, partiales et inexactes. Elle déplore aussi le fait qu’on l’ait filmée sans qu’elle sache qu’il s’agissait d’une émission de télévision et que l’on ait diffusé ces images sans son consentement.
Le Conseil constate que le reportage traitait du phénomène des demandes en rétractation des décisions de la Régie du logement. Le cas de Mme d’Aragon constituait un exemple parmi d’autres et il n’a jamais été question de raconter toute son histoire. En ce qui concerne les données sur la rétractation de Mme d’Aragon, le Conseil considère que le mis-en-cause s’est servi de documents publics et n’a pas déformé la réalité par le choix des informations qui ont été diffusées.
Cependant, le Conseil souligne que dans le respect des plus hauts standards éthiques de la profession, il aurait été préférable et plus équitable que le journaliste tente de recueillir et de présenter les commentaires de la plaignante et non seulement ceux de son propriétaire avec lequel elle avait un différend.
En regard du droit à l’image de Mme d’Aragon, le Conseil considère que le droit du public à une information de qualité et l’intérêt public du sujet traité justifiaient la diffusion des images de la plaignante d’autant que les images ont été filmées de la rue, un endroit public. Trois des six membres ayant exprimé leur dissidence, le Conseil a rejeté le grief pour atteinte au droit à l’image à la suite du vote prépondérant du président du comité des plaintes et de l’éthique de l’information.
Nonobstant la remarque éthique exprimée à l’endroit du journaliste, le Conseil rejette à l’unanimité la plainte pour information inexacte de Mme France d’Aragon contre le journaliste, M. Guy Tremblay et le Groupe TVA et rejette majoritairement la plainte pour atteinte au droit à l’image.
Patrick Lagacé à la limite de l’acceptable
Dossier 2010-07-005 Denis Dion c. Patrick Lagacé, journaliste et La Presse
Le plaignant estime que M. Patrick Lagacé a été méprisant à l’égard de Mgr Ouellet et a porté atteinte à la dignité de ce dernier.
Le Conseil remarque que la phrase contestée : « Le cardinal Ouellet va mourir un jour. J’espère qu’il mourra d’une longue et pénible maladie. », est suivie de celle-ci : « J’espère qu’il pourra comprendre pourquoi certaines personnes quand elles n’ont plus que la peau sur les os, quand elles vomissent leurs excréments, aimeraient pouvoir en finir légalement. » Dans un tel contexte, le lecteur moyen aura compris que l’auteur ne souhaitait pas vraiment la mort du cardinal Ouellet, mais aurait aimé qu’il comprenne mieux le désir ardent de certaines personnes de vouloir mettre fin à leurs souffrances atroces. Le Conseil considère que, dans le cadre d’une chronique qui aborde certaines idées très contestées de Mgr Ouellet, M. Lagacé était en droit d’exprimer une critique caustique et n’a pas commis de faute professionnelle bien qu’il soit allé à l’extrémité de ce que permet la liberté d’expression. Le Conseil ne retient donc pas le grief pour propos injurieux et atteinte à la dignité.
Toutefois, le Conseil tient à formuler une remarque éthique au journaliste qui aurait dû néanmoins utiliser plus de tact et de délicatesse en évitant d’écrire qu’il « espère » la mort du cardinal à la suite d’une longue et pénible maladie. Il aurait pu adresser le même message en utilisant une tournure de phrase moins virulente.
La plainte à l’encontre de M. Patrick Lagacé est rejetée.
Un journaliste au bord de l’impolitesse
La plaignante dénonce le fait que M. Lemay se soit introduit, sans invitation, dans un groupe de fonctionnaires afin d’assister à une journée de reconnaissance des employés, notamment à des activités de sensibilisation au yoga et à la relaxation. Elle reproche au journaliste d’avoir été impoli lors de son entretien avec les organisateurs et d’avoir publié un article biaisé qui n’offrait aucune mise en contexte. De plus, elle se plaint de ce que les deux quotidiens ainsi que Canoë aient publié des photos d’employés sans leur consentement.
Le Conseil estime que le journaliste n’a pas présenté une fausse identité, il ne s’est tout simplement pas identifié au départ. De plus, il s’est promené ouvertement avec son appareil photo. Il a donc profité d’une faiblesse de l’organisation de la journée qui n’a pas bien contrôlé les entrées des participants. Compte tenu du degré d’intérêt public du sujet de l’article et de la très forte probabilité d’un refus en cas de demande d’accès aux ateliers, le Conseil est d’avis que le comportement du journaliste était justifié. Le grief est donc rejeté.
Pour le manque d’équilibre, le Conseil trouve utile de préciser qu’un traitement équilibré ne signifie pas que l’espace accordé aux différentes versions d’un événement soit d’égale importance. Dans le présent cas, le reportage pouvait insister sur la description des activités de la journée, sur les dépenses encourues et sur les réactions critiques de la Ligue des contribuables. Cependant, l’article devait présenter également le point de vue des organisateurs de l’événement. Ce qui a été fait de façon honnête et suffisamment complète pour résumer l’essentiel des arguments des organisateurs de l’événement contesté.
Le Conseil tient toutefois à exprimer une remarque éthique sur l’attitude du journaliste lors de la cueillette de l’information, ce dernier a adopté une attitude agressive et un ton virulent. Sans y voir ici une faute professionnelle, le Conseil considère néanmoins que, dans le respect des plus hauts standards éthiques de la profession, le journaliste aurait dû adopter un comportement plus sobre et respectueux envers les organisateurs de l’événement.
Finalement, concernant le droit à l’image des membres du personnel présent à la journée, le Conseil constate la volonté des mis-en-cause de respecter l’anonymat des personnes qui apparaissent sur les photos publiées. Pour ce faire, presque toutes les photos montrent des gens de dos ou couchés face contre terre ou des visages brouillés. Dans ces derniers cas et sur le site Internet de Canoë également, le Conseil considère que l’anonymat est protégé puisque les personnes concernées ne peuvent pas être reconnues par le grand public.
Nonobstant le commentaire éthique, relatif au comportement du journaliste, le Conseil de presse rejette la plainte à l’encontre de M. Éric Yvan Lemay, des quotidiens Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec et du portail Canoë.
Le texte intégral des décisions ainsi qu’un résumé des arguments des parties en cause peuvent être consultés au www.conseildepresse.qc.ca, à la section « Les décisions rendues par le Conseil ».
SOURCE :
Linda David, responsable des communications
Conseil de presse du Québec
Tél. : (514) 529-2818
RENSEIGNEMENTS :
Guy Amyot, secrétaire général
Conseil de presse du Québec
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