Le whistleblowing (en français, la dénonciation), soit le fait de dénoncer un acte que l’on croit illégal ou allant à l’encontre de l’intérêt public, a permis de mettre au jour plusieurs scandales ou abus de pouvoir. Au Canada, avec l’aide du journaliste Daniel Leblanc, Ma Chouette a permis de révéler le scandale des commandites. Julien Assange, porte-parole de Wikileaks, a de son côté collaboré avec plusieurs dénonciateurs pour exposer les abus de soldats américains en Irak. Ces collaborations entre dénonciateurs et journalistes s’avèrent essentielles à la préservation d’un système démocratique sain et permettent d’assurer que des gens en position de pouvoir ne puissent pas agir en toute impunité. Or, ce fragile équilibre est présentement menacé aux États-Unis, alors que les dénonciateurs deviennent de plus en plus vulnérables. Plus inquiétant encore : les médias qui collaborent avec ces dénonciateurs sont également ciblés.
La loi américaine protège la dénonciation depuis l’époque de la guerre de Sécession. Le False Claim Act, aussi appelé Loi Lincoln, permet aux whistleblowers, comme on les appelle dans la langue de Shakespeare, de dénoncer des personnes ou des compagnies qui fraudent des programmes gouvernementaux. Le Military Whistleblower Protection Act assure de son côté la protection d’un membre des forces armées qui dénonce un acte illégal à son supérieur. Ces lois ne sont que la pointe de l’iceberg, puisqu’il existe aussi d’autres législations visant la protection des dénonciateurs.
Le vent semble pourtant avoir changé depuis quelques années. Le gouvernement américain a eu recours, à plusieurs reprises, à une disposition controversée du Espionnage Act of 1917. Récemment, John Kiriakou, un ancien haut placé de la CIA, a été inculpé en vertu de cette loi et risque la prison pour avoir dénoncé l’utilisation de la simulation de noyade lors d’interrogatoires menés par les autorités américaines. Le soldat Bradley Manning, une des prétendues source de Wikileaks, a également été inculpé sous le même chef d’accusation.
En vertu de l’article 793 du Espionnage Act of 1917, rassembler, transmettre ou recevoir de l’information relative à la sécurité nationale susceptible d’être utilisée contre les États-Unis est une infraction passible d’une amende et d’une peine de prison de 10 ans. Les termes de la loi sont si larges que les médias qui ont diffusé une information relative à la sécurité nationale sont aussi susceptibles d’être accusés, puisqu’elle ne fait aucune distinction entre le dénonciateur et le diffuseur. Une personne ayant discuté d’informations relatives à la sécurité nationale diffusée par un média peut également être considérée comme coupable.
Ces violations sévères au droit à la liberté d’expression de la part de l’administration Obama inquiètent le milieu journalistique aux États-Unis. Jusqu’à maintenant aucun journaliste n’a été inculpé, mais cette option n’est pas à exclure.