Notes à l’intention du groupe de travail sur la politique de radiodiffusion au Canada

Organisme voué à la protection du droit du public à l’information et à la défense de la liberté de la presse, le Conseil de presse du Québec reçoit et étudie des plaintes reliées à l’une ou l’autre de ces réalités.

Par ailleurs, le Conseil de presse du Québec est le seul conseil de presse au Canada dont le mandat couvre à la fois la presse parlée et la presse écrite, tous les autres conseils faisant porter leur action sur les seuls journaux.

Partant, les membres du CPQ sont sensibles à tout ce qui a trait à l’information, qu’elle soit écrite ou parlée. C’est pourquoi ils vous adressent ces quelques notes et remarques concernant l’avenir et la réorganisation du système de radiodiffusion.

Une information libre et indépendante

De l’avis du Conseil, toute réorganisation du système de radiodiffusion devrait, d’abord et avant tout, contribuer à garantir au service d’information des différents médias concernés une indépendance et une autorité réelles, sans lesquelles il n’y a pas de véritable liberté d’informer.

Indépendance politique d’abord, au sens où les responsables de l’information des organismes publics de radio-télédiffusion doivent être libres de leurs choix rédactionnels sans qu’aucune ingérence directe ou indirecte des pouvoirs politiques ne vienne entraver l’activité professionnelle des journalistes et cadres des services concernés.

Indépendance administrative également, afin que les services d’information des diffuseurs tant privés que publics n’aient pas à subir d’ingérence de la part des autres entités de l’organisme, tel le service de publicité.

Bien que déjà assurée à plusieurs endroits, cette « étanchéité » du service d’information doit être posée en principe inattaquable, de façon à assurer à l’information l’intégrité et l’image d’intégrité sans lesquelles la crédibilité du produit ne peut être établie de façon durable.

Tel qu’énoncé dans sa « Réflexion sur les droits et responsabilités de la presse », le Conseil considère que « les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter non seulement les conflits d’intérêts, mais aussi toute situation qui risque de les faire paraître en de tels conflits ou sembler avoir partie liée avec quelque pouvoir politique, financier ou autre. » En somme, dans l’optique d’un système de radiodiffusion en évolution, le Conseil recommande que toute réorganisation dudit système se fasse de façon à garantir l’autonomie du service d’information à l’intérieur des organismes de diffusion.

L’un des moyens pour ce faire est la création d’entités administratives distinctes, dans le cas évidemment de réseaux ou d’organismes dont la taille s’y prête, c’est-à-dire assez grands pour qu’une telle pratique ait un sens autre que purement symbolique. Ces entités auraient une existence légale ainsi qu’un budget qui leur serait propre.

Mais quels que soient les mécanismes adoptés, il est important de retenir que l’information doit être « différenciée » du reste des activités des diffuseurs. En effet, une information libre, équilibrée et honnête est allergique (ou doit l’être) à toute influence étrangère à ses fins propres.

Un dernier mot enfin sur cette question de l’indépendance et de l’autonomie : si les responsables de l’information ne doivent pas subir de pression ou d’ingérence de nature politique, il va de soi que les responsables de la réglementation de l’ensemble du secteur de la télé-radiodiffusion doivent jouir également d’une indépendance réelle à l’égard des pouvoirs politiques.

Il s’agit évidemment ici du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qui, en tant qu’organisme de contrôle et de réglementation, ne doit souffrir d’aucune contrainte étrangère à la poursuite des objectifs que lui dicte son mandat.

Toute révision du rôle ou des structures du CRTC devrait prendre en compte cette réalité.

Le droit de tout le public à une information aussi complète que possible

Défenseur de la liberté de la presse, le Conseil est également protecteur du droit du public à l’information.

S’agissant là du droit inaliénable qu’a le public d’être informé des événements susceptibles de l’affecter, il est important que des efforts soient faits afin que tout le public jouisse de ce droit.

Le système de radiodiffusion devrait être ainsi conçu que tous les citoyens et citoyennes aient droit à une information la plus complète possible.

Information régionale et information sur les régions

Par exemple, une collectivité locale ne devrait pas être privée d’information à cause de sa seule situation géographique. Aussi ne devrait-t-il y avoir aucune entrave à la distribution et à la circulation de l’information.

De fait, le Conseil est d’avis que l’heure est venue d’établir de véritables réseaux de diffusion multidirectionnels, c’est-à-dire des réseaux qui s’alimentent non seulement à leur tête, mais également à la périphérie, soit à la source d’entités régionales et locales susceptibles, si on leur en donne les moyens et la liberté, de produire une information aussi originale que pertinente.

Car si, en 1985, l’on peut techniquement capter les grands réseaux à peu près partout, lesdits réseaux diffusent encore très peu, sinon pas du tout, d’information en provenance de régions telles l’Abitibi, l’Estrie, la Mauricie, etc. Essentiellement montréalais, même s’ils sont officiellement pan-canadiens ou pan-québécois, les diffuseurs sont d’abord et avant tout centrés sur … le centre qui, au Québec, est Montréal.

Minorités linguistiques

Les minorités linguistiques du Québec devraient également être sources et récepteurs d’information. Pour ce faire, les diffuseurs devraient produire, d’une part, des émissions visant à informer la majorité francophone du vécu de ces groupes minoritaires. D’autre part, un effort réel doit être fait pour que des productions se fassent et soient diffusées dans la langue même de ces groupes. Soulignons à ce sujet les expériences intéressantes qui se vivent déjà à la station CINQ-MF (Radio Centre-Ville) de Montréal qui diffuse en plusieurs langues, ou encore à la station de télévision CFCF qui diffuse quelques heures d’émissions hebdomadaires dans la langue des communautés italienne et grecque.

De même, la communauté anglophone québécoise doit continuer de bénéficier d’une information produite localement. Cette communauté ne devrait pas être privée d’un tel service sous prétexte qu’elle a accès facilement à ce qui se fait ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

Information internationale

Pour que l’information soit vraiment complète, il faut également chercher à développer le traitement de la nouvelle internationale.

De longue date l’un des parents pauvres de l’information produite ici, tant dans la presse écrite qu’électronique, l’information internationale est pourtant vitale et essentielle à la compréhension de ce qu’il est convenu d’appeler le « village global ».

Conscient des moyens nécessairement limités qu’a une société comme la nôtre (faible population, vaste territoire, etc.), le Conseil de presse n’en est pas moins convaincu qu’un effort, n’en serait-ce qu’un d’imagination, peut et doit être fait pour que le public ait droit à un regard constant sur ce qui se passe ailleurs et qui est susceptible de l’affecter. Et sans verser dans la recette facile, le Conseil voit dans une certaine mise en commun des ressources et effectifs des producteurs d’information de la presse écrite et électronique une avenue intéressante à explorer pour qu’une véritable couverture internationale soit offerte aux citoyens et citoyennes d’ici.

Car ne nous leurrons pas : pour que la nouvelle internationale soit traitée adéquatement, il faut que quelqu’un aille la cueillir quelque part. Et tant qu’on laissera aux autres le soin de nous informer, nous ne serons informés que des choses qui concernent surtout ces personnes, pays et sociétés, un réseau américain ou un correspondant d’une agence française travaillant en tout logique pour leur auditoire d’origine, en l’occurrence les États-Unis et la France.

Questions de moyens et de priorité

Évidemment, si l’on traduit en décisions et actions certaines des remarques qui précèdent, les coûts impliqués peuvent être importants.

Est-ce que les sommes allouées actuellement à l’information sont suffisantes par rapport aux autres activités des diffuseurs? Seule une étude comparative exhaustive des budgets de l’ensemble des diffuseurs saurait éclairer cette question, et le Conseil n’a ni les moyens ni le mandat de procéder à une telle recherche. Toutefois, elle devrait être faite si l’on entend évaluer l’avenir du système de radiodiffusion au pays.

Et même cela fait, la question ne saurait être définitivement tranchée par une évaluation strictement quantitative des choses. Car si, idéalement, il faudrait que des sommes importantes soient investies dans l’information d’un public qui doit composer avec une réalité aussi complexe que rapidement évolutive, la priorité devrait aller à un « rééquilibrage » des ressources non seulement financières, mais également (et surtout pourrait-on-dire à la limite) des énergies et des habitudes.

Entre autres, il faut que les radiodiffuseurs, tant publics que privés, reconnaissent à leur service d’information le caractère unique que leur confèrent leur mission et leur nature en n’y appliquant d’éventuelles compressions budgétaires qu’en tout dernier ressort, après que la totalité des autres services eut été affectée.

Il faut également que cette reconnaissance aille de pair avec une sensibilité accrue à l’égard du développement des ressources en information lorsque les contraintes ayant entraîné les compressions se font moins pressantes.

D’une part donc, préserver les acquis et de l’autre, développer dès que faire se peut, c’est-à-dire ne pas se contenter desdits acquis. Ou, en d’autres termes, consentir des budgets adéquats à l’information et faire sorte qu’ils ne rétrécissent pas comme peau de chagrin.

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Voilà en quoi consistent les quelques notes et remarques qu’inspire au Conseil de presse l’avenir du système de radiodiffusion en ce qui a trait à l’information.Tout ceci est volontairement étranger à la recette infaillible et à l’étude de faisabilité, le Conseil soulevant des interrogations, soulignant des lacunes et signalant des avenues à explorer.