Autorégulation des médias français: trois pistes de solutions

Crédit photo regis frasseto CC
Crédit photo regis frasseto CC

Consciente que son rapport intitulé Autorégulation de l’information : Comment incarner la déontologie? ne constitue qu’un premier jalon dans une réflexion que devra faire le gouvernement, Marie Sirinelli propose trois approches à la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti.

En novembre, lors des Assises internationales du journalisme, la ministre Filippetti avait annoncé qu’elle mandaterait un expert pour analyser le fonctionnement des conseils de presse européens et proposer des pistes de solutions. En décembre, la ministre avait confié cette tâche à Marie Sirinelli. Celle-ci a remis son rapport le 13 février dernier au terme d’une trentaine de rencontres avec des représentants des patrons, des journalistes et de la société civile.

Dans le document 79 pages remis à la ministre, Mme Sirinelli rapporte que la grande majorité des personnes rencontrées s’accorde sur l’existence d’une crise dans les médias, notamment en ce qui concerne une perte de confiance du public à l’égard de la presse. L’autorégulation fait également consensus quoiqu’il y ait des divergences sur la façon d’incarner ce principe.

Trois pistes

La première piste de solution avancée par Mme Sirinelli consiste à la mise en place d’un conseil de presse. Pour parvenir à y réunir toutes les entreprises de presse, l’État devrait créer des incitatifs afin de les encourager à y adhérer. Il pourrait s’agir de modifications aux aides à la presse, comme c’est le cas en Belgique. Marie Sirinelli ne cache pas que cette option ne serait ni un choix consensuel ni celui de la facilité.

Un conseil de presse pourrait également ne réunir qu’une partie de l’industrie. Il s’agirait alors d’une autorégulation volontaire. Mme Sirinelli note que les organisations favorables à la mise sur pied d’un conseil de presse s’entendent sur plusieurs points, dont la présence de représentants du public au sein de l’instance, une mission visant la réflexion, la pédagogie et la médiation et un traitement des plaintes menant à la publication d’avis sans sanction.

Une autre possibilité serait de renforcer des outils déontologiques déjà existants tels que l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI) ou en encourageant les entreprises à avoir un médiateur et des textes déontologiques. 

Réactions

Dans un communiqué publié le 19 février,  le Syndicat national des journalistes (SNJ) demande au gouvernement de poser un geste fort afin de rétablir la confiance du public. Le SNJ se montre très critique face aux propositions avancées par Mme Sirinelli : « Étant donné l’absence de consensus en la matière, la conclusion égrène des pistes de travail dont la facilité de mise en œuvre est inversement proportionnelle à leur pertinence. » Selon le SNJ, les avenues explorées dans la troisième solution ne seraient qu’une façon d’enterrer « cette question avec l’objectif de permettre à chacun de se donner bonne conscience à peu de frais. »

Le SNJ estime que la France devrait s’inspirer du Conseil de déontologie journalistique de Belgique autant pour son fonctionnement que pour le rôle de facilitateur joué par l’État afin de le mettre en place.

Cette position rejoint celle d’Yves Agnès, le président de l’Association de préfiguration d’un conseil de presse (APCP). Appelé à commenter par le Magazine du CPQ, il souligne que son organisme n’a jamais été favorable à un conseil de presse « minimal », c’est-à-dire rassemblant seulement ceux en faveur d’un tel organisme.

M. Agnès ne croit pas que la mise en place d’outils déontologiques au sein de chacun des médias soit une solution permettant de résoudre la crise de confiance du public envers les médias et les journalistes. Il observe que les « chartes en interne » ne permettent pas d’éviter les dérives.

Même s’il est conscient que la troisième proposition de Mme Sirinelli consistant à bonifier l’ODI puisse paraître insuffisante à certains, Patrick Eveno, président de l’ODI, accueille positivement cette suggestion. « Il faut comprendre qu’en France, les blocages entre organisations de journalistes et organisations patronales sont tels qu’un conseil de presse ne peut pas voir le jour sans une action pédagogique de fond », confie-t-il au Magazine du CPQ, en rappelant que c’est pour répondre à cette mission qu’a été créé l’organisme.

Ne craignant pas un statu quo, M. Eveno estime au contraire qu’il s’agit d’une occasion pour faire avancer les choses. « À nous de la saisir et de convaincre. Lourde tâche, incertaine au niveau du résultat, mais qui vaut le coup d’être tentée », assure-t-il. 

Les demandes du Magazine du CPQ pour tenter de connaître les intentions du Ministère concernant les suites données au rapport et la réaction des associations d’éditeurs sont demeurées sans réponse.