Un comité mixte parlementaire britannique (Joint Committee on Privacy and Injunctions) a publié récemment un rapport énonçant toute une série de recommandations pour réformer la régulation de la presse en Grande-Bretagne, qui plairont sûrement aux éditeurs, puisqu’elles réaffirment que la meilleure solution demeure l’autorégulation — pour l’instant du moins.
Le comité a donc suivi les traces de Lord Hunt, qui avait suggéré plus tôt cette année une réforme profonde du Press Complaints Commission (PCC) et rejeté du même coup une régulation proprement étatique des médias d’information. Comme Lord Hunt, il reconnaît que le PCC n’avait pas les pouvoirs nécessaires pour répondre au problème de l’écoute électronique.
Dans son rapport, le comité souligne qu’il a pris en compte dans sa réflexion la prééminence du droit à la liberté d’expression, la liberté de presse ainsi que le droit à la vie privée, tout aussi important.
Après une analyse de la jurisprudence sur le droit à la libre expression et le droit à la vie privée, le comité a examiné la question de l’intérêt public, puisque les pires excès de la presse ont souvent découlé d’une interprétation trop élastique de cette notion, qui est du reste interprétée de manière différente par les acteurs du milieu (entre autres Ofcom — l’équivalent du CRTC au Canada — et BBC Trust). Il s’est cependant bien gardé d’en donner une définition statutaire, suggérant plutôt que le nouvel organisme chargé de réguler la presse devrait être en charge d’adopter une série de lignes directrices sur le sujet.
Quant au droit à la vie privée des personnes célèbres, un sujet de grand intérêt lors des auditions de la Commission Leveson, le comité reconnaît qu’on doive l’interpréter de manière différente selon la notoriété de la personne en question. Si les médias peuvent, jusqu’à un certain point, couvrir certains faits qui relèvent de la vie privée des gens célèbres, on ne doit pas croire que ceux-ci n’ont à cet égard aucun droit. En outre, le comité a également proposé l’inclusion dans le code de déontologie d’une obligation d’aviser le sujet d’un article lorsqu’il y aura intrusion dans sa vie privée, sauf dans des cas exceptionnels.
Par souci d’assurer un meilleur accès à la justice aux citoyens, le comité a également conclu que le nouvel organisme chargé de la régulation de la presse devrait agir comme voie alternative pour prévenir et réparer une violation au droit à la vie privée.
Des changements importants au PCC ont également été proposés, visant, pour l’essentiel, à le doter de pouvoir de sanction et à garantir son indépendance à l’égard des médias qui le composent.
En effet, le comité suggère que les médias ne puissent plus unilatéralement s’en retirer, sous peine de sanctions. De plus, les membres de l’industrie seraient minoritaires au sein de l’organisme. D’autres membres, incluant le président, devraient venir de l’extérieur du milieu. Les membres du comité suggèrent également que le PCC ait le pouvoir d’ordonner la publication d’excuses dans un média membre, en déterminant la taille et l’endroit où le texte serait publié.
L’une des propositions les plus osées du rapport est certainement celle suggérant que les principaux annonceurs requièrent, avant d’y afficher leur publicité, que le média en question soit membre du PCC.
Finalement, le comité recommande que le PCC dispose d’un de pouvoir d’amendes, puisque, selon lui, les sanctions morales ne sont pas suffisantes pour décourager un média d’errer. Qui plus est, ce pouvoir ferait en sorte que les médias auraient davantage intérêt à consulter le PCC avant de publier des informations controversées.
Le comité n’a pas recommandé, pour le moment, que le nouvel organisme soit créé par une loi, mais réitère la menace qui plane déjà: si l’industrie échoue dans sa nouvelle tentative d’autorégulation, le gouvernement devrait alors considérer l’option législative. Entre-temps, une commission parlementaire devrait avoir comme mandat de veiller sur le processus de réforme.