Le 31 mai 1989. Le Conseil de presse du Québec a appris, avec la plus vive inquiétude, la mise en accusation du journaliste Doug Small de Global par la GRC, sous délit présumé de recel d’un document volé. Ce document, comme chacun le sait, était un résumé officiel du budget du gouvernement fédéral et a été à l’origine d’une fuite majeure qui a mis en cause la responsabilité et la crédibilité du Ministre des finances du Canada.
Cette décision de la GRC prise apparemment en consultation avec les représentants du procureur de la couronne, en Ontario, pose à nouveau les questions fondamentales de la protection des sources et du matériel journalistique.
Si la GRC projette, par cette décision, de se servir du journaliste pour le forcer à identifier en Cour la source qui lui a remis le document en question il faudra dénoncer à nouveau cette pratique avec la plus grande vigueur.
D’autre part, si la GRC engage par là « une expédition de pêche » auprès du journaliste en essayant de lui faire divulguer devant les tribunaux d’autres sources que celle connue qui auraient pu l’alimenter dans son travail, il faudra mobiliser contre pareille initiative tous les tenants de la liberté de la presse, tant dans les médias que dans l’opinion publique.
L’utilisation par un journaliste de documents confidentiels qui lui sont communiqués ou qu’il réussit à obtenir de son propre chef, doit être protégée si la liberté de l’information a un sens et exige de s’exercer à fond. De tels documents se trouvent ainsi soustraits à la mainmise privée ou publique sur leur teneur précise et détaillée, et se voient révélés au public par la médiation journalistique qui y a accès grâce à ses sources confidentielles.
Cette démarche des journalistes et des médias fait partie intégrante du processus d’information du public et doit être préservé à tout prix dans l’intérêt même d’une société qui se veut pleinement démocratique.
Un principe incontestable comme celui-là ne situe pas cependant médias comme journalistes au dessus de la loi et ne justifie en aucune manière de se livrer à des pratiques qui seraient tout à fait condamnables.
Voilà la vraie question : Dans les conditions même où s’est effectuée le « coulage » auprès du journaliste Doug Small de ce document, propriété d’État, le journaliste peut-il vraiment être accusé de complicité après le fait dans un acte supposément criminel posé par sa source d’information? Le Conseil affirme qu’il existe un danger réel à associer, même indirectement, la recherche et la détention d’informations à une activité criminelle. De telles pratiques auront pour conséquence le tarissement éventuel des sources d’information confidentielles essentielles à l’exercice de la profession journalistique.
Le Conseil aura d’ailleurs l’occasion de s’en expliquer abondamment lors de la présentation de son LIVRE BLANC sur la protection des sources et du matériel journalistiques lors de la Conférence des conseils de presse du Canada qui se tiendra à Québec, les 8 et 9 juin 1989.
Le Conseil de presse du Québec s’engage à suivre toute cette affaire de très près avec la plus grande vigilance et en tirera, en temps opportun, toutes conclusions nécessaires à la poursuite de son action dans l’affirmation de la liberté de la presse et du droit du public à l’information la plus complète possible.
SOURCES : M. Marc Thibault, Mme McNicoll