Plaignant
Mme Lorraine Turpin
Mis en cause
M. Mario Girard, directeur de l’information et le portail LaPresse.ca
Résumé de la plainte
Mme Lorraine Turpin dépose une plainte le 18 avril 2012, contre le portail LaPresse.com concernant une photographie, publiée le 18 avril 2012, accompagnant l’article sous le titre « Des soldats et des restes humains ». Elle dénonce le côté scabreux de la photo et se dit choquée que le site puisse donner accès si facilement à ces images que des enfants pourraient voir.
Analyse
Grief 1 : photographie à caractère violent
La plaignante dénonce la publication d’une photo qu’elle juge scabreuse. Cette photo montrait des soldats américains photographiés avec les restes d’un corps mutilé d’un Afghan.
De l’avis de Me Patrick Bourbeau, représentant de LaPresse.ca, cette nouvelle était d’intérêt public et la publication de cette photo était tout à fait pertinente. Me Bourbeau ajoute que la photographie est la représentation d’un dérapage manifeste de la part de certains soldats américains. Finalement, il termine en concluant que prise dans le contexte de l’article, la photo démontre le degré d’inconscience et du manque de respect dont peuvent faire preuve des soldats placés dans une situation de guerre.
Dans de tels cas, les médias doivent être attentifs à ne pas franchir la limite entre ce qui est d’intérêt public et ce qui relève de la curiosité publique. Dans le guide de déontologie du Conseil, il est énoncé : « Ils [les médias] doivent éviter tout sensationnalisme dans le traitement de ces événements et prendre garde de leur accorder un caractère démesuré, sinon amplifié, par rapport à leur degré d’intérêt public. Ils doivent éviter de mettre l’accent sur les aspects morbides, spectaculaires ou sensationnels de ces événements. » (DERP, p. 42)
Le Conseil comprend que les médias illustrent souvent la guerre par des photographies qui font réagir. Cependant, dans le cas présent, La Presse n’avait pas à publier une telle photographie pour illustrer l’horreur de cet épisode de la guerre en Afghanistan. En regard des normes socialement acceptables, trois des six membres du comité des plaintes jugent que la publication de la photographie, présentant des soldats tenant les restes d’un corps mutilé, mettait inutilement en évidence les aspects morbides, spectaculaires et sensationnels de cette réalité. Les trois autres membres ont exprimé une opinion contraire. Toutefois, à la suite du vote prépondérant de la présidente du comité des plaintes, le Conseil retient le grief pour photographie à caractère violent.
Le Conseil note cependant que le média a corrigé son erreur, moins de 24 heures plus tard, en brouillant la partie contestable de la photo.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Lorraine Turpin contre le site de LaPresse.ca, pour photographie à caractère violent.
Analyse de la décision
- C03D Emplacement/visibilité de l’information
Date de l’appel
4 April 2013
Appelant
Le site Internet lapresse.ca
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEF DE L’APPELANT
L’appelant conteste un grief de la décision de première instance :
- Grief 1 : photographie à caractère violent
Grief 1 : photographie à caractère violent – Selon Me Patrick Bourbeau, représentant l’appelant, La Presse avait le devoir de publier une photographie qui « illustre des actes absolument répréhensibles commis par des membres d’une coalition financée par les contribuables canadiens », comme elle l’a fait dans d’autres cas de dérapages militaires. Toujours selon l’appelant, taire l’existence de telles photos serait une insulte à la dignité humaine des victimes de conflit, tout en camouflant un aspect désagréable, mais réel de la guerre, sur laquelle le lecteur devrait être « pleinement informé ». Finalement, selon Me Bourbeau, de blâmer lapresse.ca pour avoir publié une « photographie à caractère violent » obligerait les médias à porter des ornières, au nom d’une fausse pudeur qui ne devrait pas avoir sa place lorsque confronté à des thématiques d’une importance aussi capitale.
L’intimée n’a soumis aucune réplique à l’appel.
Les membres du comité de première instance, au paragraphe [5] de la décision, concluaient : « En regard des normes socialement acceptables, trois des six membres du comité des plaintes jugent que la publication de la photographie, présentant des soldats tenant les restes d’un corps mutilé, mettait inutilement en évidence les aspects morbides, spectaculaires et sensationnels de cette réalité. Les trois autres membres ont exprimé une opinion contraire. Toutefois, à la suite du vote prépondérant de la présidente du comité des plaintes, le Conseil retient le grief pour photographie à caractère violent. »
Les membres de la commission d’appel ont évalué le caractère d’intérêt public de la photo et considèrent que la réalité de ces soldats, aussi cinglante soit-elle, n’en témoigne pas moins d’une réalité concrète et d’un intérêt public certain. Les membres infirment la décision du comité des plaintes.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel infirment la décision rendue en première instance.
Par conséquent et conformément aux règles de procédure, nous fermons le dossier cité en titre.