Plaignant
M. Félix Gingras Genest et M. Pierre-Michel Morais-Godin
Mis en cause
M. Michel Beaudry, chroniqueur; M. Dany Doucet, rédacteur en chef et Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
MM. Félix Gingras Genest et Pierre-Michel Morais-Godin déposent chacun une plainte le 4 octobre 2013, contre le chroniqueur Michel Beaudry et Le Journal de Montréal, concernant une chronique publiée le 2 octobre 2013, sous le titre « Stratégie ». Les plaignants y dénoncent des propos sexistes et inacceptables. De plus, M. Gingras Genest demande à ce que les mis en cause (1) publient des excuses dans la version papier journal, de même qu’en ligne; (2) accorde un espace publicitaire à un organisme œuvrant auprès des femmes victimes d’abus sexuels et (3) consacre un dossier sur la « culture du viol » dans les sociétés occidentales.
Le Journal de Montréal n’a fait parvenir aucune réplique en réponse à la plainte.
Analyse
Grief 1 : atteinte à la dignité humaine
Les plaignants condamnent les propos sexistes et inacceptables et une banalisation de l’agression sexuelle que tient Michel Beaudry dans un texte intitulé « Stratégie », plus particulièrement lorsqu’il écrit : « Avouez que les Femen ont de jolis seins. Naturels, belles formes rondes et fermes, si j’avais été agent de sécurité, je n’aurais pu m’empêcher de retenir une manifestante, justement et délicatement, en plaçant mes deux mains sur ses seins. Aux journalistes, j’aurais expliqué que c’était pour les cacher, mais vous savez très bien comme il est enivrant d’être derrière une femme et de tenir ses deux jolis seins dans les mains. L’utile et l’agréable. Quatre-vingt-dix pour cent des hommes et beaucoup de femmes m’auraient envié. » Les plaignants considèrent que par ces propos, le chroniqueur banalise la violence sexuelle envers les femmes et qu’il dépasse la limite permise de la liberté d’expression.
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil mentionne que : « Les médias […] doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent […] à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. » (DERP, p. 41)
Bien que le Conseil reconnaisse une grande latitude à l’exercice du journalisme d’opinion, cette dernière n’est pas absolue et doit notamment s’exercer dans le respect de la dignité humaine. Il ne fait aucun doute, aux yeux du Conseil, que le fantasme que décrit le chroniqueur est assimilable à une agression sexuelle : on peut difficilement interpréter autrement le fait d’exprimer le désir de profiter de l’arrestation d’une femme pour lui faire des attouchements sexuels. Banaliser un tel geste, comme le fait le chroniqueur en laissant entendre qu’à son avis, quatre-vingt-dix pour cent des hommes auraient bien aimé faire la même chose – voulant dire par là qu’un tel geste n’aurait rien d’anormal –, est extrêmement irresponsable, et ne saurait être excusé sous prétexte qu’il s’agissait d’un texte humoristique. Le Conseil considère que le chroniqueur a outrepassé les limites permises à la liberté d’expression.
En conséquence, le Conseil retient le grief d’atteinte à la dignité humaine.
Grief 2 : refus de demande d’excuses publiques, de publication d’un dossier sur la « culture du viol » et de publication d’un espace publicitaire
M. Gingras Genest demande au Journal de Montréal de publier des excuses dans la version papier et en ligne, de consacrer un dossier sur la « culture du viol » dans les sociétés occidentales et d’accorder un espace publicitaire à un organisme oeuvrant auprès des femmes concernées par l’abus sexuel.
Le Conseil souligne que son rôle se limite à déterminer si les journalistes ont commis des fautes déontologiques et qu’il ne se prononce pas sur les mesures à prendre une fois la faute constatée et jugée. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions en la matière, le grief pour demande d’excuses publiques, publication d’un dossier sur la « culture du viol » et publication d’un espace publicitaire n’a pas été traité.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréalson manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de MM. Félix Gingras Genest et Pierre-Michel Morais-Godin et blâme sévèrement le chroniqueur Michel Beaudry et le quotidien Le Journal de Montréal pour le grief d’atteinte à la dignité humaine.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le quotidien Le Journal de Montréal.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8. 2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
M. Vincent Larouche
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. David Johnston
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C17C Injure
- C24A Manque de collaboration