Plaignant
M. Pierre Dodin
Mis en cause
Mme Kathleen Lévesque; M. Mario Girard, directeur de l’information; La Presse et le site Internet lapresse.ca
Résumé de la plainte
M. Pierre Dodin dépose une plainte le 5 octobre 2013 contre la journaliste Kathleen Lévesque, le site Internet lapresse.ca et le quotidien La Presse concernant un article publié d’abord sur le web,le 4 octobre 2013, puis dans l’édition papier du journal, le 5 octobre 2013, sous le titre « La police se penche sur une plainte contre Projet Montréal ». Le plaignant dénonce une inexactitude, un manque d’équilibre ainsi que l’absence de rétractation.
Analyse
Dans le cadre de son analyse, le Conseil constate qu’il y a eu trois versions de cet article. La première, publiée sur le site Internet de lapresse.ca, s’intitulait « Des élus de Projet Montréal dans la mire de la police » et a été mise en ligne à 14 h 10, le 4 octobre. Une deuxième version de ce texte, toujours disponible sur le site Internet du quotidien au moment d’étudier la présente plainte, avait quant à elle pour titre « La police se penche sur une plainte contre Projet Montréal », et a été mise à jour à 19 h 21. Finalement, le 5 octobre, l’édition papier de La Presse publiait l’article, sous le titre « La police se penche sur une plainte contre Projet Montréal », et l’accompagnait d’un second texte, intitulé « Ça sent la politique ».
Grief 1 : information inexacte et manque d’équilibre
Selon M. Pierre Dodin, la liste des prétendus administrateurs de l’organisme Plateau Milieu de vie, que cite l’article en question, est erronée. Le plaignant souligne qu’une simple vérification auprès du Registraire des entreprises du Québec aurait permis à la journaliste de constater que les personnes nommées, dans son article, avaient plutôt été administrateurs au sein d’une autre entité, à savoir l’Observatoire participatif de l’environnement urbain, un organisme dissout le 15 août 2011. Il explique que sa charte a été modifiée pour constituer la fondation d’un nouvel organisme, Plateau Milieu de vie, mais que les administrateurs ont changé.
Le plaignant considère de plus que les administrateurs de l’organisme Plateau Milieu de vie ont été faussement accusés de malversation et de détournement de fonds et déplore que Mme Lévesque, à l’encontre de son devoir d’équilibre, n’ait pas communiqué avec les responsables de l’organisme afin d’obtenir leur point de vue.
Selon Me Patrick Bourbeau du bureau des affaires juridiques de La Presse, l’article est fondé sur un processus d’enquête et des méthodes journalistiques rigoureuses. Il précise, « qu’en toute bonne foi, Mme Lévesque s’est basée en grande partie sur le dossier de plainte qui a amené le Service de police de la Ville de Montréal [SPVM] à faire des vérifications visant des élus de Projet Montréal dont il est état dans l’Article ».Il relève que des sources policières avaient confirmé à Mme Lévesque que l’escouade de l’intégrité municipale du SPVM prenait la plainte au sérieux. Me Bourbeau précise que l’information jugée inexacte par le plaignant provenait de la plainte déposée au SPVM. Il considère que Mme Lévesque était justifiée d’en faire état. Me Bourbeau conclut que même si cette information devait s’avérer inexacte, cette inexactitude ne porte pas à conséquence sur le fond de la nouvelle, c’est-à-dire que des élus de Projet Montréal font l’objet de vérifications policières.
Réagissant à la réplique de Me Bourbeau, le plaignant précise que la présidente de l’organisme, Mme Linda Vallée, et lui ont protesté par courriel auprès de Mme Lévesque après avoir lu la première version de l’article, publiée sur Internet. Ce n’est qu’à ce moment que Mme Lévesque aurait communiqué avec les responsables de Plateau Milieu de vie. M. Dodin estime que Mme Lévesque n’a pas mené un processus d’enquête rigoureux et que, durant une campagne électorale municipale, les journalistes doivent être plus circonspects, suspicieux et étayer davantage leurs écrits.
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil souligne que les journalistes doivent prendre tous les moyens pour vérifier l’authenticité des informations qu’ils obtiennent de leurs sources. Lorsqu’il s’agit de questions controversées, le DERP rappelle qu’un traitement équilibré doit être accordé aux parties impliquées dans le dossier.
En consultant le Registraire des entreprises du Québec, le Conseil a rapidement pu confirmer les prétentions du plaignant concernant la composition du conseil d’administration de l’organisme visé dans l’article : en effet, aucune des quatre personnes mentionnées dans l’article n’agissait à titre d’administrateur de l’organisme Plateau Milieu de vie au moment de l’octroi de la première subvention le 7 mai 2012. Les informations publiées par la journaliste étaient donc complètement fausses.
Après discussion avec Mme Linda Vallée, présidente de Plateau Milieu de vie, le Conseil a également appris que la journaliste a publié cette information sans avoir contacté l’organisme visé par l’article, malgré la gravité des soupçons dont il fait l’objet : à savoir, des malversations et détournements de fonds publics. De plus, le Conseil a également appris que la journaliste, Mme Lévesque, a été contactée par Mme Vallée bien avant la publication, dans la version imprimée du journal, de l’article en question. Autrement dit, l’article est paru en dépit du fait que l’on savait pertinemment, du côté de La Presse, qu’il contenait d’importantes inexactitudes. À ce jour, ces inexactitudes n’ont toujours pas été corrigées sur le site Internet lapresse.ca.
Le Conseil retient le grief pour information inexacte et manque d’équilibre.
Grief 2 : absence de rétractation
Le plaignant rapporte avoir fait parvenir une demande de rétractation à Mme Lévesque, le 4 octobre 2013, après la publication de la première version en ligne. Il n’a reçu aucune réponse et constate que le texte n’a pas été modifié.
Dans son guide, le Conseil mentionne : « Les rétractations et les rectifications devraient être faites de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé. Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses. » (DERP, p. 46)
Considérant l’importance de la faute d’inexactitude et l’impact que pouvait avoir cette nouvelle sur le déroulement de la campagne électorale, le Conseil est d’avis que les mis en cause ont manqué à leur devoir déontologique en n’apportant pas les rectifications nécessaires. Le Conseil retient le grief pour absence de rectification.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Pierre Dodin et blâme la journaliste Kathleen Lévesque, le quotidien La Presse et le site Internet lapresse.ca pour les griefs d’informations inexactes, de manque d’équilibre et d’absence de rétractation.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentant des journalistes :
M. Luc Tremblay
Représentant des entreprises de presse :
M. David Johnston
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C19A Absence/refus de rectification