Plaignant
M. Normand Legault
Mis en cause
Mme Nathalie Boussion, éditrice et le mensuel Journal Altitude
Résumé de la plainte
M. Normand Legault dépose une plainte le 24 octobre 2013 contre Mme Nathalie Boussion, éditrice, et le Journal Altitude. Le plaignant juge que les mis en cause sont en situation de conflit d’intérêts à plusieurs égards et que la publication mensuelle diffuse de la publicité déguisée.
Analyse
Grief 1 : conflit d’intérêts
Dans un premier temps, M. Legault, conseiller municipal indépendant de Saint-Donat, relève plusieurs agissements de Mme Boussion qui ont contribué, selon lui, à la placer en conflit d’intérêts pendant la campagne électorale municipale de novembre 2013. L’éditrice, affirme-t-il, aurait fait du porte-à-porte avec une candidate de l’équipe de Richard Bénard, maire sortant et candidat à la mairie de Saint-Donat, aurait sollicité des organismes afin de publier un mot de remerciement pour le maire sortant de leur part et aurait signé le formulaire d’appui à la candidature de M. Bénard.
Dans sa réplique transmise au Conseil de presse, Mme Boussion admet ces faits. Elle justifie sa participation au porte-à-porte en notant que la candidate est « une amie de longue date », qu’elle a fait ce porte-à-porte sur une base personnelle et qu’elle en a informé toutes les équipes en lice aux élections.
Elle explique avoir contacté des organismes « en vue d’un reportage pour clarifier s’ils [les organismes] avaient bien reçu des montants d’argent provenant du Tournoi de Golf du maire ». Cette initiative de Mme Boussion a été prise en réaction à des articles parus dans le Journal de Montréal mettant en doute la gestion d’un fonds associé au Tournoi du maire de Richard Bénard.
Elle plaide, au sujet de la signature du formulaire d’appui à la candidature de M. Bénard, qu’elle a signé plusieurs autres mises en candidature, « ce qui selon elle « n’implique aucune prise de position puisque je suis la seule à savoir pour qui j’ai voté ».
Le Conseil de presse mentionne, dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP) : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. […] Tout laxisme à cet égard met en péril la crédibilité des organes de presse et des journalistes, tout autant que l’information qu’ils transmettent au public. » (DERP, p. 24)
Faire du porte-à-porte avec un candidat et signer un formulaire d’appui à une ou plusieurs candidatures sont, pour un représentant des médias, des gestes qui, par leur parti pris apparent, mettent en péril la crédibilité du média et de l’information qu’il diffuse.
Quant aux contacts que Mme Boussion a établis avec des organismes dans le cadre d’un « reportage », le Conseil constate que le produit final n’est qu’un collage de lettres d’appui au maire sortant, dépourvu de tout traitement journalistique et s’apparentant à une campagne promotionnelle pour le fonds du Tournoi de golf du maire de Saint-Donat, dont la gestion avait été mise en doute par le Journal de Montréal.
De l’avis du Conseil, Mme Boussion se place, par ces gestes qui traduisent un parti pris politique, dans une situation de conflit d’intérêts. Le grief pour conflit d’intérêts est retenu sur ces points.
Dans un deuxième temps, le plaignant souligne que le Journal Altitude bénéficie d’importants contrats avec la municipalité, dont il fournit la liste. Ces contrats consistent en des pages thématiques, cahiers spéciaux, bulletins municipaux, chroniques, avis publics et communiqués facturés par le Journal à la municipalité. Des contrats d’édition figurent également dans la liste.
La mis en cause fait valoir que la compagnie Altitude Communication, qui édite le Journal Altitude, offre des services d’infographie et d’impression et qu’une grande part des services facturés mis en lumière par M. Legault sont de cette nature.
Le Conseil ne considère pas qu’en soit, de tels contrats commerciaux créent une situation de conflit d’intérêts pour un média, si ces contrats respectent la frontière étanche qui doit protéger la rédaction. Il en va de même pour les contrats liés à l’achat d’espace par la municipalité pour la publication d’avis publics, mais aussi de chroniques, pages thématiques ou communiqués. Le grief de conflit d’intérêts est rejeté sur ce point.
Le plaignant rapporte d’autres événements remontant à 2009 et 2005, en lien avec le grief de conflit d’intérêts. En raison du délai de prescription de six mois, le Conseil n’a pas traité ces aspects du grief.
Au vu de tout ce qui précède, le grief de conflit d’intérêts est retenu pour le porte-à-porte, les démarches auprès de divers organismes et la signature d’un formulaire d’appui à une candidature par Mme Boussion.
Grief 2 : publicité déguisée
M. Normand Legault se questionne sur le fait que le Journal Altitude soit payé par la municipalité pour la publication de contenus tels que des communiqués ou des chroniques de divers services municipaux.
Pour le Conseil, la seule question d’ordre déontologique qui se pose à ce sujet est relative à la distinction qui se doit d’être faite entre l’information et la publicité. Dans le guide de déontologie, il est mentionné : « Les médias doivent établir une distinction nette entre l’information et la publicité sur tous les plans : contenu, présentation, illustration. Tout manquement à cet égard est porteur de confusion auprès du public quant à la nature de l’information qu’il croit recevoir. » (DERP, p. 31)
À l’examen de quelques éditions du Journal Altitude parues à l’automne 2013, le Conseil constate que de façon générale, la distinction entre les divers types de contenu est très floue : communiqués municipaux, chroniques commanditées plus ou moins bien identifiées, pages dédiées à la municipalité, textes à saveur promotionnelle et espaces de courtoisie accordés à des organismes communautaires côtoient des articles non signés dont il est impossible d’établir s’ils sont véritablement le fruit d’un travail journalistique tant ils se fondent dans un ensemble où tout se côtoie sans démarcation claire quant au contenu, à leur présentation et aux illustrations. Par exemple, la même typographie est utilisée pour tous ces contenus.
Le grief pour publicité déguisée est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Normand Legault contre l’éditrice Nathalie Boussion et le Journal Altitude, pour les griefs de conflit d’intérêts et de publicité déguisée.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger, présidente du comité des plaintes
M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
M. Éric Latour
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C21A Publicité déguisée en information
- C22B Engagement politique