Plaignant
M. Maxime Bergeron, journaliste, Mme Kathleen Lévesque, journaliste et le quotidien La Presse
Représentant du plaignant
Mis en cause
Résumé de la plainte
M. Maxime Bergeron et Mme Kathleen Lévesque, journalistes à La Presse, déposent une plainte le 27 mai 2014 à l’endroit de Martine Turenne, journaliste pigiste à Yahoo! Québec, au sujet d’un article paru le 15 mai 2014 et portant le titre « L’UPAC à Lac-Mégantic : nouveau chantier, nouvelle corruption? ». Les deux plaignants estiment que Mme Turenne a plagié le contenu d’un texte qu’ils ont cosigné, paru le même jour, sous le titre « L’UPAC enquête à Lac-Mégantic ».
Analyse
Grief 1 : plagiat
À l’aide d’un tableau comparatif, les deux journalistes de La Presse démontrent que de nombreuses phrases contenues dans leur texte ont été copiées de manière intégrale ou quasi intégrale dans l’article publié par Yahoo! Québec.
En réponse à la présente plainte, M. Stéphane Labrèche, éditeur, Actualités et Finance à Yahoo! Québec, fait l’admission suivante : « Bien que le texte publié sur Yahoo donne le crédit à La Presse, avec mentions de source et liens intégrés vers l’article original, il reproduit en effet plusieurs paragraphes de l’article original. Nous tenons à souligner que cette façon de faire n’est pas la norme chez Yahoo, et que nous n’encourageons d’aucune façon cette pratique auprès de nos pigistes. »
M. Labrèche ajoute que « Yahoo a immédiatement retiré l’article en question de ses archives et a contacté l’auteur de l’article. Nous avons pris action afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise ».
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil établit le cadre dans lequel il est acceptable d’utiliser le travail journalistique d’un autre auteur : « L’information rendue publique par un organe de presse peut parfois, dans le cadre de la démarche de recherche et de collecte des données d’un journaliste, servir de source d’information, de point de départ ou de complément de renseignements pour aller plus loin, faire un suivi, obtenir des réactions et déboucher sur d’autres perspectives, selon le cas. L’information qui en résulte généralement, fort différente dans sa forme et son contenu, ne relève en rien du plagiat ou du pillage d’un concurrent. » « Toutefois, le fait qu’une information soit diffusée dans un média ne justifie en aucun cas un autre média de la copier ou de la reproduire impunément sans en mentionner la provenance ou sans l’autorisation de l’auteur. Le fait d’effectuer des modifications à un texte original ne permet pas de se l’attribuer. Non seulement la Loi sur le droit d’auteur le réprouve, mais c’est là aussi une question d’éthique professionnelle. » (p. 34)
À la lecture des deux articles et du tableau comparatif fourni par les plaignants, le Conseil constate que l’article signé par Martine Turenne est constitué dans sa quasi-totalité de passages de l’article de La Presse réécrits très légèrement (permutations, reformulations mineures, modification de la ponctuation) et de plusieurs passages repiqués intégralement, sans l’utilisation de guillemets. Seuls le titre et les phrases d’amorce (« La corruption, de l’histoire ancienne au Québec? Pas vraiment. ») sont attribuables à Mme Turenne. Le Conseil a établi qu’au total, 94 % du texte est du repiquage intégral ou quasi intégral.
Le texte publié par Yahoo! n’apporte ni nouvelle perspective, ni recherche originale, suivi, nouveaux renseignements, ou réactions supplémentaires, par rapport à l’article de Mme Lévesque et de M. Bergeron.
Bien que La Presse soit mentionnée comme une source à quatre reprises dans le texte publié par Yahoo! Québec, le Conseil estime que dans un cas aussi poussé de reproduction intégrale, le fait de ne pas attribuer rigoureusement, par des guillemets, chaque passage du texte ainsi repris est une faute déontologique qui risque d’induire le public dans l’erreur quant au véritable auteur du texte.
Le Conseil s’interroge par ailleurs quant aux limites que devraient respecter les médias lorsqu’ils citent des articles écrits par d’autres. Est-il acceptable par exemple de publier un texte composé en totalité de citations, dûment placées entre guillemets, provenant d’un article publié dans un autre média, même si le texte est pleinement attribué? Lorsqu’il cite des extraits d’un reportage provenant d’un autre média, doit-il s’imposer un traitement minimal pour publier un texte? Dans le cas de la présente plainte, il aurait sans doute été souhaitable que l’autorisation des auteurs ait été obtenue. Le Conseil estime que dans un cas où les contraintes de la pratique journalistique ne permettent pas de bonifier une information, mieux vaut produire un très court résumé du contenu que l’on souhaite reprendre, et l’accompagner d’un hyperlien conduisant à la source citée.
Le Conseil salue la réaction diligente de Yahoo! Québec, qui a retiré l’article de ses archives, ainsi que son souci d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir. Néanmoins, le grief pour plagiat est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Maxime Bergeron et Mme Kathleen Lévesque contre la journaliste Martine Turenne et Yahoo! Québec, pour le grief de plagiat.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentant des journalistes :
M. Luc Tremblay
Représentant des entreprises de presse :
M. Gilber Paquette
Date de l’appel
26 January 2015
Appelant
Mme Martine Turenne, journaliste, M. Stéphane Labrèche, éditeur, Actualités et Finance et Yahoo! Québec
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEF DES APPELANTS
Les appelants contestent la décision de première instance relativement à un grief :
- Grief 1 : plagiat
Grief 1 : plagiat – Mme Martine Turenne demande à ce que toute référence à son nom soit retirée de la plainte. Mme Turenne explique qu’elle avait avisé l’éditeur, M. Stéphane Labrèche, de ne pas ajouter son nom au texte mis en cause, ni de photo lorsqu’il s’agit de traductions ou de recensions d’articles, comme c’était le cas dans le présent dossier, où seule la source première doit être mentionnée. L’éditeur de Yahoo Quebec seconde la demande d’appel de Mme Turenne.
Les membres du comité de première instance concluaient aux paragraphes [6, 7 et 8] : « À la lecture des deux articles et du tableau comparatif fourni par les plaignants, le Conseil constate que l’article signé par Martine Turenne est constitué dans sa quasi-totalité de passages de l’article de La Presse réécrits très légèrement (permutations, reformulations mineures, modification de la ponctuation) et de plusieurs passages repiqués intégralement, sans l’utilisation de guillemets. Seuls le titre et les phrases d’amorce (« La corruption, de l’histoire ancienne au Québec? Pas vraiment. ») sont attribuables à Mme Turenne. Le Conseil a établi qu’au total, 94 % du texte est du repiquage intégral ou quasi intégral.» « Le texte publié par Yahoo! n’apporte ni nouvelle perspective, ni recherche originale, suivi, nouveaux renseignements, ou réactions supplémentaires, par rapport à l’article de Mme Lévesque et de M. Bergeron. » « Bien que La Presse soit mentionnée comme une source à quatre reprises dans le texte publié par Yahoo! Québec, le Conseil estime que dans un cas aussi poussé de reproduction intégrale, le fait de ne pas attribuer rigoureusement, par des guillemets, chaque passage du texte ainsi repris est une faute déontologique qui risque d’induire le public dans l’erreur quant au véritable auteur du texte. »
Les membres de la commission ont pris connaissance de la demande d’appel qui introduit des éléments nouveaux selon lesquels Mme Turenne n’a produit qu’un résumé des textes publiés dans La Presse, qu’elle a demandé que l’article résumé soit identifié comme une production de La Presse, ce que la direction de Yahoo avait accepté et que c’est un employé de Yahoo Quebec qui a, malgré tout, publié la signature et la photo de Mme Turenne. Pour les membres de la commission, la responsabilité de Mme Turenne n’est aucunement engagée dans la faute déontologique commise par Yahoo Quebec et ils imputent l’entièreté de cette faute à l’éditeur.
En conclusion, les membres de la commission d’appel modifient la décision de première instance et rejettent le grief de plagiat contre la journaliste Martine Turenne.
RÉPLIQUE DES INTIMÉS
Les intimés soumettent n’avoir aucune réplique à formuler.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de modifier la décision de première instance sur le grief de plagiat en dégageant la journaliste Martine Turenne de toute responsabilité quant à la faute commise.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est retenu et le dossier cité en titre est fermé.
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Hélène Deslauriers
Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
Jean Sawyer
Représentants des entreprises de presse :
Denis Bélisle
Pierre Sormany