Plaignant
MM. Richard Lafortune, Patric Lenger, Maxime Vincen et Mme Catherine St-Martin
Mis en cause
M. Richard Martineau, chroniqueur, M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
MM. Richard Lafortune, Patric Lenger, Maxime Vincent et Mme Catherine St-Martin, ainsi que douze personnes en appui, déposent une plainte le 26 septembre 2014 contre le chroniqueur Richard Martineau et le quotidien Le Journal de Montréal concernant une chronique intitulée « Honte aux pompiers de Montréal! », publiée le 24 septembre 2014. Les plaignants déplorent une inexactitude, un manque de respect, des propos haineux et injurieux, une absence de rectification.
Un des plaignants demandait également à ce que M. Martineau présente des excuses. Le Conseil considère que la déontologie journalistique n’impose pas aux médias l’obligation de présenter des excuses, mais plutôt, lorsque nécessaire, un devoir de rétraction, de rectification ou d’accorder un droit de réplique. Le Conseil ne traitera donc pas ce grief de demande d’excuses.
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Dans cette chronique, M. Martineau commente les arguments présentés par les pompiers de Montréal pour justifier une augmentation du temps de réponse aux appels d’urgence.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Dans sa chronique, M. Martineau écrit : « Le trois minutes supplémentaires que vous prenez pour bouder coûtera peut-être la vie d’un homme. » Les plaignants soutiennent que cette donnée est erronée. M. Patric Lenger précise que le Service des incendies de Montréal a fait état d’une augmentation moyenne du temps de réponse de 30 à 40 secondes.
Dans son code de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil de presse rappelle que les chroniqueurs ne peuvent pas se soustraire aux exigences d’exactitude. « S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. » (p. 28)
Les vérifications du Conseil ont permis de constater que le chroniqueur a commis une inexactitude concernant l’augmentation du temps de réponse aux appels d’urgence. Selon les données présentées à la Commission des relations du travail par le Service des incendies de Montréal, cette augmentation variait entre 29 et 40 secondes, ce qui constitue un écart significatif par rapport à l’affirmation du chroniqueur, qui la chiffrait à 180 secondes (3 minutes).
Le Conseil retient le grief pour information inexacte.
Grief 2 : manque de respect et propos haineux et injurieux
La plaignante, Mme Catherine St-Martin, estime que le chroniqueur a manqué de respect envers les pompiers en concluant sa chronique par : « J’ai deux mots à vous dire. Le second est YOU. Et le premier commence par F et finit par K. » Elle écrit : « Un journaliste qui a une si grande tribune devrait faire attention à ses propos… Il y a des limites et il les a dépassé!!! » (sic)
De son côté, M. Patric Lenger considère que le chroniqueur conclut son texte en adressant des propos haineux aux pompiers.
Dans son guide de déontologie, le Conseil accorde aux journalistes d’opinion une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue. Cependant, « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris […] » (DERP, p. 41)
Le Conseil considère que les propos pointés par le plaignant ne sont ni haineux ni injurieux. Cependant, le Conseil estime qu’en écrivant « J’ai deux mots à vous dire. Le second est YOU. Et le premier commence par F et finit par K. », le chroniqueur manque de respect envers les pompiers. Le Conseil est d’avis que les débats doivent se faire tout en respectant la dignité des personnes défendant un point de vue divergent.
Au vu de ce qui précède, le grief pour propos haineux et injurieux est rejeté. Celui pour manque de respect est retenu.
Grief 3 : absence de rectification
M. Richard Lafortune affirme avoir demandé au chroniqueur, par écrit, de rectifier l’information concernant l’augmentation du temps de réponse.
Le DERP stipule que « les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses». (p. 46)
Compte tenu de l’inexactitude commise, le Conseil estime que le média se devait d’apporter une rectification.
Le grief pour absence de rectification est retenu.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au quotidien Le Journal de Montréal son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de MM. Richard Lafortune, Patric Lenger, Maxime Vincent et Mme Catherine St-Martin contre le chroniqueur Richard Martineau et le quotidien Le Journal de Montréal pour les griefs d’information inexacte, manque de respect et absence de rectification. Cependant, il rejette le grief pour propos haineux et injurieux.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Montréal.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Denis Guénette
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C17C Injure
- C19A Absence/refus de rectification
- C24A Manque de collaboration