Plaignant
M. Abraham Weizfeld
Mis en cause
Mme Josée Boileau, rédactrice en chef et le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
M. Abraham Weizfeld, membre de l’exécutif du Parti vert du Québec, dépose une plainte le 29 septembre 2014 au sujet d’un bref article paru dans Le Devoir du 17 mai 2014. Le texte n’est pas signé et porte le titre : « Chicane chez les verts ». Il fait état d’une poursuite que l’ancien chef du Parti vert du Québec (PVQ) compte intenter contre son ex-parti. M. Weizfeld estime que le mis en cause a injustement publié une information inexacte en plus de déplorer un manque d’équilibre et un refus de droit de réplique.
Analyse
Grief 1 : publication injustifiée d’une information inexacte
M. Weizfeld reproche aux mis en cause d’avoir publié un article comportant de fausses accusations à l’égard du PVQ.
Mme Josée Boileau fait observer que « si la nouvelle était fautive, aucune des deux personnes nommées dans la brève, ou quelqu’un les représentant officiellement, ne nous a contactés à cet effet ».
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule que les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements.
Malgré l’imprécision du plaignant, on devine que lorsqu’il fait référence à de « fausses accusations », il désigne en fait les propos de l’ancien chef du PVQ, Claude Sabourin, cités dans l’article, selon lequel « [Le PVQ est] dirigé de manière non professionnelle et antidémocratique » et « le nouveau chef, Alex Tyrrell, utilise des méthodes dignes de « Staline » ».
Après examen du dossier, le Conseil constate que le mis en cause a rapporté fidèlement les accusations formulées par M. Sabourin à l’égard du PVQ et qu’il était d’intérêt public d’informer son lectorat sur le fait qu’un ancien chef tienne des propos aussi durs contre son ancien parti. Quant à savoir si de telles accusations sont fondées ou non, le Conseil juge que le média n’avait pas à vérifier la véracité d’un point de vue qui relève bien davantage de l’opinion que des faits.
Pour toutes ces raisons, le grief pour publication injustifiée d’une information inexacte est donc rejeté.
Grief 2 : manque d’équilibre
M. Weizfeld estime que le journal Le Devoir a fait preuve de manque d’équilibre en ne faisant état, dans l’article visé, que du point de vue de M. Sabourin. Selon le plaignant, il aurait fallu tenir compte de la version des faits du PVQ et de son chef actuel.
Mme Boileau fait valoir que l’article n’était « pas un reportage élaboré ou une analyse, mais simplement une brève nouvelle ». Elle souligne qu’« il relève de la discrétion des organes de presse et des journalistes de décider de quelle manière une nouvelle sera traitée » et que « Le Devoir a choisi, comme c’est son droit, de ne consacrer [au sujet] que quelques lignes et non d’en faire une longue histoire avec tenants et aboutissants ».
Dans son guide DERP, le Conseil note que « quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité ». (p. 26)
Par ailleurs : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition.» (p. 26)
Dans le cas présent, la nouvelle portait sur l’intention de l’ex-chef du PVQ, M. Claude Sabourin, de poursuivre ce parti. Le texte relate les motifs de la poursuite et cite des propos critiques de M. Sabourin à l’endroit du parti et de son nouveau chef, M. Alex Tyrrell. Le texte ne présente pas le point de vue du PVQ, ni celui d’Alex Tyrrell, visé par les propos cités dans l’article.
Bien qu’il soit de la prérogative des médias de choisir l’angle de traitement, ce droit ne soustrait pas les rédactions à leur devoir d’équilibre, notamment lorsque le sujet traité est un conflit entre des parties. Le Conseil est d’avis qu’il était indiqué, dans ce cas où il est question d’une poursuite judiciaire à venir et de l’importance des critiques formulées, d’assurer l’équilibre de la nouvelle en rapportant le point de vue de l’autre partie impliquée, soit celui du PVQ et de son nouveau chef.
Le Conseil estime par ailleurs que tout comme il a été possible de résumer brièvement le point de vue de M. Sabourin, il aurait été possible de rapporter celui des autres parties impliquées dans le conflit de façon concise, en demeurant dans les limites propres à une nouvelle brève. Le Conseil note que bien que le média avait le devoir de réaliser l’équilibre des points de vue relativement à cette nouvelle, il avait la liberté de le faire à un autre moment. Cependant, il ne l’a pas fait, ni au moment de la publication de l’article contesté, ni à une autre occasion.
Le grief pour manque d’équilibre est retenu, à la majorité (4/5). Un membre du comité a exprimé sa dissidence sur ce point.
Grief 3 : refus de droit de réplique
M. Weizfeld signale qu’il a réclamé à deux reprises un droit de réplique en demandant au mis en cause de publier la lettre qu’il lui a transmise. Le Devoir a refusé de publier sa lettre.
Mme Josée Boileau note que le plaignant ne demandait pas de corriger une erreur dans sa lettre. Elle ajoute que la lettre était confuse et incompréhensible et ne pouvait être publiée pour cette raison.
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne que « Les médias et les journalistes ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qu’ils ont publiée ou diffusée. Ils doivent, lorsque cela est à propos, permettre aux personnes, groupes ou instances de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet ou qui les ont directement ou indirectement mis en cause». (DERP, p. 38)
Le Conseil constate que le plaignant a omis d’indiquer au journal qu’il était membre de l’exécutif du Parti vert, directement touché par l’article contesté. Considérant cette première remarque et le fait que la lettre soumise était confuse, le Conseil juge que Le Devoir n’a pas commis de faute déontologique en refusant d’accorder au plaignant un droit de réplique.
Le grief pour refus de droit de réplique est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité (4/5), la plainte de M. Abraham Weizfeld contre le quotidien Le Devoir pour le grief de manque d’équilibre. Cependant, il rejette les griefs de publication injustifiée d’une information inexacte et refus de droit de réplique.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Denis Guénette
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C19A Absence/refus de rectification