Plaignant
MM. Cédric Villeneuve et Maxime Drouin
Mis en cause
Mme Claudie Côté, journaliste, M. Serge Fortin, vice-président, information, l’émission « J.E. » et le Groupe TVA
Résumé de la plainte
MM. Cédric Villeneuve et Maxime Drouin déposent une plainte le 13 novembre 2014 contre la journaliste Mme Claudie Côté et l’émission « J.E. » concernant le reportage « Limites de vitesse dangereuses? », diffusé le 7 novembre 2014. Les plaignants dénoncent une information inexacte et incomplète et un refus de retrait d’émission.
Les plaignants constatent que certains gestes posés par les journalistes, dans le reportage, enfreignent le Code de la sécurité routière. Sur le site Internet de l’émission, le texte accompagnant le lien vidéo invite le public à faire le test effectué dans ledit reportage, c’est-à-dire rouler dans la voie de gauche, normalement réservée aux dépassements, tout en respectant la limite de vitesse. Les plaignants considèrent qu’on incite ainsi les automobilistes à contrevenir au Code de la sécurité routière. Le Conseil constate qu’aucune disposition de son guide de déontologie ne lui permet de prendre position sur ce point. Le Conseil ne traitera donc pas de ce grief.
Le Groupe TVA a refusé de répondre à la présente plainte.
Dans le reportage mis en cause, la journaliste cherche à observer la réaction des automobilistes lorsqu’un conducteur respecte les limites de vitesse.
Analyse
Grief 1 : information inexacte et incomplète
Les plaignants estiment qu’il est inexact de dire que la journaliste et ses deux accompagnateurs ont respecté la loi et roulé en toute légalité. Selon eux, le conducteur du véhicule contrevient aux articles 324 et 325 du Code de la sécurité routière puisqu’il circule dans la voie de gauche à une vitesse inférieure à la vitesse moyenne des autres automobilistes.
Le guide de déontologie du Conseil de presse du Québec, Droits et responsabilités de la presse (DERP) rappelle que les journalistes « ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements ». (p. 21)
Le Conseil observe que le but du reportage de « J.E. » était de vérifier la réaction des automobilistes qui partagent la route avec un véhicule roulant à la vitesse maximale permise par la loi. L’animateur, Paul Larocque, introduit d’ailleurs le reportage en affirmant : « rouler en toute légalité est parfois un sport dangereux » puisque, lors du tournage, l’équipe journalistique a effectivement rencontré plusieurs automobilistes en colère contre le véhicule qui circulait à la vitesse maximale légale.
Le Conseil constate par ailleurs que le conducteur qui effectuait le test pour « J.E. » utilisait souvent la voie de gauche et celle du centre en roulant à une vitesse nettement inférieure à la vitesse moyenne des autres automobilistes, ce qui contreviendrait à la loi pour ce type de route utilisée.
Puisqu’il ne peut pas déterminer lui-même si le comportement de l’automobiliste au cœur du reportage de « J.E. » était légal ou non, le Conseil a consulté plusieurs spécialistes en cette matière (Sûreté du Québec, SAAQ, CAA, jugements de Cour). Au terme de cette consultation, le Conseil constate que juridiquement il s’agit ici d’une question ambiguë où certaines dispositions du Code de la route semblent s’opposer entre elles et ne sont pas appliquées à la lettre par les policiers. Plus concrètement, personne n’a été capable de nous dire formellement si un automobiliste qui roule dans la voie de gauche, à la vitesse maximale permise, sur une section d’autoroute où la vitesse permise est inférieure à 80 km/h, commet une infraction au Code de la sécurité routière.
Devant cette situation, le Conseil ne peut conclure en toute certitude que le mis en cause a diffusé une information inexacte en affirmant que l’automobiliste impliqué dans leur reportage respectait la loi. Le grief pour information inexacte est rejeté.
Il semble cependant clair, aux yeux du Conseil, que le reportage a été incomplet en n’expliquant pas clairement aux téléspectateurs les dispositions du Code de la sécurité routière (articles 324 et 325) qui étaient également impliquées par la conduite observée dans le reportage. Ces dispositions concernent les obligations des automobilistes dans le choix de la voie de circulation qu’ils doivent emprunter en roulant sur les routes. La colère des automobilistes, observée dans le reportage, s’expliquait également par le fait que la voiture roulait dans la voie de gauche ou celle du centre sur l’autoroute. Le grief pour information incomplète est retenu à la majorité (5/7). Deux membres expriment leur dissidence sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’information inexacte est rejeté. Cependant, le grief d’information incomplète est retenu à la majorité (5/7).
Grief 2 : refus de retrait d’émission
De l’avis des plaignants le reportage devrait être retiré du site Internet.
Le DERP mentionne qu’il « relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques ». Il rappelle également que « les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses ». (p. 46)
Le Conseil estime qu’il ne lui appartient pas de décider du meilleur moyen pour corriger une erreur. Cependant, compte tenu de l’incomplétude commise, le Conseil estime que le média avait l’obligation de corriger son erreur.
Le grief de refus de retrait d’émission est rejeté.
Refus de collaborer
Le Groupe TVA n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Groupe TVA son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, des plaintes le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité, la plainte de MM. Cédric Villeneuve et Maxime Drouin contre la journaliste Claudie Côté, l’émission « J.E. » et le Groupe TVA pour le grief d’information incomplète. Cependant, les griefs d’information inexacte et de refus de retrait d’émission sont rejetés.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre aux présentes plaintes, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
Mme Micheline Pepin
M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C19A Absence/refus de rectification
- C24A Manque de collaboration