Plaignant
M. Billy St-Pierre
Représentant du mis en cause
M. Richard Courchesne, animateur, l’émission « Le retour de radio X », la station CKYK 95,7 FM Radio X et M. Raynald Brière, président et chef de la direction, RNC Media
Résumé de la plainte
M. Billy St-Pierre dépose une plainte le 21 janvier 2015 contre l’animateur Richard Courchesne et l’émission « Le retour de radio X » diffusée sur les ondes de CKYK 95,7 FM Radio X, le 15 janvier 2015. Le plaignant déplore un conflit d’intérêts et de l’autocensure.
La station CKYK 95,7 FM Radio X n’a fait parvenir aucune réplique en réponse à la plainte.
Dans l’extrait mis en cause, l’animateur prévient les auditeurs qu’il ne prendra jamais parti au sujet du lock-out opposant plusieurs concessionnaires automobiles du Saguenay-Lac-Saint-Jean aux employés de garage, parce qu’à titre d’annonceurs, les concessionnaires payent 40 % de son salaire. L’animateur affirme qu’il en est de même dans tous les médias.
Analyse
Grief 1 : conflit d’intérêts et autocensure
Le plaignant estime que l’animateur démontre un conflit d’intérêts et contrevient à l’article sur l’absence d’autocensure du guide de déontologie du Conseil de presse du Québec puisqu’il « avoue publiquement qu’il ne parle pas contre ceux qui paient une partie de son salaire ». Le plaignant considère qu’en ne parlant pas contre les concessionnaires, l’animateur affiche un parti pris dans ce conflit de travail.
Le guide de déontologie du Conseil de presse du Québec, Droits et responsabilités de la presse (DERP) stipule que les médias et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts : « Il est impérieux de préserver la confiance du public quant à l’indépendance et à l’intégrité de l’information qui lui est livrée et envers les médias et les professionnels de l’information qui la collectent, la traitent et la diffusent. » (p. 24)
Le DERP précise également que les journalistes ne doivent pas s’autocensurer ou céder aux pressions d’un pouvoir extérieur : « La presse ne peut se permettre de taire ou de donner une image déformée des faits sous prétexte qu’ils sont l’objet de quelque tabou ou qu’ils sont susceptibles de compromettre certains intérêts particuliers. […] Il en est de même si les entreprises de presse imposent à leurs journalistes des consignes de silence subtiles ou fermes, ou exercent sur eux des pressions les engageants à taire une information ou à la traiter selon leurs intérêts politiques, commerciaux ou autres, ou encore boycottent certains individus ou groupes, ou fondent leurs choix rédactionnels sur des motifs partisans. » (p. 23)
Concernant la publicité, le DERP souligne : « Il relève de la prérogative de l’éditeur d’établir la politique d’un organe d’information en matière de publicité. Toutefois, en regard du rôle de la presse en matière d’information et en vertu du droit du public à l’information, les préoccupations commerciales et économiques qui peuvent présider au choix de la publicité publiée ou diffusée ne doivent en aucun cas influencer la politique rédactionnelle des organes d’information. » (p. 31)
À l’écoute de l’émission, le Conseil constate que l’animateur affirme : « sachez que 40 % de notre salaire […] est défrayé par les différents concessionnaires automobiles de la région qui achètent de la publicité ici même. […] Je vous le dis en toute transparence, en toute franchise… Moi j’ai appris une chose dans la vie, on ne mord pas la main qui nous nourrit. Vous ne m’entendrez jamais parler contre les patrons. » Il poursuit en rapportant la discussion qu’il a eue avec des syndiqués qu’il est allé rencontrer : « Moi, j’essayais de leur faire comprendre, c’est parce qu’eux autres, les concessionnaires automobiles, c’est eux autres qui payent, c’est quasiment la moitié de ma paye d’animateur de radio, comprends-tu? Faque, c’est ben de valeur, mais vous m’entendrez jamais parler contre les concessionnaires automobiles. »
Le Conseil constate que l’animateur justifie ouvertement son refus de prendre position dans ce conflit de travail en invoquant les contrats publicitaires liant la station radiophonique et les concessionnaires. Aux yeux du Conseil cela signifie que l’animateur a placé ses intérêts personnels et les intérêts commerciaux de la station devant l’intérêt public. S’il est vrai que l’animateur n’avait pas l’obligation de prendre position dans ce conflit, il n’en demeure pas moins que cette décision ne pouvait être basée sur l’existence d’importants contrats publicitaires. La transparence dont il fait preuve n’excuse pas son choix de se placer ainsi en situation de conflit d’intérêts et de s’autocensurer. Le Conseil rappelle d’ailleurs que les médias doivent s’assurer de dresser des frontières étanches entre les salles de rédaction et les départements de ventes.
Le Conseil retient le grief de conflit d’intérêts et d’autocensure.
Refus de collaborer
La station CKYK 95,7 FM Radio X a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche à la station CKYK 95,7 FM Radio X son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte la concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Billy St-Pierre et blâme l’animateur Richard Courchesne et la station CKYK 95,7 FM Radio X concernant le grief de conflit d’intérêts et d’autocensure.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme la station CKYK 95,7 FM Radio X.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
Mme Caroline Belley
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. Gilber Paquette
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux
- C22C Intérêts financiers
- C24A Manque de collaboration