Plaignant
M. Felix C. Reyes
Mis en cause
M. Fred Magallanes, propriétaire, rédacteur en chef, journaliste et The Filipino Forum
Résumé de la plainte
M. Fred Magallanes et le Filipino Forum abordent à répétition, depuis mai 2014, le sujet d’une somme de 250 $ dont M. Felix C. Reyes, ex-président de la Fédération des associations Canado-Philippines du Québec, se serait illégitimement appropriée. Ces 250 $ provenaient d’une activité de collecte de fonds s’inscrivant dans l’événement Tri-City Picnic, qui se tient annuellement à Long Sault, en Ontario. Dans les articles visés par la plainte, ce sujet est à nouveau abordé. Ces textes sont tous très critiques envers M. Reyes et la Fédération qu’il présidait. Les sujets de l’élection du successeur de M. Reyes et des divisions au sein de la Fédération qui en ont découlé sont également abordés. M. Reyes reproche à M. Fred Magallanes une inexactitude, un manque d’équilibre, de l’acharnement ainsi qu’une atteinte à sa réputation et à la crédibilité de la Fédération.
Le plaignant documente sa plainte à l’aide de plusieurs articles publiés par le Filipino Forum. En raison du délai de prescription ou d’une absence de lien avec les griefs formulés, des articles ont été exclus de l’analyse. Seuls les cinq articles suivants sont pris en compte : « Former Federation president is still living in a dream world » (édition novembre-décembre 2014); « More of Ed Tupaz’s inexplicable actions » et « Tupaz, Reyes losing even more legitimacy in the eyes of the community » (édition mars 2015); « Reyes’s antics causing turmoil in the Federation and the community » (édition avril-mai 2015) et « Felix Reyes needs to come clean with Tri-City Picnic funds » (édition mai-juin 2015).
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation et la diffamation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions à ce titre, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Analyse
Grief 1 : inexactitude
M. Reyes soutient que M. Magallanes et le Filippino Forum font erreur en affirmant dans plusieurs des articles visés qu’il s’est approprié illégitimement un montant de 250 $.
Le plaignant admet avoir reçu une telle somme, en lien avec l’événement Tri-City Picnic. Cependant, il affirme l’avoir déposée dans le compte bancaire de la Fédération et soumet au Conseil, pour appuyer ses dires, l’ordre du jour d’une réunion de la Fédération où il est fait mention de ce dépôt.
M. Reyes affirme qu’il était légitime que cette somme soit récupérée par la Fédération, puisque cet organisme a toujours représenté Montréal dans le cadre du Tri-City Picnic. Pour appuyer cette affirmation, le plaignant fournit au Conseil une lettre de la Ville de Montréal établissant, selon lui, la reconnaissance de la Fédération comme organisme représentant Montréal pour l’événement Tri-City Picnic. Il fournit également une affiche annonçant l’événement et portant l’en-tête de la Fédération.
De son côté, M. Magallanes allègue que la Fédération ne représente plus Montréal depuis 1999. Selon lui, l’argent issu du Tri-City Picnic doit être remis au coordonnateur de l’événement pour Montréal.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (p. 26)
À la lecture des articles et de la documentation soumise par le plaignant, le Conseil constate les tensions et divisions au sein de la communauté philippine montréalaise. La scission de la Fédération en 2014 reflète ce fait de façon frappante. La légitimité de l’une ou de l’autre faction de la Fédération apparaît comme un sujet de discorde récurrent au sein de la communauté.
Dans ce contexte, et face aux éléments de preuve insuffisants, le Conseil s’estime incapable de trancher dans ce dossier, quant à savoir à qui, de la Fédération ou du coordonnateur montréalais, revient la prérogative de recueillir l’argent de l’événement Tri-City Picnic. De plus, cette question du droit de gestion de fonds n’appartient pas, aux yeux du Conseil, à la sphère de la déontologie journalistique, mais bien au droit et aurait lieu d’être tranchée par un tribunal judiciaire.
Pour ces raisons, le Conseil ne rend pas de décision relativement au grief d’inexactitude.
Grief 2 : manque d’équilibre
M. Reyes soutient que « lui [M. Fred Magallanes] ou n’importe quelle autre personne ne [l]’ont jamais contacté pour [le] questionner au sujet du 250 $ ».
Ayant dans un premier temps affirmé au Conseil qu’il avait tenté de contacter M. Reyes par téléphone, M. Magallanes a finalement expliqué qu’il n’avait pas essayé de le joindre pour obtenir sa version des faits.
On peut lire, dans le guide DERP : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (p. 26)
Le Conseil constate que les arguments sur lesquels s’appuie M. Reyes pour affirmer que la gestion de l’argent revient à la Fédération ne sont mentionnés dans aucun des articles abordant le sujet de la somme de 250 $.
Selon le Conseil, ce seul fait démontre, de la part des mis en cause, un manque d’équilibre dans le traitement de l’information.
Le grief de manque d’équilibre est donc retenu.
Grief 3 : acharnement
M. Reyes estime que M. Magallanes utilise le Filippino Forum pour s’acharner sur lui et la Fédération qu’il a présidée de 2012 à 2014. Le plaignant s’appuie sur une dizaine d’articles publiés sur une période d’un an, soit de mai 2014 à mai 2015.
Dans son guide DERP, le Conseil souligne que : « Le public est en droit de s’attendre à ce qu’ils [les médias et les journalistes] n’abusent pas de leur fonction ni de leur latitude pour imposer leurs points de vue personnels et écarter ceux qui n’y correspondent pas. Sans recourir à l’autocensure, les [médias et les journalistes] doivent éviter de se laisser guider par leurs préjugés, leurs intérêts personnels ou leurs inimitiés. » (p. 29)
Le Conseil constate que les textes visés par la plainte et publiés entre novembre 2014 et mai 2015 dépeignent un portrait négatif de M. Reyes ou de la Fédération qu’il présidait, en abordant soit la question du 250 $, de l’incompétence de M. Reyes à titre de président de la Fédération, ou de la non-légitimité de la Fédération désormais présidée par M. Ed Tupaz.
Le Conseil reconnaît que six autres articles soumis par le plaignant, dont la publication s’échelonne de mai 2014 à septembre 2014, dépeignent également un portrait négatif du plaignant, et les mêmes sujets sont abordés. Bien que ces derniers articles ne soient pas analysés par la plainte en raison du délai de prescription, ils permettent d’apprécier la période de temps (un an) et la fréquence (10 articles en un an) à laquelle les mêmes sujets ont été traités par les mis en cause.
Selon le Conseil, ces faits alimentent amplement la thèse défendue par le plaignant selon laquelle M. Magallanes et son journal ont fait preuve d’acharnement contre lui et la Fédération.
Le grief d’acharnement est donc retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Felix Reyes et blâme M. Fred Magallanes et le Flipino Forum, pour les griefs de manque d’équilibre et d’acharnement. Cependant, le Conseil ne rend pas de décision relativement au grief d’inexactitude, en raison de preuves insuffisantes et du caractère juridique du sujet en litige.
Le Conseil tient par ailleurs à noter que la présente plainte est la cinquième traitée par le Conseil impliquant M. Magallanes et le Filipino Forum. Dans le cas présent et dans trois autres cas, la Fédération et sa présidence ont initié la plainte. Le Conseil constate, comme il l’a déjà fait dans le passé, notamment en 2007, que ces plaintes s’inscrivent dans un contexte de conflit persistant dans la communauté philippine montréalaise.
Les décisions prises par le Conseil s’inscrivant uniquement dans un contexte de déontologie journalistique, il est important de préciser qu’elles ne peuvent d’aucune façon être interprétées comme un appui à l’une ou l’autre des parties. Aussi, afin d’éviter d’être instrumentalisé dans des conflits n’ayant rien à voir avec la déontologie, le Consil se réserve le droit de ne pas traiter de futurs dossiers, en totalité ou en partie, impliquant la Fédération et le Filipino Forum.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Micheline Rondeau-Parent
- Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
- M. Marc-André Sabourin
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C23J Intimidation/harcèlement