Plaignant
Mme Karine Sauvé
Mis en cause
M. Nicolas Saillant, journaliste et photographe, M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Mme Karine Sauvé dépose une plainte le 6 novembre 2015 contre le journaliste et photographe Nicolas Saillant, de même que le quotidien Le Journal de Québec, concernant une photographie juxtaposée à l’article intitulé « “Je veux lui voir la face, je veux un nom” – Monia Sauvé espère que la police arrêtera le meurtrier de son père, Robert Lepage, assassiné samedi », publié le 21 mai 2014. La plaignante dénonce une atteinte à sa dignité humaine.
Le Journal de Québec a refusé de répondre à la présente plainte.
Pour justifier que sa plainte ait été déposée un an et demi après la publication de l’article, la plaignante souligne qu’il a été très difficile pour elle de se remettre de l’assassinat de son père et qu’elle vient tout juste de trouver la force de porter plainte contre le journaliste. Conformément à son règlement, qui permet de surseoir à l’application du délai de prescription de trois mois, le Conseil a jugé que la situation de la plaignante présentait un caractère exceptionnel justifiant pleinement de recevoir la présente plainte malgré son dépôt tardif.
La photographie visée par la présente plainte montre la plaignante vomissant à l’extérieur de la maison où le cadavre de son père a été découvert.
Analyse
Grief 1 : atteinte au droit à la dignité
Mme Karine Sauvé reproche au journaliste d’avoir publié une photographie la montrant vomissant à l’extérieur de la maison où le cadavre de son père a été retrouvé. Elle souligne qu’à plusieurs reprises elle a mentionné au journaliste de la laisser tranquille et que ce n’était pas le moment de l’interroger. Elle déplore qu’il ait tout de même pris une photo sans son consentement.
Le Guide de déontologie journalistique mentionne à l’article 18 (1) (Drames humains) : « Les journalistes et les médias d’information font preuve de retenue et de respect à l’égard des personnes qui viennent de vivre un drame humain et de leurs proches. Ils évitent de les harceler pour obtenir de l’information et respectent leur refus d’accorder une entrevue. »
Dans plusieurs de ses décisions, le Conseil soulignait les précautions à prendre lors de la publication d’informations sensibles. Comme le mentionne l’ancien guide de déontologie du Conseil, les Droits et responsabilités de la presse : « Que ce soit lors de la collecte, du traitement ou de la diffusion de l’information, les médias et les journalistes doivent faire preuve de prudence, de discernement et de circonspection. Ils doivent se soucier d’informer réellement le public, et doivent faire les distinctions qui s’imposent entre ce qui est d’intérêt public et ce qui relève de la curiosité publique. » (p. 42) Le Conseil considère, dans le présent cas, que la publication de cette photographie tire profit d’un instant de grande vulnérabilité de la dame et porte ainsi atteinte à son droit à la dignité. Ainsi, pour le Conseil la publication de cette photographie relève davantage d’une curiosité malsaine que d’un intérêt public légitime.
Le grief d’atteinte au droit à la dignité est retenu.
Refus de collaborer
Le Journal de Québec a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil déplore le fait que le quotidien Le Journal de Québec ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Karine Sauvé et blâme le journaliste Nicolas Saillant et Le Journal de Québec pour le grief d’atteinte au droit à la dignité.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
- M. Philippe Teisceira-Lessard
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Jed Kahane
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C17G Atteinte à l’image
- C24A Manque de collaboration