Plaignant
Radio Inter-Cité
Représentant du plaignant
M. Franklin Delaney (président, Radio Inter-Cité)
Mis en cause
CJLM-AM [Joliette]
Résumé de la plainte
Radio Inter-Cité reproche à sa filiale CJLM de ne pas avoir diffusé une entrevue réalisée par son correspondant à la Galerie de la presse, le 13 juin 1973, avec le député Lucien Lessard. Cette entrevue s’inscrit dans un débat opposant le député Lessard au ministre Robert Quenneville. En décidant de ne pas la diffuser, alors qu’elle a rapporté la veille la position des deux parties, la station pose un geste de censure et brime le droit du public à l’information.
Faits
Les dirigeants de Radio Inter-Cité, devant les accusations de censure de l’information portées par différents organismes et par la presse contre leur filiale, le poste CJLM-Joliette, ont décidé d’en référer au Conseil de presse du Québec. Ces accusations découlaient de la non diffusion d’une entrevue réalisée par le correspondant de CJLM à la Galerie de la presse avec le député de la circonscription du Saguenay, monsieur Lucien Lessard.
Le 12 juin 1973, le poste CJLM avait, dans ses bulletins de nouvelles, diffusé un reportage transmis par son correspondant à la Galerie de la presse faisant état d’une déclaration du député Lucien Lessard à l’Assemblée nationale dans laquelle il réclamait la démission du ministre responsable de l’ODEQ, monsieur Robert Quenneville.
Ce même jour, le ministre Quenneville répondait à l’attaque du député Lessard sur les ondes de CJLM et invitait ce dernier à le rencontrer dans un débat public télévisé.
Le 13 juin 1973, le correspondant de CJLM à la Galerie de la presse réalisait une entrevue avec le député Lucien Lessard, dans laquelle ce dernier répondait, entre autres, à l’invitation que lui faisait la veille, le ministre Quenneville; entrevue non diffusée sur les ondes de CJLM.
Le même jour, CJLM diffusait une entrevue accordée par le premier ministre Bourassa dans laquelle ce dernier prenait la part de son ministre et répondait à la déclaration faite à l’Assemblée nationale par monsieur Lessard.
Griefs du plaignant
La question que posaient les dirigeants de Radio Inter-Cité au Conseil de presse était de savoir si le directeur de l’information de CJLM était professionnellement justifié dans les circonstances de refuser la mise en ondes de l’entrevue réalisée avec le député Lucien Lessard. Cependant, le Conseil de presse du Québec, vu la nature de l’affaire soumise par les dirigeants de Radio Inter-Cité et suite à l’intervention de la Société nationale des québécois de Lanaudière, a jugé qu’il devait non seulement retenir le point soulevé par la direction de CJLM et les accusations de censure, mais qu’il devait aussi, à cause des implications possibles de la question soumise, faire porter son examen sur les aspects suivants, à savoir:
a) si le refus de la mise en ondes par CJLM d’une entrevue du député Lucien Lessard a porté atteinte à la liberté d’information ou au droit du public à une information complète et,
b) si ce même droit du public à l’information a été respecté par la façon dont les journalistes ont commenté l’incident.
Conformément aux règles de procédure du Conseil, le banc d’audition formé pour l’étude de ce cas, après une analyse du dossier, a tenu audience le 12 novembre 1973, à Joliette. Au cours de cette audience, il a entendu le témoignage des personnes qui s’étaient rendues à l’invitation du Conseil.
Analyse
La non diffusion de l’entrevue réalisée par le correspondant de CJLM à la Galerie de la presse avec le député Lucien Lessard ne résulte d’aucune censure de la part du directeur de l’information ou des autorités de CJLM et qu’il n’y eût, en outre, aucune ingérence de l’extérieur pour empêcher la diffusion de cette entrevue.
Cependant, le Conseil considère qu’il y a eu déficience ou omission de la part des responsables du poste CJLM concernant le traitement de l’information dans cette affaire, notamment sur les points suivants:
Le poste CJLM n’a reproduit, en aucune façon, la réponse du député Lucien Lessard dans laquelle ce dernier répondait au défi lancé par le ministre Robert Quenneville sur les ondes de CJLM et acceptait de le rencontrer dans un débat public.
Cette omission, au sens du Conseil, a eu pour conséquence de priver la population de la région de Joliette d’un des éléments du débat entourant l’incident.
Le poste CJLM n’a pas fait preuve du même empressement dans le cas de l’entrevue enregistrée par le député Lessard que dans celui des propos enregistrés par le premier ministre Bourassa et le ministre Quenneville. Il n’a pas mis, à la disposition du personnel les mêmes ressources pour le montage de l’entrevue du député Lessard que pour celui de l’entrevue du premier ministre Bourassa.
Le poste CJLM n’a pas donné aux parties concernées le même traitement en ne faisant entendre uniquement que les voix du ministre Quenneville et du premier ministre Bourassa alors que le montage de l’entrevue Lessard, possible et réalisable au sens du Conseil, aurait permis au poste CJLM de démontrer son souci d’accorder à tous un traitement égal et équitable.
Le service d’information du poste CJLM est apparu, aux membres du Conseil de presse du Québec, comme déficient notamment en ce qui concerne la direction et ses ressources en personnel.
En ce qui a trait à la question de savoir si le droit du public à l’information a été respecté par la façon dont les journalistes ont commenté l’incident, le Conseil de presse est d’avis que les faits qui lui ont été révélés ne justifient pas les accusations de censure portées à l’endroit du poste CJLM et que les journalistes qui ont commenté l’événement ne l’ont pas fait avec toute la circonspection et toute la rigueur qu’on est en droit d’attendre d’eux en ne prenant pas la peine de vérifier de façon plus minutieuse qu’ils semblent ne l’avoir fait tous les faits et circonstances entourant l’incident.
Analyse de la décision
- C06G Ingérence de la direction du média
- C12A Manque d’équilibre
- C15A Manque de rigueur