Plaignant
Agence de presse
Libre du Québec [Montréal]
Représentant du plaignant
M. Jacques Houpet
(secrétaire, Agence de presse Libre du Québec [Montréal])
Mis en cause
Les autorités
gouvernementales et policières du Québec
Représentant du mis en cause
M. Jérôme
Choquette (ministre, ministère de la Justice du Québec)
Résumé de la plainte
Cinq dispositifs
d’écoute électronique sont découverts aux bureaux de l’Agence de presse Libre
du Québec.
Griefs du plaignant
Le 22 novembre
dernier, à l’instar de plusieurs organismes publics, dont votre ministère, le
Conseil de presse du Québec était saisi de la découverte, aux bureaux de l’Agence
de presse Libre du Québec, 2074 rue Beaudry, à Montréal, de cinq dispositifs
d’écoute électronique.
Analyse
A la suite d’une longue et minutieuse étude, les faits révélés dans ce cas n’ont pas permis de déterminer les auteurs de ces pratiques d’écoute aux bureaux de l’Agence de presse Libre. Cependant, le Conseil de presse ne peut que déplorer au plus haut point l’utilisation de telles techniques dans les salles de rédaction des organes d’information. Il ne peut, aussi, que condamner sévèrement ceux qui s’y livrent.
De telles intrusions dans le fonctionnement d’un moyen d’information constituent en effet, au sens du Conseil, non seulement une atteinte grave à l’exercice de l’un des droits les plus fondamentaux des individus, celui de communiquer sans crainte d’être écoutés, mais lorsqu’elle sont effectuées dans les salles de rédaction des organes d’information, elles deviennent, en outre, une violation flagrante de la liberté d’information et une menace des plus sérieuses à l’exercice du droit du public à l’information.
Même si la protection du public peut exiger que l’Etat ait recours à des moyens exceptionnels, telle l’écoute électronique, dans la lutte contre le crime organisé, on ne saurait admettre qu’il les utilise sans une grande précaution et sans se soumettre à la rigueur d’un contrôle des plus stricts.
Si, par ailleurs, il arrive que des personnes se livrent à de telles pratiques sans respecter les règles établies, l’Etat doit agir à leur endroit avec la plus grande sévérité.
La protection du public ne signifie pas seulement que l’on doit sauvegarder sa sécurité matérielle, mais que l’on doit également assurer la protection de tous ses autres droits, dont le droit à l’information est, certes, dans notre société, l’un des plus importants. Or, l’une des conditions nécessaires à l’exercice de ce droit, c’est que la presse soit en mesure de fournir au public l’information que celui-ci doit recevoir. Et, à cette fin, la presse doit pouvoir agir librement et être à l’abri de toute intrusion inacceptable dans l’accomplissement de sa tâche. Ceci implique qu’elle puisse protéger ses sources d’information et l’identité des informateurs.
Le respect, qu’au nom du droit du public à l’information, on doit avoir en société démocratique pour la liberté de la presse, est aussi, aux yeux du Conseil de presse, essentiel à la sauvegarde de l’exercice des libertés individuelles.
Conscient de son rôle fondamental qui est d’assurer le respect du droit du public à l’information, le Conseil de presse du Québec est d’avis qu’il est du devoir des pouvoirs publics d’adopter toutes les mesures et de prendre tous les moyens pour que ce droit soit constamment sauvegardé.
Le Conseil de presse est aussi d’avis qu’il appartient à votre ministère de faire la lumière sur les événements auxquels j’ai fait allusion au début de cette lettre et sur d’autres du même genre qui se sont produits ou qui pourraient se produire à l’égard d’autres organes de presse ou encore à l’égard de journalistes.
Le Conseil considère également que le code relatif à l’usage des tables d’écoute, dont votre ministère annonçait l’été dernier la mise au point, doit contenir des mesures propres à prévenir et à enrayer les abus qui constituent une menace à la liberté d’expression et d’information, quels qu’en soient les auteurs. Le Conseil attache à cette question la plus haute importance.
Aussi, entend-il être extrêmement vigilant au sujet de l’emploi des tables d’écoute et de toute autre forme d’intrusion dans la transmission de l’information, afin d’empêcher que ce qui est déjà un précédent dangereux ne dégénère en une violation fréquente et très grave du droit du public à l’information et en une érosion grandissante de la liberté d’expression et d’information.
Le Conseil croit que vous partagez ses craintes devant cette montée inquiétante des abus à la liberté et que vous n’hésiterez pas à vous servir des pouvoirs que vous détenez comme ministre de la Justice pour les contrecarrer et les dénoncer.
Analyse de la décision
- C06F Écoute électronique