Plaignant
M. Robert
Malouin (député provincial, comté de Drummond)
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et M. Ralph Noseworthy (journaliste)
Résumé de la plainte
Dans son article
intitulé «Liberal MNA’s firm got Quebec Money», paru dans l’édition du 19
décembre 1974 de The Gazette, le journaliste Ralph Noseworthy rapporte à tort
que le plaignant, député à l’Assemblée nationale, demeure le président d’une
société qui bénéficie de contrats du gouvernement québécois. Le journaliste
accuse le plaignant d’être en situation de conflit d’intérêts, malgré un
démenti formel invalidant ses informations.
Griefs du plaignant
Le député
libéral de Drummond, à l’Assemblée nationale du Québec, M. Robert Malouin, a
porté plainte auprès du Conseil de presse du Québec au sujet d’un article paru
sous la signature du journaliste Ralph Noseworthy dans l’édition du journal The
Gazette du 19 décembre 1974 et intitulé «Liberal MNA’s firm got Quebec Money».
Dans cet article
le journaliste rapportait que M. Malouin était en conflit d’intérêts du fait
qu’il était à la fois député et président d’une société d’ingénieur-conseil
ayant exécuté des contrats pour le gouvernement du Québec, pour une somme d’au
moins un million de dollars, depuis son élection à l’Assemblée nationale du
Québec, le 29 octobre 1973.
Le journaliste,
citant une source du ministère des Institutions financières, écrivait que M.
Malouin avait fait rayer son nom de la raison sociale de la société le 16 mars 1974,
mais qu’il n’y avait eu aucun changement en ce qui concernait les officiers de
la société ni aucun autre changement. Il ajoutait que, selon le dossier, le
député en était toujours le président.
Le journaliste
rapportait aussi que le député niait avoir quoi que ce soit à faire avec ladite
société, n’en étant plus membre et s’étant départi des intérêts qu’il y
détenait dès le 4 octobre 1973, après avoir été choisi par son parti pour
briguer les suffrages à l’élection du 29 octobre 1973. M. Malouin avait donné
ce démenti la veille de la publication de l’article, soit le 18 décembre 1974,
au cours d’une conversation téléphonique avec le journaliste. Le député offrit
même de fournir sous serment les preuves démontrant que les faits qu’avait
l’intention de rapporter le journaliste dans son article du lendemain étaient
faux. Cependant, le journaliste n’a requis aucune de ces preuves.
Analyse
Le Conseil, après examen du dossier porté à sa connaissance et après avoir entendu le témoignage des personnes qui s’étaient rendues à son invitation, en est arrivé aux conclusions suivantes:
Le Conseil est d’avis que le journaliste Ralph Noseworthy n’a pas agi avec toute la circonspection que requiert l’exercice du métier de journaliste et qu’il n’a pas exploré avec tout le soin et la rigueur qu’il devait y apporter toutes les sources tant publiques que privées lui permettant de contrôler la véracité des faits énoncés dans l’article paru sous sa signature dans le journal The Gazette du 19 décembre 1974. Or, ainsi qu’il en est mention dans la rétractation publiée dans le même journal, le 6 mars 1975, toutes ces sources étaient disponibles au moment de la parution de l’article. En outre, le journaliste, en négligeant de vérifier les preuves que M. Malouin offrait de lui fournir et en se limitant à dire dans son article que le député niait les faits qu’il venait de rapporter, a ainsi démontré son peu de souci pour la vérité. Or, selon le Conseil, le journalisme d’investigation exige qu’il s’exerce non seulement avec grande précaution mais aussi avec le plus grand souci de la vérité et, les exigences de l’intérêt public étant sauvegardées, avec le plus grand respect pour la réputation des personnes.
Le Conseil blâme donc le journaliste qui, par sa négligence et son attitude, a manqué gravement aux exigences de l’éthique professionnelle.
Le Conseil croit qu’un tel comportement va directement à l’encontre du droit du public à une information véridique et impartiale et a, en outre, pour effet d’affaiblir la crédibilité de la presse, de porter préjudice à la réputation des journalistes et de mettre en doute la qualité de leur travail.
Le Conseil dénonce avec la même vigueur l’attitude des responsables des organes d’information qui assument la publication de renseignements non suffisamment vérifiés et ne tiennent pas compte de l’impact public que cela peut avoir sur la réputation des individus, comme ce fut le cas, dans cette affaire, du journal The Gazette.
Le Conseil considère que dans de tels cas, les rétractations, bien que nécessaires, restent de peu de valeur pour réparer pleinement le tort causé dans le public aux réputations injustement atteintes.
Analyse de la décision
- C15D Manque de vérification